« Climat, prix des engrais, cours des céréales : on n’a plus aucun repère »

A Trampot (Vosges), Philippe Mongin ne navigue pas totalement à vue face à des éléments climatiques et conjoncturels toujours moins prévisibles et contrôlables. Mais un GPS dédié aux cours et à la météo ne serait pas superflu.

20 kg de féverole, 9 kg de vesce velue, 3 kg de radis et 400 g de phacélie : telle est la potion de couverts végétaux que Philippe Mongin implante en cette fin juillet derrière son orge de printemps, précédant un tournesol, en espérant que la météo y mette du sien. « Là sur cette parcelle, on a récolté 35 q/ha d’orge, se désole le céréalier associé en Gaec avec Christophe Polliot sur 580 hectares. L’agriculteur attribue sa contre-performance à 80% au duo infernal « manque d’eau et coup de chaud » et à 20% à sa conversion à l’agriculture de conservation des sols (ACS), loin d’être aboutie à l’issue du quatrième exercice.

Pilotage de la fertilisation azotée au moyen de Farmstar et du N-Tester, couverts végétaux capteurs et piégeurs d’azote, introduction de légumineuse telles que le pois, travail du sol réduit à la plus simple expression le Gaec a le sentiment d’avoir actionné tous les leviers pour optimiser leur système et l’ancrer dans la durabilité et la résilience
Pilotage de la fertilisation azotée au moyen de Farmstar et du N-Tester, couverts végétaux capteurs et piégeurs d’azote, introduction de légumineuse telles que le pois, travail du sol réduit à la plus simple expression le Gaec a le sentiment d’avoir actionné tous les leviers pour optimiser leur système et l’ancrer dans la durabilité et la résilience

Et pour cause : la météo joue les empêcheurs de semer les couverts en long, en large et en travers. En 2021, l’excès d’eau, en 2022 le sec. « Dans la parcelle d’à côté, on a semé de la féverole avant d’implanter le colza mais les repousses d’orge sont en train de crever et j’ai peur que la féverole prenne le même chemin ».

"Je mise aussi sur les couverts, notamment la féverole, pour faire baisser la facture d’engrais"

Cette année, Philippe Mongin a testé le semis à la volée avant moisson mais l’expérience ne s’est pas avérée concluante. « C’est un peu décourageant », concède-t-il. Mais pas au point de lâcher l’affaire car l’agriculteur a mis le sol au « au cœur de son métier », aidé par sa coopérative Vivescia dans le cadre du Club VivesciAgrosol. « L’une des motivations de départ consistait à retrouver la maîtrise des mauvaises herbes telles que le vulpin avec une rotation allongée à six ans. Cet objectif a été atteint, ce qui a permis en prime de baisser les IFT». Le Gaec espère que la menace pesant sur l’avenir du glyphosate ne va pas précipiter la fin de son l’aventure dans l’ACS. « Certaines années, à raison d’un litre par an et par hectare de glyphosate, je ne mets pas d’autre herbicide sur le blé », plaide-t-il.

"Le Nexen à 995 €/t, la solution azotée à 700 €/t, on n’a jamais payé ça"

Le prix de l’engrais et les cours des céréales, c’est évidemment le sujet de cet été 2022 face à la Russie qui tire les ficelles (et les missiles), avec dans une main le robinet du gaz et dans l’autre le bouton pour atomiser, entre autres, les ports ukrainiens de la mer Noire. « J’ai arrêté de regarder les cours », affirme Philippe Mongin.

Côté engrais, le céréalier a engagé l’intégralité de ses achats auprès de sa coopérative. « Le Nexen à 995 €/t, la solution azotée à 700 €/t, on n’a jamais payé ça ». Pilotage de la fertilisation azotée au moyen de Farmstar et du N-Tester, couverts végétaux capteurs et piégeurs d’azote, introduction de légumineuse telles que le pois, travail du sol réduit à la plus simple expression : l’agriculteur et son associé ont le sentiment d’avoir actionné tous les leviers pour optimiser leur système et l’ancrer dans la durabilité et la résilience, mise à rude épreuve par le climat et la conjoncture.

Le Gaec des Hauts pays est passé au semis direct et à l’ACS en 2019, avec le soutien de la coopérative Vivescia, qui a créé un club dédié
Le Gaec des Hauts pays est passé au semis direct et à l’ACS en 2019, avec le soutien de la coopérative Vivescia, qui a créé un club dédié

Le Gaec a aussi l’opportunité de profiter d’apports de fumier et de lisier, à hauteur de grosso modo 800 tonnes et de 1500 m3 par an en échange de la fourniture de paille à des éleveurs du secteur, dont un jeune éleveur à qui le Gaec a mis le pied à l’étrier en lui cédant une partie des terres après le départ d’un associé. Un choix agronomique qui pénalise cependant le bilan carbone de l’exploitation, un sujet d’intérêt du Gaec au même titre que la HVE.

En ce qui concerne la commercialisation des grains, le Gaec s’en remet pour l’essentiel au prix moyen de la coopérative.

« On a vendu un peu de blé en gestion autonome, à 210-220 €/t, déclare Philippe Mongin. A ce prix-là, on se croyait les rois du pétrole, sauf qu’un mois et demi plus tard, c’était 110 €/t de plus ». Le Gaec espère au final toucher « plus » 250 €/t en prix moyen pour le blé et « au moins » 600 €/t pour le colza. Voilà pour la récolte 2022, jugée « correcte » en colza (33 q/ha), « moyenne » en blé (60 q/ha) et « médiocre » en orge.

Mais quid de la récolte 2023 à plus de 2 euros l’unité d’azote ? « Le problème c’est que l’on a aucune garantie sur les rendements à venir », jauge le producteur. Qu’il s’agisse du climat, du prix des engrais ou des cours des céréales, on n’a plus aucun repère ». Une chose est sûre : les « profiteurs de guerre », ce n’est pas du côté des céréaliers de Trampot qu’il faut aller les débusquer.