Egalim 1, 2, 3 : ce qui a vraiment changé pour les agriculteurs

Avec l'approche imminente de la loi Egalim 4, il est temps de réévaluer les impacts des trois premières législations éponymes. Entre ce qui a été annoncé et appliqué, quel est le bilan pour les agriculteurs ? Retour sur le feuilleton en cours de la loi Egalim.

Votée en 2018 afin d’assurer un revenu décent aux agriculteurs, Egalim I a ouvert la voie à la fixation du prix par la production selon le principe de la « marche en avant ». Trois ans plus tard, pour remédier aux nombreuses failles du premier texte, Egalim II a rendu la contractualisation obligatoire, tout en sanctuarisant le prix de la matière première.
Plus récemment, la loi Egalim III a, elle, permis d’ajuster les dispositifs en place et notamment de prolonger l’encadrement des promotions et la majoration du seuil de revente à perte.

L’espoir d’Egalim I

Aboutissement des États Généraux de l’alimentation initiés par le président de la République en 2017, la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable est votée en octobre 2018. Cette initiative
législative, aussi appelée Egalim I, a pour ambition « de payer le juste prix aux producteurs, pour leur permettre de vivre dignement de leur travail ». C’est désormais à l’agriculteur, ou à son organisation de producteur, de proposer un contrat et donc un prix au premier acheteur. « Cela peut paraître anodin aujourd’hui, mais à l’époque c’était un énorme changement d’imaginer un prix pour le marché intérieur, alors qu’il n’était question que de marché européen ou international » relève Yohann Barbe, président de la FNPL.

L’émergence des indicateurs de prix

L'’élaboration de ces prix devait se faire sur la base d’indicateurs de références, à savoir les coûts de production ou des indicateurs de marché, dont les interprofessions sont en charge de l’élaboration. Egalim I ouvre ainsi la voie à la contractualisation, mais sans en définir les modalités de durée ni le caractère obligatoire. Rapidement, cette première version se révèle trop insuffisante pour réellement peser sur les prix agricoles. « Cette loi, Egalim I, nous gênait à deux titres. D’une part elle partait du principe d’une montée en gamme de la production française et de l’abandon de l’entrée de gamme à l’exportation et d’autre part, elle imposait des restrictions sur l’utilisation des produits phytosanitaires » se souvient Yannick Fialip, membre du bureau national de la FNSEA.
Pour Sophie Lenaert, première vice -présidente de la Coordination rurale, l’hypothèse de la montée en gamme était une erreur. « La loi prévoyait une alimentation saine, durable et accessible à tous. Finalement, seul le dernier critère a été respecté. L’agriculture française a été évincée de l’entrée de gamme et a été remplacée par des imports qui ne garantissent pas aux consommateurs une alimentation saine et durable » résume-t-elle.

Egalim II renforce la contractualisation

Faute de rencontrer le succès escompté et suite à de nouvelles mobilisations de la profession, la loi Egalim I se voit remodelée et complétée trois ans plus tard par la loi Egalim II. Cette deuxième version renforce le volet contractualisation qui devient
obligatoire sur 3 ans minimum. Le contrat doit comprendre un prix, un volume et une durée. L’élaboration du prix est précisément encadrée : il doit prendre en compte les coûts pertinents de production, les prix des produits agricoles observés sur les marchés ou encore des critères comme la quantité, la composition, la qualité ou l’origine. La loi prévoit également une révision automatique du prix fixé dans le contrat en fonction des évolutions liées aux coûts de production et au marché.

Cette nouvelle version d’Egalim s’adresse principalement à l’élevage, notamment le lait. La grande majorité des filières végétales, notamment les cultures céréalières et les fruits et légumes, sont classées comme exception par décret et ne sont pas soumises à l’obligation de contractualisation. « Notre filière a proposé des amendements sur la loi. C’est peut-être pour ça que la contractualisation a mieux fonctionné sur le lait au début. Mais aujourd’hui, d’autres filières comme la viticulture, se disent intéressée » rapporte Yohann Barbe. Selon lui, le succès d’Egalim II dans la filière laitière tient au fait que l’ensemble des acteurs autour de la table était d’accord pour ramener de la valeur dans les exploitations.

©Nicolas Le Friant

Une progression plus lente en viande bovine.

« Cela a bien fonctionné pour les filières comme le lait. C’est un peu plus long en viande bovine » constate Yannick Fialiap. L’observatoire interprofessionnel de la contractualisation amont, qui compile les chiffres de 76 % des abattages nationaux, évalue à 25 % le nombre de bovin mis en contrat au 31 décembre 2023. Soit une hausse de 8 points sur un semestre, signe d’une évolution des habitudes commerciales. « La mise en place du contrat, rendu obligatoire dans le cadre de la loi EGAlim II en 2021, est un outil stratégique mais récent, dans une filière basée historiquement sur les échanges oraux […] Le déploiement doit se poursuivre et s’accélérer pour répondre au double enjeu de stabiliser le cheptel et de relocaliser une partie de l’engraissement » détaille Emmanuel Bernard, président de la section bovine d’Interbev.

Dans cette loi Egalim II un point soulève particulièrement interrogation et mécontentement. Il s’agit de l’élaboration et de la représentativité dans le prix des contrats des indicateurs de coûts de production. Un point auquel s’attachera le second volet de cet article à paraître sur Plein Champ, tout comme les évolutions en lien avec la loi Egalim III, encore appelée loi Descrozailles.