Face à un risque de jaunisse « élevé », la CGB réclame le retour de l’acétamipride autorisé dans l’UE

Autorisé dans plusieurs pays européens, l’insecticide foliaire de la famille des néonicotinoïdes avait bénéficié, en France, d’autorisations dérogatoires sur certaines cultures jusqu’en 2020. Mais le gouvernement a, jusqu’à présent, délivré une fin de non-recevoir à un tel projet.

Selon les prévisions établies par l’ITB et le PNRI en date du 19 mars, le risque de jaunisse est décrit comme « élevé » pour la campagne à venir. « Les populations de pucerons ont été importantes au cours de l’automne 2023 et la surveillance doit démarrer très tôt en 2024, dès la levée des betteraves », préconisent les techniciens. Ces derniers s’appuient sur des modèles de prévision pour évaluer les dates des premiers vols de Myzus persicae, le puceron principal vecteur des jaunisses virales. « L’abondance prédite [de pucerons] est élevée mais l’incertitude est forte sur cette estimation qui dépendra avant tout des températures du printemps et des vents dominants ».

Autre paramètre jaugé par les modèles : la durée de vol des pucerons. « Elle pourrait être de 89 jours, soit 10 jours de plus que l’an dernier, ce qui impliquera une période de surveillance et de protection relativement longue, tout particulièrement en cas de semis tardifs, de levées ou de développements végétatifs échelonnés ».

"Les betteraviers français s’insurgent contre cette distorsion de concurrence qui sape leur compétitivité et les met en risque "

L’alerte de l’ITB et du PNRI a ravivé la crainte des planteurs d’être submergés par une maladie face à laquelle les solutions insecticides existantes s’avèrent peu efficaces, depuis le retrait des néonicotinoïdes appliqués en traitement de semences à la veille de la campagne 2023, suite à une décision de la Cour de justice de l’UE mettant fin prématurément au dispositif dérogatoire activé par la France en 2021 pour trois campagnes.

La mise en œuvre de plantes compagnes, l’application de répulsifs et la suppression des réservoirs viraux liés aux repousses et aux couloirs de déterrage constituent trois leviers de nature à juguler les attaques de jaunisse, en attendant les variétés tolérantes
La mise en œuvre de plantes compagnes, l’application de répulsifs et la suppression des réservoirs viraux liés aux repousses et aux couloirs de déterrage constituent trois leviers de nature à juguler les attaques de jaunisse, en attendant les variétés tolérantes

Sauf que les néonicotinoïdes n’ont pas complètement disparu du paysage européen, l’acétamipride restant utilisé dans plusieurs pays membres de l’UE, mais pas en France. Il a disparu de la carte en juillet 2020 avec la fin de dérogations accordées pour lutter contre le balanin de la noisette, les mouches du figuier et les pucerons du navet. « Les betteraviers français s’insurgent contre cette distorsion de concurrence qui sape leur compétitivité et les met en risque », dénonce la CGB dans un communiqué, évoquant « plusieurs molécules efficaces contre les pucerons », sans toutefois citer l’acétamipride, mais que le syndicat avait revendiqué au plus fort de la crise agricole. Pour son président Franck Sander, qui exige du gouvernement qu’il apporte « rapidement » des réponses, ce dossier est « prioritaire ».

Si le gouvernement a officiellement lancé, le 15 mars dernier, la chasse aux surtranspositions intra-européennes, il a fait savoir qu’il ne s’agissait pas de « revenir sur l’interdiction des néonicotinoïdes », incluant l’acétamipride. Reste à savoir si la menace de jaunisse fera sauter la ligne rouge, alors que la molécule était décrite par Christian Huygue, directeur scientifique agriculture de l’INRAE, auditionné en mars 2023 par la Commission des affaires économiques du Sénat comme étant « pire » que l’imidaclopride, l’autre néonicotinoïde (avec le thiamethoxam) utilisé en traitement de semences, jusqu’à leur interdiction.

Activer les mesures prophylactiques

En attendant le déclenchement de la lutte contre les pucerons avec les moyens du bord, les planteurs sont invités à mettre en œuvre des mesures prophylactiques visant notamment à éliminer les réservoirs viraux qui se nichent dans les cordons de déterrage des betteraves ainsi que dans les repousses de betteraves dans les parcelles de céréales. Pour qui n’a pas encore semé, le recours aux plantes compagne telles que l’avoine rude ou l’orge de printemps est aussi recommandé. Selon les enseignements du PNRI, elles permettent de réduire en moyenne de 35% le nombre de pucerons verts aptères d’avril à juin mais doivent être détruites tôt pour limiter la concurrence vis-à-vis des betteraves.