Faire crédit à un ministre à découvert

[Edito] En l’espace d’une semaine, le ministre de l’Agriculture s’est indirectement mis à découvert sur deux sujets sensibles que sont la défense des prix agricoles via le projet de loi « Egalim 2 » et la gestion des risques via le rapport parlementaire Descrozaille. Deux paris à hauts risques.

Le 15 avril dernier, le député Grégory Besson-Moreau (LREM) déposait une proposition de loi visant à corriger les manquements de la loi Egalim régissant les relations commerciales entre agriculteurs, transformateurs et distributeurs. Le projet révèle autant l’aveu de faiblesse d’une loi que la pugnacité d’un ministre, soutenant la démarche du parlementaire. Il faut dire que pour sa troisième année d’application, la loi Egalim a de nouveau montré ses limites. Selon l’Observatoire de la négociation commerciale annuelle, le bilan de cette année s’est soldé par une déflation moyenne de 0,3% des prix des produits alimentaires vendus sous marque nationale, alors que les demandes de hausses de tarifs de la part des fournisseurs pointaient à 3%.

A ce stade de la proposition de loi dite Egalim 2, des doutes subsistent néanmoins sur la réelle prise en compte des coûts de production mais il faut laisser sa chance au produit. Calendrier oblige, Julien Denormandie n’aura pas de troisième chance. Mais c’est moins le destin d’un ministre qui importe que celui de centaines de milliers d’agriculteurs sous la loi de quatre centrales d’achat.

Mère et terre des batailles

Le 22 avril, le député Frédéric Descrozaille (LREM) a dévoilé son rapport sur la gestion des risques en agriculture. L’élu prône la création d’un Fonds de solidarité agricole qui se substituerait aux calamités agricoles, avec deux finalités. Le fonds soutiendrait d’une part le financement des assurances climatiques agricoles en les rendant à la fois plus accessibles et plus efficientes. Il couvrirait par ailleurs et de façon universelle les risques systémiques et non assurables impactant les récoltes à plus de 50%. Le tout mobiliserait au bas mot un budget annuel de 800 millions d’euros, en partie abondé par la solidarité nationale, autrement dit par chacun de nous.

En marge de son rapport, Frédéric Descrozaille rappelle que le meilleur des dispositifs de gestion des risques en agriculture ne comblera jamais les déficits de revenus, pointant en creux le fait que de nombreux agriculteurs ne sont pas en capacité de s’assurer. Une façon sans doute de prévenir les critiques, voire les désillusions. Ou de faire pression sur Julien Denormandie et les contours de la future loi Egalim 2, à supposer que le ministre retienne ses propositions.

Prévention et gestion des risques, souveraineté alimentaire, transitions agroécologiques et climatiques, renouvellement des générations... : le prix reste la mère de toutes les batailles. Ou la bataille de la terre.