Une production viticole en hausse mais des nuages qui s’amoncellent

En hausse de 6%, les vendanges 2020 se situent peu ou prou dans la moyenne des cinq dernières récoltes. Tous les bassins voient leur production augmenter, à l’exception du Sud-Est. Le millésime 2020 se singularise par son degré de précocité inédit. Alors que les volumes sont là, les marchés exports restent impactés par la crise sanitaire et par le différend commercial UE-USA. En attendant l’épilogue du Brexit.

Selon les dernières prévisions du ministère de l’Agriculture, établies le 1er septembre, la production viticole française en 2020 s’établirait à 45,7 millions d’hectolitres. Elle s’afficherait ainsi en hausse de 6% par rapport à 2019 et de 1% par rapport à la moyenne des cinq années passées. Les plus fortes hausses de production sont enregistrées dans le Jura (+94%), en Val de Loire (+44%) et en Corse (+15%). Seul le Sud-Est ne profite pas de l’embellie, accusant une baisse de récolte de 6%, sous l’effet combiné du gel, de la grêle et du mildiou, notamment dans le département du Gard. Dans les autres bassins, les aléas climatiques et sanitaires n’ont pas, globalement, impacté les rendements même si, localement, des épisodes de grêle ont anéanti certaines parcelles. A titre d’exemple, le vignoble de l’AOC Buzet (Lot-et-Garonne) a subi deux épisodes sévères de grêle à deux mois d’intervalle.

Les vendanges, c’est désormais en août

Le fait marquant du millésime 2020 restera sans doute la précocité des stades de végétation, pouvant atteindre jusqu’à un mois en Val de Loire. Le phénomène s’explique par un printemps se situant à la seconde place des printemps les plus chauds depuis 100 ans. Résultat : dans la très grande majorité des bassins de production, les vendanges ont démarré en août, qui est en passe de détrôner le mois de septembre traditionnellement associé aux premiers coups de sécateurs et de secoueurs de machines à vendanger. A Fitou (Aude), les premiers raisins ont même été récoltés à la fin du mois de juillet. Rien ne dit que le printemps 2020 constituera le standard des prochains millésimes mais la vigne s’impose bel et bien comme un marqueur du changement climatique à l’œuvre, avec des impacts quantitatifs et qualitatifs (augmentation du degré d’alcool et baisse de l’acidité).

Leviers d’adaptation

En tout cas, 2020 n’a pas démenti la nécessité d’activer des leviers d’adaptations. Chance, les leviers en question, explorés depuis de nombreuses années par les chercheurs, sont plutôt nombreux. Ils passent par des changements de cépage (variétés anciennes, étrangères ou nouvelles), l’adoption de nouvelles pratiques viticoles (densité, taille, effeuillage, gestion du sol, irrigation), le développement de nouvelles pratiques œnologiques (réduction de la teneur en éthanol, ajustement du pH, sélection de levures), la réorganisation des plantations dans l’espace (réaménager les terroirs, relocaliser les vignes, changer d’altitude, revoir les limites des aires AOP), sans oublier des évolutions du cadre institutionnel (cahier des charges AOP et IGP, gestion des risques...).

Aéronautique, Covid et Brexit

Si la bonne tenue de la récolte 2020 est une bonne nouvelle, la conjoncture économique entourant le secteur viticole va rapidement se rappeler aux opérateurs. Depuis des mois, la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS) tire plusieurs sonnettes d’alarme, à commencer par celle liée au différend commercial opposant l’UE aux USA dans le secteur aéronautique, dont font les frais les vins et spiritueux français. Selon la FEVS, la filière pourrait perdre, sur un an, l’équivalent de 500 millions de dollars de chiffre d’affaires vers les USA, soit 415 millions d’euros. Il faut dire que les USA génèrent à eux seuls 19,8% des ventes de vins français à l’export et 40,4% de celle de spiritueux, non concernés par le contentieux. Entre-temps, la crise sanitaire due au coronavirus est passée par là. Toujours selon la FEVS, les exportations mondiales de vins et spiritueux ont reculé de près de 20% au premier semestre. « Avec une perte de 1,6 milliard d’euros, le chiffre d’affaires du secteur sur les six premiers mois 2020 revient au niveau qui était le sien à la fin juin 2012, soit 5 milliards d’euros », fait savoir la FEVS. Dernière ombre au tableau : le Brexit, toujours suspendu à des négociations délicates. Or le Royaume-Uni est la deuxième destination des vins français...