De quoi la crise du bio est-elle le nom ?

[Edito] En baisse pour la deuxième année consécutive, le marché des produits bio se grippe. Finie, la croissance à deux chiffres ? Le marché reprendra-t-il des couleurs une fois la crise inflationniste passée ?

Après des années de croissance à deux chiffres, la courbe du bio s’est inversée. En 2020, avec la crise du covid, le marché de l’agriculture bio avait atteint un niveau record à 13,2 milliards d’euros, en hausse de 10,4% par rapport à 2019. En 2021, dans un contexte de recul général de la consommation, le marché de la bio a marqué le pas, avec un recul de 1,3%, mais il a préservé sa part de 6,6% dans la consommation alimentaire des ménages. L’année 2022 s’annonce beaucoup plus problématique. Selon le cabinet d’études IRI, le marché bio dans la grande distribution, qui représente plus de la moitié des ventes de produits bio, s’est rétracté de 5% au cours des dix premiers mois. Une deuxième année consécutive de recul qui fait souffler un vent du panique sur la filière.

Les organisations bio appellent les enseignes à maintenir une offre visible, attractive et diversifiée, alors qu’elle accuse un recul de 7,3% dans les rayons en près d’un an. C’est le cercle vicieux : les ventes en GMS reculent, les distributeurs diminuent l’offre dans les rayons, les consommateurs achètent moins, etc. Appelé à la rescousse, l’Etat a annoncé le 6 décembre mettre main à la poche pour accompagner la filière.

L’inflation des prix alimentaires (+12% sur un an) est le principal facteur de cette décrue, les consommateurs se tournant vers des produits moins chers. Mais le prix du bio était déjà un frein avant la crise actuelle, et les associations de consommateurs avaient déjà dénoncé les sur-marges réalisées par les grandes enseignes de distribution sur les produits bio par rapport aux produits conventionnels… de quoi décourager les consommateurs, préférant se tourner vers d’autres circuits de distribution ou vers d’autres labels.

Car la bio est bel est bien concurrencée par une multitude d’autres labels ou dénominations marketing. Il y a les autres signes officiels de la qualité et de l’origine : AOP, AOC, IGP, Label Rouge… Il y a les mentions « sans » : sans OGM, sans résidus de pesticides, sans huile de palme, etc. Il y a les produits « fermiers », les photos d’agriculteurs et d’agricultrices sur les emballages, les scores nutritionnels, environnementaux… ou tout simplement la volonté de privilégier l’achat local plutôt que le bio à tout prix.

Au-delà du respect de l’environnement, les consommateurs sont de plus en plus sensibles à d’autres considérations, comme l’impact carbone ou la juste rémunération des producteurs. Acheter des pommes bio importées de l’autre bout du monde et emballées dans du plastique semble bien loin des valeurs et des fondements de l’agriculture biologique. Des labels « mieux disant » ont d’ailleurs émergé au sein-même des filières bio, comme celui de la Fnab qui a lancé son propre label plus exigeant. Des exemples de labels « équitable » ont également émergé, en s’inspirant des démarches du commerce équitable Nord-Sud, mais en appliquant le principe entre des entreprises et des producteurs français. Autant de démarches qui permettent de reconnecter la bio à ses valeurs et qui pourraient séduire à nouveau les consommateurs.