Agrivoltaïsme : « Remettre une ex-friche en culture, en l’adaptant au changement climatique »

A Claira (Pyrénées-Orientales), Damien de Besombes vient de replanter 2,4 hectares de vignes sous les persiennes agrivoltaïques et dynamiques de Sun’Agri. Le projet devrait apporter un peu plus qu’une goutte de résilience pour le vignoble de 60 hectares conduit en bio.

Quoi de plus emblématique que la remise en culture d’une parcelle délestée de toute production agricole depuis plus de vingt ans, sous des panneaux photovoltaïques, en alliant la résilience aux aléas climatiques et la sobriété hydrique, tout en produisant l’équivalent de la consommation électrique annuelle de 500 foyers ? C’est ce que vient d’inaugurer le spécialiste de l’agrivoltaïsme dynamique Sun’Agri sur la commune de Claira (Pyrénées-Orientales), plus précisément sur la propriété de Damien de Besombes.

La vigne sous panneaux photovoltaïques sera conduite en taille rase mécanique et valorisée en IGP blanc et rosé
La vigne sous panneaux photovoltaïques sera conduite en taille rase mécanique et valorisée en IGP blanc et rosé

« Cette installation va me permettre de faire mon métier sereinement », déclare le vigneron, qui exploite 60 ha de vignes sur trois localités différentes. « A 10 kilomètres d’ici, mes vignes se meurent sous l’effet de la sécheresse. Je pense que cette ombrière va être bénéfique pour la vigne et pour la gestion de l’eau ».

Pare-soleil et pare-gel

Dans ce département, Sun’Agri n’en est pas à son premier coup d’essai. En 2018, il inaugurait à Tresserre son premier démonstrateur grandeur nature de 4,5 ha, déjà sur vigne.

Chaque projet de Sun’Agri est adossé à une parcelle témoin
Chaque projet de Sun’Agri est adossé à une parcelle témoin

Depuis, une vingtaine de projets, donc une quinzaine opérationnelle, a essaimé dans le Sud-Est de la France. Et de fait, les références agroclimatiques s’accumulent. « Les panneaux ont pour effet de réduire la température de 3 à 4°C, déclare Timothée Pierre, directeur-adjoint de Sun’Agri. Au niveau des feuilles, la baisse de température atteint 10°C. La réduction de l’évaporation et l’évapotranspiration engendre une économie de 30 à 40% des volumes d’eau. Au printemps, l’élévation de 1,5 à 2°C de la température sous les panneaux contribue à réduire les risques de gel ».

"Le dispositif va me permettre de retrouver une certaine maitrise quantitative et qualitative"

Autant de bienfaits qui devraient échoir à la parcelle de 2,40 ha, implantée en sauvignon blanc et en cinsaut. Une parcelle témoin de 0,40 ha juxtapose l’installation photovoltaïque et permettra de comparer les deux modes de conduite au plan agroclimatique et d’enrichir ainsi les algorithmes de pilotage de Sun’Agri.

Sur un domaine viticole totalisant 60 ha, la sécurisation apportée par la vigne photovoltaïque reste relative. « Le dispositif va me permettre de retrouver une certaine maitrise quantitative et qualitative, avec des degrés alcooliques et des maturités phénoliques plus constants. Sur certaines parcelles, je peine à produire 20 hl/ha, tempère Damien De Besombes. Ici, j’ai la garantie de produire entre 80 et 90 hl/ha de vin, même s’il ne s’agit pas des mêmes produits et des mêmes marchés ».

La vigne sous panneaux photovoltaïques sera conduite en taille rase mécanique et valorisée en IGP blanc et rosé. « Depuis quelque temps, on ne vend plus une goutte de rouge », précise le vigneron, justifiant le choix de ces deux couleurs. Et puis, les leviers d’adaptation au changement climatique ne sont pas légion. Damien de Besombes scrute notamment les nouveaux porte-greffes et les nouveaux cépages mais sans entrevoir à ce stade une planche de salut notable.

"L’orientation des panneaux est guidée par les seuls intérêts agronomiques de la parcelle et du vigneron"

Au plan financier, le vigneron supporte le seul coût de la plantation comme il le ferait pour un projet similaire mais sans panneaux photovoltaïques, dont le coût est pris en charge par un investisseur (Râcines – RGreen Invest), avec une participation de la Région Occitanie, Sun’Agri assurant le pilotage de l’installation.

Timothée Pierre, directeur-adjoint de Sun’Agri : « Au niveau des feuilles, la baisse de température atteint 10°C tandis que la réduction de l’évaporation et l’évapotranspiration engendre une économie de 30 à 40% des volumes d’eau »
Timothée Pierre, directeur-adjoint de Sun’Agri : « Au niveau des feuilles, la baisse de température atteint 10°C tandis que la réduction de l’évaporation et l’évapotranspiration engendre une économie de 30 à 40% des volumes d’eau »

L’électricité est valorisée par Volterres, fournisseur d’électricité verte et locale. « L’orientation des panneaux est guidée par les seuls intérêts agronomiques de la parcelle et du vigneron », précise Timothée Pierre. Fort de tous ces arguments, le projet n’a fait l’objet ni d’opposition ni de contestation selon ses promoteurs.

Dans les Pyrénées-Orientales, un projet de Sun’Agri se heurte à des opposants, ce qui n’a pas été le cas à Claira
Dans les Pyrénées-Orientales, un projet de Sun’Agri se heurte à des opposants, ce qui n’a pas été le cas à Claira

L’acceptabilité, une formalité, encore que...

Ce n’est pas une généralité. A Terrats, toujours dans les Pyrénées-Orientales, un autre projet de Sun’Agri, qui a investi dans du foncier, suscite la colère d’un collectif d’opposants, dénonçant l’accaparement de terres et la spéculation foncière, ce que réfute l’entreprise. « Notre modèle est vertueux et a été conforté par la Loi du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, déclare Timothée Pierre. Sans cette loi, il aurait été possible de construire des centrales photovoltaïques au mépris de la production agricole. Nous voulons contribuer à relancer la vigne, nous sommes viticulteurs ».

Il est vrai qu’en Languedoc-Roussillon, ce n’est pas les friches qui manquent. Au cours des quatre dernières décennies, le vignoble a perdu 250.000 ha de vigne, soit la moitié de la surface, sous l’effet de plusieurs mesures structurelles visant à adapter l’offre et la demande en vin.

En Languedoc-Roussillon, plus de la moitié des superficies arrachées (52%) pendant les années 1985-2010 est restée à l’état de « végétation spontanée », autrement dit de friches, tandis que 2,5% était vouée à l’urbanisation
En Languedoc-Roussillon, plus de la moitié des superficies arrachées (52%) pendant les années 1985-2010 est restée à l’état de « végétation spontanée », autrement dit de friches, tandis que 2,5% était vouée à l’urbanisation

Selon une étude de FranceAgriMer, réalisée à l’issue de ces campagnes d’arrachage, plus de la moitié des superficies arrachées (52%) est restée à l’état de « végétation spontanée », autrement dit de friches, tandis que 2,5% était vouée à l’urbanisation, le solde étant reconverti en grandes cultures et en arboriculture.

Les poteaux sont arrivés au sol sans aucune armature en béton
Les poteaux sont arrivés au sol sans aucune armature en béton

La loi du 10 mars consacre également la réversibilité des installations agrivoltaïques, dépourvue chez Sun’Agri de tout ancrage en béton. La réversibilité, une faculté qui laisse Damien de Besombes de marbre, lui dont la famille cultive de la vigne depuis 1760, et qui imagine plus volontiers une seconde opération dans les années à venir.