Arterris entre au capital de la Compagnie des amandes d’Arnaud Montebourg

La coopérative rejoint l’ancien ministre du Redressement productif dans son projet de relance de l’amandiculture, visant les 2000 ha à l’horizon 2026. A projet un tant soit peu téméraire, modèle économique totalement disruptif.

Annoncé la veille de l’ouverture du salon Med’Agri par voie de communiqué, la Compagnie des amandes et Arterris ont officialisé à Avignon leur rapprochement, qui va prendre la forme d’une prise de capital de 8,5%, soit 1,5 million d’euros, de l’entreprise fondée par Arnaud Montebourg à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), par le groupe coopératif basé à Castelnaudary (Aude). Il se trouve que la couverture d’Arterris, qui enjambe un territoire s’étendant des Pyrénées aux Alpes, correspond à la zone potentielle de relocalisation des amandiers telle que la Compagnie des amandes s’y attèle depuis 2018.

François Moulias (à gauche) et Arnaud Montebourg (au centre), directeur général et président de la Compagnie des amandes, et Jacques Groison, directeur du Pôle agricole d’Arterris (Crédit photo : R. Lecocq)
François Moulias (à gauche) et Arnaud Montebourg (au centre), directeur général et président de la Compagnie des amandes, et Jacques Groison, directeur du Pôle agricole d’Arterris (Crédit photo : R. Lecocq)

Mais la géographie n’explique pas tout. « Notre coopérative est toujours en quête de solutions de diversification au service des adhérents, explique Jacques Groison, directeur du Pôle agricole de la coopérative. Nous sommes sensibles à l’enjeu de relocalisation de la production d’amandes et au fait que la Compagnie des amandes a une approche de type filière, depuis l’audit des parcelles potentiellement adaptées jusqu’à la première transformation des amandes, en passant par l’établissement des vergers et l’accompagnement technique des producteurs. Le dernier point concerne le modèle financier très novateur, qui permet d’enlever du risque dans l’acte de production ».

"Nous payons les agriculteurs pour le travail qu’ils font avant la récolte, une première depuis le néolithique"

Le modèle économique mis en œuvre par la Compagnie des amandes est en effet détonnant, pour ne pas dire révolutionnaire. « Nous payons les agriculteurs pour le travail qu’ils font avant la récolte, une première depuis le néolithique », déclare Arnaud Montebourg, président de la Compagnie des amandes.

En rythme de croisière, chaque amandiculteur peut escompter un revenu global compris entre 2000 et 2500 €/ha/an, moyennant environ 80 heures de travail et un co-investissement de départ compris entre 5000 et 10.000 €/ha (Crédit photo : La Compagnie des amandes)
En rythme de croisière, chaque amandiculteur peut escompter un revenu global compris entre 2000 et 2500 €/ha/an, moyennant environ 80 heures de travail et un co-investissement de départ compris entre 5000 et 10.000 €/ha (Crédit photo : La Compagnie des amandes)

L’entreprise rémunère en effet les producteurs durant les 5 ans séparant la plantation de la première récolte. « Le producteur cumule quatre sources de rémunération, précise François Moulias, directeur général et co-fondateur de l’entreprise. Nous lui payons dès la première année un loyer moyen d’environ 350 €/ha/an et nous lui louons son matériel au prorata des heures de travail effectuées dans le verger. Nous lui versons pendant cinq ans un forfait de 700 €/ha/an, lequel passe à 850 €/ha/an dès l’entrée en production. Dès la première récolte, nous lui versons un intéressement sous forme de dividende, à hauteur des 51% de la société dont il est président. Ce n’est donc pas la Compagnie des amandes qui verse des dividendes au producteur mais ce dernier qui verse à la Compagnie les 49% qui lui reviennent ».

"Nous enlevons à l’agriculteur le poids de la dette, c’est ce qu’il l’empêche de dormir la nuit"

La plantation d’un verger se double en effet de la création d’une société entre le producteur et la Compagnie des amandes. « L’agriculteur n’est pas dépossédé de sa terre, précise Arnaud Montebourg, prévenant les attaques en « dépossession ». Il en reste le propriétaire, sinon le fermier, à travers la société d’exploitation et il exploite lui-même ». Et s’il fallait une caution supplémentaire, Arnaud Montebourg cite volontiers l’INRAE, à hauteur de 6% du capital, impliqué en amont sur la partie R&D. L’entreprise compte comme autres actionnaires deux PME, dont Daco Bello, spécialisée dans la mise en marché de fruits secs, sans oublier les deux co-fondateurs. « Nos investisseurs ne sont ni chinois, ni américains, ni barbares, s’exclame Arnaud Montebourg. Un agriculteur surendetté est-il sûr de garder la maitrise de sa terre ? Nous lui enlevons le poids de la dette, c’est ce qu’il l’empêche de dormir la nuit ». Selon l’ex-ministre, son modèle est regardé attentivement par d’autres filières que l’amande.

En 2023, l’entreprise inaugurera à Signes (Var) une casserie assurant la première transformation, moyennant un investissement de 12 millions d’euros (Crédit photo : La Compagnie des amandes)
En 2023, l’entreprise inaugurera à Signes (Var) une casserie assurant la première transformation, moyennant un investissement de 12 millions d’euros (Crédit photo : La Compagnie des amandes)

« Dérisquer » la technique, la finance et la commercialisation

En rythme de croisière, chaque amandiculteur peut escompter un revenu global compris entre 2000 et 2500 €/ha/an, moyennant environ 80 heures de travail et un co-investissement de départ compris entre 5000 et 10.000 €/ha. Par son approche de type filière, la Compagnie des amandes estime en prime « dérisquer » les producteurs aux plan technique (par le réapprentissage de la conduite culturale), financier (par la rétribution dès la plantation) et commercial. En 2023, l’entreprise inaugurera à Signes (Var) une casserie assurant la première transformation, moyennant un investissement de 12 millions d’euros. 2023, c’est l’année où seront récoltées les amandes des premiers vergers installés. En 2023, 500 ha devraient être alors « signés-plantés ». L’entreprise vise les 2000 ha en 2026, ce qui nécessitera d’autres levées de fonds. A raison de 1,5t/ha, on sera encore loin des 45.000 t consommées annuellement en France, la production actuelle se situant à 800 tonnes. Mais Arnaud Montebourg a aussi ses limites. « On a monté ça avec nos économies », rappelle-t-il.

"C’est une fierté et un honneur de voir Arterris s’associer avec nous et quelque part, ce sont les agriculteurs qui deviennent nos patrons"

La Compagnie des amandes va néanmoins pouvoir compter sur Arterris pour soutenir le déploiement de la culture. « C’est une fierté et un honneur de voir Arterris s’associer avec nous et quelque part, ce sont les agriculteurs qui deviennent nos patrons, déclare Arnaud Montebourg. Mais quand nous mettons en commun la R&D, l’achat et des plants et le matériel pour diminuer les coûts, quand on fait le sourcing sur l’irrigation, quand on assure les débouchés commerciaux, que faisons-nous ? De la coopération, sans le savoir, mais de la coopération. Nous n’avons pas le même statut qu’Arterris mais nous partageons les mêmes valeurs ». Et la valeur à venir, donc.