Jean-Baptiste Moreau se fait sortir du Sommet par des éleveurs en colère

Le député LREM participait, aux côtés d’autres parlementaires, à un débat sur le Ceta. Des éleveurs en colère sont intervenus avant la fin du débat et ont poussé vers la sortie le député, qui est aussi éleveur de limousines dans la Creuse.

"Dehors, traitre, vendu ", tels sont quelques-uns des quolibets, sans parler des insultes, que Jean-Baptiste Moreau a entendu dans les travées du Sommet de l'élevage ce jeudi 3 octobre. Le député de la République en marche, rapporteur de la loi EGAlim et qui a voté en faveur du Ceta le 23 juillet dernier, a été violemment pris à parti par une trentaine d'éleveurs, reconnaissables à leur t-shirt rouge floqué du message "les producteurs de viande bovine en colère" et à leur casquette verte de la FNSEA.

Le député, éleveur de viande limousine dans la Creuse, participait à un débat sur le Ceta aux côtés d'autres parlementaires dont Roland Lescure (LREM), André Chassaigne (GDR), Jean-Yves Bony (LR) et François Ruffin (FI). Deux éleveurs, dont Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine (FNB), participaient aussi au débat.

"Je regrette que les agriculteurs n'aient pas toujours les responsables professionnels qu'ils méritent", a réagi Jean-Baptiste Moreau. "J'ai vu chez les manifestants beaucoup de responsables professionnels qui sont aux manettes depuis des années, qui se présentent comme des responsables mais qui ne sont en fait que des irresponsables en stigmatisant des problèmes qui n'en sont pas car ils sont incapables de régler les vrais problèmes".

« Le Ceta, le « fenestrou » de nos fermes »

Durant plus d'une heure, les deux députés de la majorité n'ont pas été ménagés par leurs contradicteurs, dénonçant l'incohérence du gouvernement avec d'un côté, un article 44 de la loi EGAlim qui interdit – sur le papier – l'importation de produits ne répondant aux normes s'imposant aux éleveurs français et de l'autre, la signature d'un accord de libre-échange qui piétine les standards nationaux. "Le Ceta, c'est la cerise sur le gâteau de la mondialisation", a dénoncé François Ruffin. "A l'instar de l'exception culturelle, je réclame une exception agri-culturelle".

"Ce n'est pas la cerise sur le gâteau, mais le « fenestrou » de nos fermes", a corrigé André Chassaigne. "Le Ceta, c'est en fait une expérimentation qui va servir de modèles aux douze accords de libre-échange en cours de négociation au sein de l'Union européenne. Si on signe le Ceta, c'est la porte ouverte à la déstabilisation des marchés, le marché de la viande pour nos éleveurs, le marché du lait pour les éleveurs canadiens".

« Que ferait-on de nos broutards ? »

Jean-Baptiste Moreau et Roland Lescure, les deux députés de la majorité, se sont efforcés de rassurer l'assistance en évoquant les différentes modalités de l'accord, depuis l'identification stricte des fermes canadiennes et des animaux concernés jusqu'à la clause de sauvegarde en passant par les procédures de contrôle. "Un accord comme le Ceta, objectivement, ne présente aucun risque pour la filière viande bovine, a déclaré Jean-Baptiste Moreau. Si on ne le signe pas, que fera-t-on de nos broutards ? Je regrette c'est que l'on mente aux agriculteurs français depuis des années en leur expliquant que les importations sont responsables, les importations étant largement le fait d'importations intra-europénnes. Le vrai souci, c'est la structuration de la filière en France. Aujourd'hui, on a un gros faiseur, Bigard, qui est arrivé là de façon totalement légale et qui a en face de lui des dizaines d'organisations de producteurs qui sont prêts à se battre pour lui livrer des animaux, puisqu'il est incontournable, et qui sont prêts à baisser les prix de façon systématique. C'est la course aux prix bas. En lait, ça ne fonctionne pas formidablement bien mais ça fonctionne mieux car Lactalis, il a en face trois ou quatre associations d'organisations de producteurs. S'il ne s'entend pas avec une, il fait l'impasse sur un tiers ou un quart de ses volumes et là ce n'est plus pareil".

François Ruffin : « le Ceta est une victoire »

Pendant une fraction de seconde, on a pu croire que François Ruffin s'était rangé du côté de la majorité, en déclarant : "le Ceta est une victoire", avant de préciser le fond de sa pensée. "Ce vote sur le Ceta à l'Assemblée nationale, c'est peut-être la dernière occasion pour le peuple de pouvoir s'exprimer sur des projets d'accords qui ne seront peut-être exclus des débats parlementaires dans les années à venir. Ce vote sur le Ceta, c'est aussi une grande première, avec la possibilité d'inverser cette mondialisation heureuse que l'on nous vend depuis des années".

L'Assemblée nationale pourrait être amenée à revoter, au cas où le Sénat voterait contre la ratification dans les semaines à venir.