Contre le gel, un paratonnerre

[Edito] L’intensité et l’étendue de l’épisode gélif vont de nouveau mettre en lumière le désarmement des systèmes de couverture publics et privés face aux impacts climatiques. La gestion des risques est-elle condamnée à l’impuissance ?

Il est encore bien trop tôt pour évaluer les dégâts causés cette semaine par le gel, d’autant plus que l’épisode n’est pas terminé. Mais il sera assurément d’une ampleur inédite, ruinant sinon affaiblissant bon nombre d’exploitations voire de filières. Dans un réflexe pavlovien, le ministre de l’Agriculture a dégainé les trois outils de circonstance que sont l’activation des calamités agricoles, les allègements de charges et les dégrèvements fiscaux. Autant dire un paratonnerre pour s’éviter la foudre des agriculteurs, à défaut de réchauffer l’atmosphère. Jupiter n’est pas qui veut.

A la décharge du ministre, il faut dire que le combat entre le ciel et les terriens est très inégal. On peut allumer des bougies, on peut se battre avec des moulins à vents, y compris des pales d’hélicoptère, on peut mobiliser l’armée agroécologique : les phénomènes à l’œuvre, exacerbés soit-dit en passant par la fumée des bougies et les gaz de l’hélicoptère, sont surpuissants.

Aléas Pac jacta est

Et de fait, la gestion des risques en est réduite à une gestion administrative et comptable de sinistres, sous la férule des pouvoirs publics, dans le cadre des calamités agricoles, ou des assureurs privés via les contrats multirisques climatiques. Les deux parties ont du reste conclu un mariage public-privé, avec comme témoin la Politique agricole commune, qui met dans la corbeille quelques subsides prélevés sur le second pilier et destinés à subventionner les dispositifs assurantiels. On peut toujours compter sur la Pac faire office d'exutoire et faire pactiser ses opposants. Si la Pac n’existait pas, rien que pour cela, il faudrait l’inventer, ou la réinventer, mais c’est un autre débat. Parce que le sujet de la gestion des risques, comme tant d’autres, ne fait pas consensus au sein de la profession et parce qu’on l’aura compris, qu’elles soient publiques ou privées, nationales ou européennes, les politiques de gestion des risques sont insatisfaisantes.

Les premières feuilles du rapport Descrozaille épargnées par le gel

Avec cette nouvelle catastrophe, la question assurantielle ne va pas manquer de remonter sur le haut de la pile du Programme stratégique national, focalisé pour l’heure sur les éco-régimes et les aides couplées, avec déjà de gros tirages de couverture à l’œuvre.

Contre vents et marées, Julien Denormandie ne désarme pas. Dans le cadre du Plan de relance, le ministre de l’Agriculture a fléché 70 millions d’euros pour subventionner l’achat de matériels de protection contre les aléas climatiques. Plus récemment, il a confié au député Frédéric Descrozaille une mission destinée à repenser les systèmes assurantiels. Chance : les premières feuilles du rapport n’étaient pas encore sorties quand le gel a frappé.