Bien-être des agriculteurs : et si on en parlait ?

Partie 1/6

Rompre l’isolement

Dans ce chapitre, concentrons-nous sur une caractéristique assez spécifique du milieu rural, et d’un grand impact sur le mal-être des agriculteurs : l’isolement. Qu’il soit géographique, social, affectif ou professionnel, l’isolement pèse sans nul doute sur le moral de tout un chacun.

L’isolement est multiple. Il est géographique bien sûr, mais aussi social, puisque l’exploitant est souvent éloigné des lieux de sociabilité. Il est également professionnel, de par la difficulté d’entrer en contact avec des prestataires ou d’autres agriculteurs. Enfin, il est personnel puisque l’agriculteur est souvent confronté à la difficulté de communiquer au sein de son propre entourage.

Le peu de temps pouvant être consacré à des préoccupations personnelles est en partie perdu car l’exploitant agricole ne bénéficie pas de la proximité de lieux de ressources tels que les cabinets médicaux, les hôpitaux, les commerces ou des lieux de loisirs. Avec la baisse du nombre d’exploitations et l’agrandissement des surfaces, la densité d’agriculteurs diminue et donc leur isolement augmente. Des solutions existent pour faire face à l’isolement, pour ne pas se laisser envahir par lui.

Faire partie d’un collectif : l’exemple des Civam

Reposant sur l’éducation populaire depuis leur création dans les années 1960, les Civam (Centres d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural) mutualisent les compétences de chacun pour faire émerger une intelligence collective. Tous les salariés sont formés à l’écoute active, à la bienveillance et au non-jugement de valeur, leur permettant ainsi d’intervenir dans les meilleures conditions auprès des agriculteurs. 145 groupes Civam sont répartis sur l’ensemble du territoire. Interview d’Aurélien Leray, président du réseau des Civam.

Aurélien Leray, président du réseau des Civam

 En quoi faire partie d’un collectif comme un groupe Civam peut contribuer au bien-être des agriculteurs ?

Au-delà de la question du bien-être et de notre structure, le nerf de la guerre c’est l’accompagnement. Les Civam sont dans l’accompagnement collectif. Ils interviennent pour « traiter les symptômes ». C’est le groupe qui peut permettre de prévenir les difficultés et traiter les causes du problème. C’est dans le collectif qu’on peut échanger avec des pairs qui nous comprennent et ainsi garder une certaine autonomie décisionnelle sur notre exploitation.

Comment cela se déroule concrètement au sein du réseau Civam ?

Je suis moi-même éleveur et j’appartiens au groupe de Bain-de-Bretagne où une quinzaine de fermes sont représentées. Nous avons une journée de formation par mois ou une dizaine de journées de formation par an. Dans mon groupe, nous avons par exemple eu 3 demi-journées sur l’élevage à l’herbe, puisqu’on est surtout en élevage bovin-lait. Pour chaque journée, nous allons sur les exploitations des autres fermes du groupe. Nous réalisons un bilan des formations passées au mois d’avril. Nous revenons sur le contenu des formations, la qualité des intervenants et nous planifions les formations de l’année à venir, en fonction des attentes de chacun.

Vous évoquiez le fait que vous traitiez les symptômes. Les échanges avec le groupe ne permettent-ils pas d’affronter les problèmes plus en amont ?

Si, pendant les tours de fermes. Le regard des autres apporte beaucoup sur l’optimisation du travail. Il n’est pas rare que lors de la première visite de ferme de nouveaux arrivants, les conseils des pairs permettent à l’éleveur de lui faire gagner une heure de sa journée rien qu’en échangeant sur l’organisation du travail. Les éleveurs très performants du groupe peuvent conseiller et guider les autres vers une amélioration des pratiques. On procède souvent à un tour de météo le matin. Météo pro ou privée, on est libre de dire ce que l’on veut sans être jugé. Cela permet non seulement de rentrer dans la discussion, d’être en confiance pour les sujets suivants mais aussi pour les autres, de détecter les baisses de moral de certains. On peut ainsi lui porter une attention particulière, pour la journée ou sur le long terme si le problème n’est pas passager.

De nombreuses plateformes d’échange

Le réseau des Civam n’est pas le seul à permettre à l’agriculteur de sortir de son isolement. La MSA (Mutualité Sociale Agricole), la DDT (Direction Départementale des Territoires), Solidarité paysans, les Chambres d’agriculture et nombre d’associations à des échelles plus locales, interviennent auprès des agriculteurs connaissant ces difficultés, qu’elles soient liées à l’isolement ou à d’autres facteurs.

De plus, de nombreuses structures coopératives existent et permettent de garder un certain contact entre agriculteurs. Plusieurs plateformes d’entraide ont ainsi émergé à l’image de TalkAg ou FarmLEAP qui permettent aux agriculteurs d’échanger sur leurs pratiques, et Echange Parcelle ou Agri-échange qui proposent aux agriculteurs de s’échanger matériel, conseils voire parcelles.

Le digital a l’avantage de rapprocher. Deux tiers des interrogés de l’étude Agrinautes 2020 sont présents sur au moins un réseau social. Davantage que la moyenne nationale qui est à 60%. Facebook est ainsi le réseau social le plus utilisé par les agriculteurs. Twitter, WhatsApp et YouTube sont les suivants.

 

>> Partie 2 : Réduire la pénibilité du travail

 

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