Face au spectre de la jaunisse, des solutions encore fragiles

L’Anses a mis à jour son avis de 2018 sur les alternatives aux néonicotinoïdes, et a identifié plusieurs solutions pour lutter contre les pucerons et la maladie de la jaunisse sur les betteraves sucrières. Des alternatives qui restent cependant insuffisantes en utilisation seules.

Afin d’éviter une nouvelle catastrophe due à la jaunisse sur betteraves en l’absence de néonicotinoïdes, dont les dérogations courent jusqu’en 2023, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a été saisie par le ministère de l’Agriculture pour identifier des alternatives efficaces et disponibles face aux pucerons. « Pour identifier ces moyens de lutte, le groupe d’experts a analysé plus de 3 800 références de la littérature scientifique, constatant que peu de ces travaux se sont intéressés à la lutte contre les pucerons de la betterave, indique-t-on à l’Anses. […] Ces lacunes tiennent sans doute à la généralisation de l’usage des néonicotinoïdes à partir des années 1990, dont l’efficacité importante en termes de réduction des infestations de pucerons a engendré un désintérêt pour les autres alternatives de lutte ». Un manque qui révèle « une fragilité de la filière, par dépendance à une famille unique de moyen de lutte qui n’est plus tenable », note l’agence.

A court terme, l’agence a identifié quatre méthodes ou produits qui « apparaissent suffisamment efficaces, durables, opérationnelles et pratiques pour être rapidement substituables aux néonicotinoïdes pour la lutte contre les pucerons de la betterave ».

Les phytos plus efficaces

Les produits phytopharmaceutiques de synthèse se présentent comme l’alternative avec la meilleure efficacité au champ. Deux substances actives ont été identifiées : le flonicamide, entrant dans la composition d’un produit phytopharmaceutique de synthèse bénéficiant d’une AMM, et le spirotétramate qui entre dans la composition d’un produit phytopharmaceutique ayant déjà été autorisé par dérogation sur culture de betterave sucrière. Les experts alertent toutefois sur le risque de résistance chez les pucerons. « Il faudrait également évaluer les risques pour la santé humaine et pour l’environnement dans les conditions d’utilisation de ces substances actives en culture de betterave sucrière », précise l’Anses dans son rapport.

Deux méthodes culturales « n’impliquant pas de modification drastique du système de culture de la betterave à sucre » ont par ailleurs été identifiées par l’Anses comme des alternatives considérées comme efficaces si utilisées en méthodes complémentaires : le paillage, d’une part, et la fertilisation organique à l’aide de vermicompost, d’autre part.

Des alternatives insuffisantes

A moyen terme, l’Anses a identifié 18 autres moyens de lutte contre les pucerons sur betteraves, mais nécessitant des études complémentaires ou une homologation pour leur application sur betterave sucrière en France. Ils pourraient être disponibles « dans un délai de deux à trois ans », estime l’agence. Parmi ces solutions, on trouve des produits phytopharmaceutiques de synthèse et d’origine naturelle, des microorganismes, des insectes prédateurs ou parasitoïdes des pucerons (les parasitoïdes pondent leurs œufs à l’intérieur des pucerons), des huiles végétales ou minérales, qui assurent une protection physique des betteraves, des méthodes de stimulation des défenses naturelles des plantes, la sélection de variétés de betteraves résistantes au virus de la jaunisse et enfin des méthodes culturales combinant la culture de la betterave avec d’autres plantes, dont la fonction est de réduire l’accès des pucerons aux plants de betterave ou de favoriser l’action des arthropodes prédateurs ou parasitoïdes des pucerons.

« Certains produits phytopharmaceutiques utilisés pour d’autres cultures pourraient également bénéficier d’une extension d’usage de leurs autorisations de mise sur le marché », ajoute l’Anses.

La plupart des solutions alternatives considérées substituables aux néonicotinoïdes montrent des efficacités correctes mais insuffisantes, en utilisation seule, pour réduire les niveaux de dégâts à un seuil économique acceptable. L’Anses recommande de soutenir l’effort de recherche « pour adapter les solutions identifiées sur d’autres cultures au cas de la betterave sucrière et tester des combinaisons de solutions dans une approche de lutte intégrée, ainsi qu’en matière d’épidémiosurveillance ».

Le machinisme appelé à la rescousse

Par ailleurs, pour plusieurs des méthodes alternatives identifiées dans ce rapport, des défis en termes d’efficacité d’épandage ont été mis en évidence, afin notamment d’améliorer l’efficience des pulvérisations par rapport aux insectes ciblés. « En effet, les pucerons sont la plupart du temps localisés sur la face inférieure des feuilles de betterave, ce qui complique une application directe, explique l’Anses. Pour l’ensemble des produits ayant une action par contact (hors produits systémiques ou à effet translaminaire), il conviendrait donc de mobiliser les organismes de recherche en machinisme agricole afin d’améliorer les systèmes de pulvérisation ».

Cette expertise vient compléter le rapport rendu par l’Anses en 2018 sur les alternatives aux néonicotinoïdes, pour lequel tous les usages avaient étaient étudiés.