Une récession sans précédent pour le porc bio

Le marché du porc bio n’a cessé d’être haussier depuis sa création, et ce jusqu’en 2021. Mais il tend désormais à baisser, une situation due à de multiples facteurs. Détails avec Bruno Panvert, éleveur porcin concerné par une baisse significative de son activité.

Lors de son installation en 1996, Bruno Panvert reprend 40 ha de terre, certifiés en AB. Il est alors éleveur de vaches allaitantes. « Etant donné que les vaches passent entre 7 et 8 mois de l’année au pré, j’ai décidé en 1999 d’utiliser le bâtiment qui leur était dédié à l’engraissement de cochons durant la période estivale. J’ai réalisé quelques investissements, mais ils sont restés limités. »

COUP D’ŒIL DANS  LE RÉTROVISEUR

A la fin des années 90, le marché du bio a le vent en poupe et les coopératives agricoles incitent les éleveurs à produire. Les résultats économiques sont bons, d’autant qu’il leur est possible d’acheter des porcelets conventionnels afin de les engraisser avec des matières premières issues de l’agriculture biologique.

A Saint-Aubin-le-Dépeint, les résultats techniques et économiques de Bruno Panvert en atelier porcin bio sont encourageants. Il décide donc en 2013 de construire un nouveau bâtiment destiné à 100 % à cette activité. A ce moment-là, le cahier des charges évolue et il n’est plus possible d’engraisser des porcelets issus d’élevages conventionnels. Mais la demande des consommateurs est bien présente et participe à l’augmentation significative des prix.

"« On conservait donc notre marge », se remémore l’éleveur. "

En 2017, le marché se porte toujours aussi bien. Afin de réaliser son aliment à la ferme à partir de ses propres céréales, Bruno Panvert fait le choix de construire un bâtiment supplémentaire. « J’y ai intégré des cases de stockage de paille et de céréales pour l’autoconsommation, un atelier de mécanique et quatre cases pour élever davantage de cochons sur l’exploitation », détaille-t-il.

DÉCLIN DU MARCHÉ

Les principales difficultés de la filière surviennent mi-2022. « Entre juin et septembre, mon acheteur historique a rencontré des soucis avec son débouché en Allemagne, précise l’éleveur. Ce dernier a déposé le bilan. » Puis l’invasion de l’Ukraine par la Russie a entraîné une hausse des denrées alimentaires, synonyme de baisse de la consommation de porc bio, en France et en Allemagne.

"Plus de 500 de mes animaux ont alors été déclassés en conventionnel "

A la fin des années 2010, les organismes qui gravitent autour de la production porcine ont tous développé une filière biologique, « notamment les grands groupes bretons », précise l’éleveur du nord Touraine. A cela s’est ajouté un prix du porc conventionnel payé aux producteurs dérisoire. Ce qui a poussé certains d’entre eux à se convertir au bio, augmentant ainsi les volumes d’animaux bios sur le marché.

Durant cette période, le prix d’achat du porcelet passe de 100 à 125 euros. La surproduction rencontrée durant ces quelques mois sera la principale cause du déclin des ventes et des prix. « A tel point que j’ai cessé la production de porcs durant quelques mois, regrette l’éleveur. J’ai même mené une étude sur le retour de mon exploitation au conventionnel. Je souhaitais alors remplir mon bâtiment coûte que coûte pour pouvoir payer mes annuités. » Avant de poursuivre : « aujourd’hui, beaucoup de mes confrères, en bio depuis de nombreuses années et pratiquant la vente directe, voient leur chiffre d’affaires diminuer. Nous sommes dans l’incertitude pour l’avenir, même si les prix de l’aliment tendent à diminuer avec la baisse actuelle des cours des céréales. Et puis certains producteurs ont fait le choix de cesser leur atelier, diminuant ainsi l’offre d’animaux. »

Malgré tous ces revirements, Bruno Panvert assure « qu’il y a toujours trop de porcs bio sur le marché comparé à la demande actuelle des consommateurs qui diminue face à l’inflation. » A cette crainte de surproduction, s’ajoute celle de la modification des habitudes alimentaires. « Toutes les filières de la viande bio craignent cette orientation des consommateurs vers des produits végans. Les gens sensibilisés à la qualité de leur alimentation, acheteurs historiques de produits biologiques, se détournent de la viande. C’est une réelle menace pour notre production, à laquelle nous devons nous préparer », met en garde l’agriculteur.