[Egalim2]“Aujourd’hui, on n’a plus le choix !" : l'interview de la filières bovines

Égalim - Le préfet du Cantal a organisé un comité de pilotage avec les acteurs de la filière laitière.

Vendredi dernier, comme il l’avait fait fin 2021 avec la filière bovins viande, le préfet du Cantal a organisé un comité de pilotage sur la mise en œuvre de la loi Égalim 2 en convoquant les acteurs de la filière laitière cantalienne. Derrière les écrans de cette visioconférence, le président de l’Interprofession laitière départementale (Jean-Paul Peyral), celui de l’Unell (fédérant les OP livrant à Lactalis), Pierre Bonnet, le représentant du collège producteurs du Cif(1), Jean-Noël Fau, ceux des entreprises coopératives (Sodiaal, Altitude, coop des Monts du Cantal) et privées (Lactalis), le président et la vice-présidente de la Chambre d’’agriculture, le patron des Ets Leclerc Aurillac et l’administration (DDETSPP, Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations).
S’il se satisfait de cette initiative volontariste, Jean-Paul Peyral, président de l’Interprofession laitière départementale mandaté par le collège des producteurs, n’a pas manqué d’exposer au représentant de l’État et aux acteurs de l’aval l’impérieuse nécessité d’une déclinaison rapide de la loi Égalim 2 garantissant aux éleveurs une rémunération au-delà de leurs coûts de production, un redressement du prix du lait d’autant plus vital pour l’amont confronté à une flambée de charges.

Quel a été votre message à l’attention de la filière ?
Jean-Paul Peyral : “On a d’abord exposé la réalité des choses, à savoir qu’en France, cela fait bientôt 30 ans que le prix du lait aux producteurs n’a pas évolué. On assiste même - en prix constants - à une déflation : 280 € les 1 000 l payés en moyenne en 1991, 347 €/1 000 l en euros courants, 231 € en euros constants. C’est la même chose pour le prix du lait et du beurre payé par les consommateurs. En 1980, un litre de lait était vendu 2,51 F soit 1,06 €, contre 0,94 € aujourd’hui. Pour une plaquette de beurre de 250 g, on est passé de 2,49 € à 1,89 €. Aujourd’hui, la loi Égalim 2 votée en octobre dernier doit être respectée intégralement sur toute la chaîne de la filière laitière. De plus, la hausse des charges - aliments, engrais, énergie,... - constatée ces six derniers mois et qui, selon les experts, semble devoir perdurer, suscite une réelle inquiétude chez les éleveurs cantaliens qui n’ont plus de marge de manœuvre pour faire fonctionner leurs ateliers laitiers. J’ai donc interpellé à la fois les outils industriels, privés comme coopératifs, et les distributeurs, pour que l’aboutissement des négociations commerciales permette enfin un ruissellement suffisant pour assurer une rémunération juste aux producteurs. Aujourd’hui, on n’a plus le choix ! Il en va de l’avenir de la production laitIère dans le Cantal !”

Dans ce contexte, appliquer la loi Égalim 2 signifie passer des hausses jusqu’au consommateur. La grande distribution ne manque pas de crier à une atteinte au pouvoir d’achat de ce dernier...
J.-P. P. : “La loi Égalim 2 constitue une avancée majeure en instaurant une non négociabilité du prix de la matière première agricole dans les négociations commerciales. Nous avons fait les calculs : une hausse de 5 % du prix du lait UHT (1 litre, ½ écrémé)  ne représenterait que 4 centimes d’euros de plus payés par le consommateur mais un gain de 36 €/1 000 l pour la filière. Pour un yaourt de 125 g, une hausse de 5 %, soit 0,01 €, se traduirait par 96 €/1 000 l. L’impact pour le consommateur sera donc marginal, celui pour le producteur conséquent. C’est d’ailleurs ce qu’a relevé le préfet dans sa conclusion. Les GMS ont donc aussi pleinement leur rôle à jouer dans l’application d’Égalim.”

La filière cantalienne est-elle en ordre de marche pour cette (r)évolution ?
Jean-Noël Fau (collège producteurs du Cif) : “Nous n’en avons pas le sentiment au vu de l’absence de contrats-cadres signés avec certains industriels(2). La négociation et la signature de ces contrats supposent que les producteurs soient représentés au sein d’OP (organisations de producteurs) dans toutes les entreprises. Or, actuellement, certains le sont au travers d’associations ou de syndicats de producteurs qui n’ont pas de base juridique pour négocier ces accords. C’est le cas chez Dischamp ou Condutier. Il y a donc un enjeu fort à ce que les producteurs constituent ces OP. Les coopératives ont, elles, l’obligation de mettre leurs statuts en conformité pour que l’indicateur de prix de revient interprofessionnel soit intégré dans les formules de prix.”

Y a-t-il un enjeu spécifique pour les filières AOP ?
Jean-Noël Fau : “Les négociations commerciales sont en cours et tous les indicateurs sont au vert pour faire passer des hausses de prix de nos fromages sous AOP auprès de la grande distribution. C’est le moyen le plus rapide pour permettre le ruissellement vers nos exploitations confrontées à des charges qui explosent.”