Future Pac : mobilisation des éleveurs pour ne pas être rayés de la carte

"France, veux-tu encore de tes paysans ?" : des milliers d'éleveurs du grand Massif central ont manifesté jeudi 25 mars à Clermont-Ferrand et à Lyon pour "défendre leur métier" et réclamer des "réponses rapides" au gouvernement, alors que celui-ci envisage une baisse des aides couplées animales dans le cadre de la future Pac.

A la mi-journée, quelque 800 tracteurs, selon les organisateurs, avaient pris place face à la statue de Vercingétorix place de Jaude dans le centre de Clermont-Ferrand, venus des quatre départements auvergnats, mais aussi de la Bourgogne, du Limousin, du Lot, de l'Aveyron, de la Loire ou de la Nièvre, entraînant d'importantes perturbations sur les principales voies d'accès à la ville dans la matinée. "Paysans en péril, Macron réagis !", "Doit-on mourir pour vous nourrir ?", "N'abandonnez pas les éleveurs", pouvait-on lire sur les pancartes installées sur les engins, parfois surmontées d'un mannequin au bout d'une corde.

A Lyon, environ 200 tracteurs selon les organisateurs, 132 selon la préfecture, ont également convergé en fin de matinée vers le centre. Ils étaient partis dans la matinée notamment de la Loire, de l'Ain ou bien de l'Isère et avaient emprunté l'A43, l'A7 ou l'A89 où la circulation avait été momentanément perturbée. Les tracteurs ont ceinturé à la mi-journée la place Bellecour, où des responsables syndicaux ont pris la parole sur une estrade surmontée d'une banderole "On vous nourrit, mangez Français".

"On est venus défendre notre métier, face à un avenir incertain. Avec les baisses qu'on nous annonce, nos revenus vont être très impactés. La loi Egalim, c'est du pipeau !", a notamment déclaré Maxime Donavy, éleveur venu du Cantal pour manifester à Clermont-Ferrand.

Baisse des aides couplées animales

La France travaille actuellement sur son plan stratégique national (PSN), sa déclinaison de la future Pac qu'elle doit présenter en juin à la Commission européenne, à l'instar de ses voisins de l'UE. Le ministère de l'Agriculture suggère de doubler les aides couplées pour la production de protéines végétales, "en cohérence avec la stratégie protéines", selon des documents de travail transmis aux organisations professionnelles. Le montant global des aides couplées étant plafonné, "il est proposé un scénario de baisse de 16,5% des aides couplées animales".

Le ministère envisage aussi de revoir les modalités de calcul de ces subventions, en fusionnant les enveloppes destinées aux vaches laitières et vaches allaitantes (races à viande type Charolaise, Limousine, Salers...). "Cette mesure viendrait achever" les éleveurs de bovins allaitants "déjà en pleine crise de revenus", déplore la Confédération paysanne.

Au bout du compte, les aides spécifiques à l'élevage bovin allaitant pourraient passer de 610 à 360 millions d'euros par an, soit une baisse de 250 millions d'euros, selon les calculs de la Fédération nationale bovine (FNB). Or, regrette la FNB, faute de prix couvrant leurs coûts de production, le revenu des éleveurs et donc la "survie" des exploitations dépend "entièrement" de ces aides, qui représentent un quart du total des subventions reçues par les éleveurs bovins, en moyenne.

Interrogé le 24 mars lors de la séance de questions au gouvernement au Sénat, le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie n'a pas démenti les calculs de l'organisation. "Sur cette politique agricole commune, les négociations, les discussions, les consultations sont en cours, en ce moment, encore aujourd'hui, et donc on va mener ces consultations à terme pour avoir une PAC souveraine, plus juste et tenant compte des réalités des territoires", a-t-il dit.

La FNB a récemment estimé qu'un éleveur avait gagné en moyenne 8.000 euros en 2020, soit moins de 700 euros par mois. Elle a accueilli tièdement, au début du mois, le déblocage par l'État de 60 millions d'euros d'aides d'urgence aux éleveurs les plus en difficulté, qui ont gagné moins de 11.000 euros en 2020. Le président de la FNB Bruno Dufayet a estimé que ce n'était qu'un pansement provisoire : "Cela renforce les demandes qu'on a faites auprès du ministre [de l'Agriculture Julien Denormandie] sur la nécessité de trouver la manière de fixer un prix à hauteur des coûts de production pour les producteurs, parce qu'on ne va pas demander 60 millions tous les six mois".

"Sans trouver des solutions sur la construction des prix, l'État veut donc supprimer les derniers euros qui constituent le revenu des éleveurs allaitants déjà bien en deçà du seuil de pauvreté pour un grand nombre d'entre eux", déplorent les éleveurs du Berceau des races à viande du Massif central (BRAV), dans un communiqué. "C'est donc un réel plan social de suppression de l'élevage allaitant que l'État organise", selon eux. "Nous ne laisserons pas les éleveurs allaitants se faire rayer de la carte des productions agricoles françaises", préviennent-ils.