Gestion des risques : le rapport Descrozaille préconise une nouvelle articulation entre assurances et calamités

Mandaté par Julien Denormandie, le député Frédéric Descrozaille propose de faciliter l’accès aux assurances multirisques via l’Omnibus et la Déduction pour épargne de précaution. Ce faisant, les calamités agricoles se déclencheraient au-delà du seuil de 50% de pertes mais s’appliqueraient à toutes les cultures. Le tout au prix d’un effort de solidarité nationale « considérable » et d'une « acculturation » aux risques.

Faire évoluer le système combiné d’assurances multirisques climatiques (MRC) et de calamités agricoles vers une logique exclusive de complémentarité, qui encourage le calcul et le transfert du risque assurable d’une part et qui renforce d’autre renforce la légitimité de l’intervention publique sur ce qui n’est pas assurable ou systémique : telle est l’idée maîtresse du rapport du député Frédéric Descrozaille (LREM). Commandité par le ministre de l’Agriculture en début d’année, le rapport, qui s’inspire aussi de groupes de travail remontant au ministère de Didier Guillaume, ne doit rien aux épisodes de gel de cette première quinzaine d’avril, dont les dégâts pourraient s’élever à 4 milliards d’euros, l’État ayant pour l’heure débloqué un fonds exceptionnel d’un milliard d’euros

Des assurances plus accessibles et adossées à la DEP

Le député propose de renforcer la pénétration des assurances privées, en abaissant le seuil et le niveau de franchise à 20%, tout en augmentant la part subventionnée à 70%, soit le taux maximum permis par le règlement Omnibus. Le surcroit de subventions s’élèverait à terme à 300 millions d'euros sur une hypothèse de montée en charge à 40% en grandes cultures et viticulture et de 5% en prairies.

Pour renforcer l’attractivité de la MRC, l’option de la rendre obligatoire ayant été écartée, le parlementaire, ingénieur agronome et ancien directeur d’Interfel, propose une incitation fiscale via la Déduction pour épargne de précaution (DEP). Un agriculteur contractant une MRC aurait ainsi accès à 100% de déduction jusqu’à 50.000 € de bénéfice agricole (contre 27.000 € pour un non assuré), 30% du bénéfice au-delà de 50.000 € (contre 30% de bénéfice au-delà de 27.000 € pour un non assuré). Un bémol : l’aide fiscale ainsi accordée pourrait devoir être additionnée à la subvention de la MRC pour être intégrée au total de l’aide d’État, plafonnée par la réglementation de l’Union.

Le député s’attarde sur la question épineuse de la référence des rendements, inhérente à la MRC, et que le changement climatique vient percuter de front, en accroissant l’écart entre moyenne olympique et moyenne historique. Pour le député, cet écart est notamment le fruit du dérèglement climatique et peut être apparenté à une Catastrophe naturelle. « La prise en charge par l’État de la baisse structurelle de production apparaît donc comme légitime, au moins durant la période d’adaptation du modèle agricole », énonce-t-il. Elle prendrait la forme d’un « Fonds de solidarité pour l’agriculture » complétant l’indemnisation de la MRC, et qui pourrait se substituer aux calamités agricoles.

Des calamités pour tous... au-delà de 50% de pertes

En ce qui concerne le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) justement, à défaut de « grand soir », le député propose néanmoins d’en finir avec ce double jeu du dispositif, censé couvrir des risques non assurables mais dont la frontière est indéterminée et mouvante. Et de citer le cas de la production fourragère, le FNGRA indemnisant des risques assurables dissuadant les acteurs de s’assurer. Dès lors que la MRC bénéfice de nouvelles incitations, le député propose de mettre fin, de manière progressive, à cette incongruité et de faire intervenir les calamités agricoles à partir d’une perte de récolte de 50%, ce qui le positionnerait sur des évènements exceptionnels. Le régime des calamités s’appliquerait sans discernement à toutes les cultures.

En ce qui concerne son financement, le rapport évoque le retour à un taux de cotisation de 11% sur les contrats d’assurance agricoles (qui avait été abaissé à 5%), une augmentation de deux points de la surprime sur les contrats d’assurance auto et habitation qui finance le régime Cat Nat, une augmentation de certaines contributions composant la Taxe générale sur les activités polluantes. Mais le rapport s’interroge sur la portée et l’opportunité des leviers, dans un contexte de sortie de crise.

Frédéric Descrozaille plaide ainsi pour la création d’un « Fonds de solidarité pour l’agriculture », qui devrait être abondé à hauteur de 400 à 500 millions d’euros, assorti de la mise en place d’un pool de coréassurance permettant de pérenniser l’offre assurantielle. « L’effort de solidarité doit être considérable, insiste le député. On est depuis 70 ans sur un modèle avec des gains de productivité et de baisse de prix dont les consommateurs ont largement profité. On a aujourd’hui de nouvelles exigences vis-à-vis de notre agriculture et de notre alimentation, il faut que la Nation l’assume ».

La prévention et l’acculturation au risque

Outre cette nouvelle articulation entre assurances multirisques et calamités agricoles, Frédéric Descrozaille consacre, en amont, tout un pan de son rapport à la prévention des risques, à commencer par la sensibilisation de la profession encore largement trop faible. Le rapport préconise un renforcement de la formation initiale et continue, le développement des réseaux de conseil et des actions de communication dédiés. Frédéric Descrozaille rappelle au passage que le Plan de relance finance fort à propos des « diagnostics gestion des risques ». Le Plan de relance est aussi à la manœuvre sur les investissements dans les équipements de prévention et de protection, le Premier ministre ayant annoncé le 17 avril dernier le doublement de l’enveloppe initiale de 70 millions d'euros.

En matière de prévention et de résilience, la député consacre aussi un chapitre à la gestion de l’eau, saluant l’approche interministérielle de la question, « de nature à sécuriser les projets et à apaiser les tensions par une définition des principes de gouvernance territoriale ».