Empreinte carbone des ruminants : des leviers plutôt que le couperet

Réduire l’empreinte carbone des activités d’élevage de ruminants, c’est possible en agissant de manière volontaire sur différents leviers techniques. Et cela peut avoir un impact réel et visible dès lors que de nombreux élevages le font. En région Pays de la Loire, ils sont déjà 1600 engagés dans une démarche bas carbone. Ils devraient être 2400 à la fin de 2023. Parmi eux, une majorité d’éleveurs bovins (lait et viande), mais aussi, et c’est nouveau, des éleveurs caprins.

Réduire les émissions de carbone liées à l’élevage des ruminants, tout le monde est à peu près d’accord sur l’objectif. Sur les moyens de le faire, en revanche, la méthode radicale identifiée par la Cour des comptes n’a pas vraiment plu aux premiers concernés - les éleveurs -, pas plus qu’à tous les acteurs attachés au maintien de la souveraineté alimentaire française, de la vie dans les campagnes ou de la biodiversité dans les pâturages.

A ceux-là, la méthode prônée par les Pays de la Loire, région pilote dans les démarches de fermes bas-carbone, conviendra mieux : réduire volontairement ses émissions, chacun un peu, mais de manière massive, en embarquant un maximum de fermes. À ce jour, pas moins de 1600 fermes d’élevages se sont déjà engagées depuis 2019. À la fin de l’année 2023, elles devraient être 2400.

La méthode mise en œuvre en Pays de la Loire : un accompagnement individuel des éleveurs par des techniciens spécialement formés (issus de divers organismes, chambre d’agriculture, contrôles de performance…) vers des pratiques plus « vertueuses », permettant de limiter les émissions et d’améliorer le stockage de carbone. Une grande partie de cet accompagnement est pris en charge financièrement par la Région, qui a dépensé 4,2 millions d’euros depuis le lancement en 2019.

Grande région d’élevage (80 % du chiffre d’affaires de l’agriculture vient des productions animales), la région des Pays de la Loire est la première de France engagée dans les démarches de ferme bas carbone à grande échelle. Photo Catherine Perrot

La référence Cap’2ER®

Concrètement, cet accompagnement consiste d’abord dans la réalisation d’un diagnostic officiel, le Cap’2ER® (Calcul automatisé des performances environnementales en élevage de ruminants), mis au point par l’Idele, qui fournit une mesure objective des performances d’un élevage sur le plan carbone (mesuré en kilos équivalent CO2), mais aussi sur les volets biodiversité et valeur alimentaire (nombre de personnes nourries).

Munis de ce diagnostic, les éleveurs peuvent alors construire leur plan d’actions vers une réduction de leurs émissions ou une augmentation de leur stockage, toujours avec l’accompagnement d’un technicien spécialisé. Un second diagnostic Cap’2ER® est réalisé 5 ans après le premier, pour mesurer les progrès accomplis.

Pour des éleveurs, même pourvus de la meilleure volonté du monde, le « carbone » c’est quelque chose d’encore un peu abstrait (même si les ventes de crédits carbone lui apportent un peu de concret). Toutefois, la plupart du temps, l’optimisation des systèmes d’élevage constitue un levier important de réduction des émissions de carbone rapporté à l’unité de production (litre de lait ou kilo de viande) : les démarches « carbone » sont aussi des démarches de réduction des coûts de production et cela motive d’autant plus les éleveurs à s’y engager.

Ainsi depuis 2019, les principaux leviers actionnés par les éleveurs bovins laitiers de la région pour réduire leur impact carbone sont l’optimisation de l’âge au premier vêlage, la réduction du taux de renouvellement (augmenter la longévité), l’optimisation de la production par vache, la recherche de l’autonomie protéique et l’implantation de haies. Du côté des éleveurs viande, les leviers principalement mobilisés sont la réduction de l’âge au vêlage, la limitation de la mortalité des veaux, l’optimisation du pâturage, l’amélioration génétique du troupeau et la réduction des périodes improductives (IVV et écart vêlage-abattage).

La filière caprine s’engage aussi dans le bas carbone

Depuis 2022, la filière caprine a rejoint les filières bovines dans la démarche bas carbone régionale, suivant en cela sa feuille de route nationale (CapClimat). Le 1er juin dernier, une rencontre a été organisée à La Planche (Loire-Atlantique), dans une ferme caprine engagée, pour présenter le dispositif, en présence des différents acteurs (Région, chambre d’agriculture, contrôles de performance, interprofession, Vivéa).

Les huit premiers diagnostics et plans d’actions réalisés sur des fermes caprines de la région ont été présentés. Là encore, les leviers mobilisés pour réduire l’empreinte carbone sont nombreux autour de la productivité des animaux : augmenter la production par chèvre (meilleure génétique, meilleure santé, meilleure longévité, lactations longues…) et optimiser les rations (réduire les apports de concentrés, augmenter la qualité des fourrages, rationner les chevrettes). Les leviers autour des cultures (TCS, introduction de légumineuses…) et de l’énergie (réduction de la consommation ou production) sont également envisagés.

Pour Vincent les éleveurs caprins chez qui se tenait cette réunion, le premier déclic pour s’engager vers une démarche bas carbone a été leur volonté de pratiquer une agriculture de conservation des sols. Dans leur plan d’actions 2022-2027, figurent donc le passage au 100 % sans labour, le raisonnement de la fertilisation azotée et l’implantation de haies.

Vincent Guillet est installé avec son épouse à La Planche (44) sur 77 ha avec 550 chèvres Saanen. Photo Catherine Perrot

Ces changements de pratiques devraient faire progresser le bilan carbone de l’exploitation, mais de manière assez anecdotique (réduction prévue autour de 0,3% du bilan pour ces trois leviers cumulés). À noter cependant que les éleveurs prévoient de changer leur méthode de fertilisation, en ajoutant aux effluents un additif qui réduit le dégagement gazeux de protoxyde d’azote, gaz 265 fois « plus réchauffant » que le CO2. Cette opération n’est pas encore intégrée dans les diagnostics Cap’2ER® et ne peut donc pas être quantifiée.

Sans surprise, ce qui est le plus quantifiable dans le projet d’amélioration du bilan carbone de la ferme de Vincent et Elisabeth Guillet, ce sont les leviers « animaux » : l’optimisation de la ration des chèvres, l’autoconsommation d’un méteil grain par les chevrettes et l’augmentation de la production par chèvre (génétique, maîtrise sanitaire) devraient permettre d’améliorer d’environ 10% l’empreinte carbone par litre de lait produit.