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Fin prématurée des néonicotinoïdes sur betteraves : le gouvernement temporise, la CGB s’alarme
La Cour de justice de l’Union européenne juge illégales les dérogations permettant l’utilisation de l’imidaclopride et du thiamethoxam en traitement de semence. Le gouvernement va expertiser « les conséquences juridiques de cette décision en droit français et ses incidences pour la campagne à venir ». La CGB s’alarme.
Saisie par le Conseil d’Etat Belge au sujet de la possibilité de déroger à l’interdiction de mise sur le marché et d’utilisation en extérieur de semences traitées à l’aide l’imidaclopride et du thiamethoxam, deux insecticides de la famille des néonicotinoïdes, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a répondu par la négative. Dans un jugement rendu le 19 janvier, elle affirme que l’article 53 du règlement n° 1107/2009, sur lequel plusieurs Etats membres justifiaient la mise en œuvre de dérogation, a « pour objectif d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale ainsi que de l’environnement, en se fondant sur le principe de précaution ». En conséquence de quoi, la dérogation est illégale.
Dans un communiqué daté du 19 janvier, le gouvernement indique se donner « quelques jours » pour « expertiser les conséquences juridiques de cette décision en droit français et les conséquences pour la campagne de production qui s’ouvre ».
La CGB s’alarme
La Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) n’a pas tardé à réagir, dénonçant la « brutalité » d’une décision qui, « appliquée en l’état », mettrait « toute une filière en danger, avec des conséquences désastreuses et irréversibles » dans les territoires ruraux. « A seulement quelques semaines des semis de betteraves, on ne peut pas envisager de rester dans l’impasse face aux virus dévastateurs de la jaunisse, déclare Franck Sander, président de la CGB. Alors même que le Plan national de recherche et d’innovation n’apporte pas encore d’alternatives aux néonicotinoïdes, déployables en 2023, nous demandons au gouvernement français d’apporter des solutions à notre filière. Il est urgent de trouver des réponses adaptées pour permettre aux 23.700 betteraviers de continuer à cultiver de la betterave et fournir aux 67 millions de français le sucre, le bioéthanol et le gel hydroalcoolique dont ils ont besoin chaque jour ».
Conseil de surveillance reporté le 26 janvier
La France a eu recours à la dérogation au cours des campagnes 2021 et 2022, en vertu de la loi du 14 décembre 2020, adoptée à la suite d’attaques de pucerons vecteurs de la jaunisse ayant une chute de 30% des rendements de betteraves sucrières, deux ans après l’interdiction d’usage des néonicotinoïdes en France. Cette même loi a instauré un Conseil de surveillance, présidé par un député et composé de représentants des différentes parties prenantes (élus, administrations, organisations professionnelles agricoles, associations environnementales, représentants de la filière). Le Conseil de surveillance est notamment chargé d’émettre un avis sur les autorisations temporaires. Suite à la décision de la Cour de justice, le Conseil de surveillance a décidé de reporter au 26 janvier sa réunion prévue initialement le 20 janvier, ce dont le gouvernement a « pris acte ».
Une filière dans l’expectative
La campagne 2023 représente potentiellement la 3ème et dernière année de mise en œuvre de la dérogation. Le projet d’arrêté est en consultation publique jusqu’au 24 janvier, le Conseil de surveillance estimant que les alternatives aux néonicotinoïdes ne sont que « partiellement mobilisables et encore insuffisantes pour assurer la protection des semis 2023 vis-à-vis des attaques de pucerons ». L’avis du Conseil de surveillance est fondé sur l’analyse des réservoirs viraux durant l’hiver et sur des simulations d’arrivée précoce de pucerons vecteurs de la maladie, lesquelles reposent sur les prévisions climatiques saisonnières. L’association Générations Futures estime de son côté que « les données pour une prévision d’un impact important de la jaunisse sur les cultures de betteraves ne sont pas réunies - il faudrait à la fois avoir un fort réservoir de virus et une forte pression de pucerons - et que rien ne justifie donc la dérogation proposée ».
Une année cruciale pour la recherche d’alternatives
Le recherche d’alternatives est placée sou sl’égide le Plan national de recherche et innovation (PNRI), institué après les attaques de l’été 2020, et qui ne totalise pas moins de 23 projet de recherche, mobilisant divers leviers génétiques (tolérance, résistance) et agroécologiques (auxiliaires, plantes compagnes...), sans oublier le biocontrôle.
Selon le ministère de l’Agriculture, la troisième et dernière année d’essais scientifiques sera cruciale avant le déploiement des alternatives aux néonicotinoïdes censées être effectives pour les semis 2024. Outre la poursuite des 23 projets, la campagne à venir doit être mise à profit pour expérimenter la combinaison de solutions, jauger l’impact économique des solutions et des combinaisons ainsi que les conditions de transfert aux agriculteurs.