Le projet de loi Egalim 2 suscite déjà des réserves

La Confédération paysanne et les transformateurs font une interprétation diamétralement opposée de l’article 2 de la proposition de loi dite "Egalim 2" du député Grégory Besson-Moreau, qui consacre la transparence et le caractère non négociable du coût d’achat de la matière première agricole par l’industriel. Après les concertations entre parties prenantes, le gouvernement soumettra la proposition de loi avant l’été.

La contractualisation obligatoire et pluriannuelle (Article 1), la traçabilité du prix de la matière première agricole, d’un bout à l’autre de la chaîne alimentaire et incluant des clauses d’indexation ainsi que sa non-négociabilité au sein des contrats suivants (Article 2), le renforcement de la médiation par la création d’un comité des différends (Article 3), le renforcement de l’étiquetage de l’origine (provenance) des produits alimentaires (Article 4), l’interdiction des promotions de dégagement sans accord de la profession concernée (Article 5) : tels sont les objets de la proposition de loi déposée le 15 avril par le député Grégory Besson-Moreau. Une proposition saluée par le ministre de l’Agriculture. « Je suis convaincu que ces propositions pour renforcer la contractualisation en la rendant pluriannuelle, pour mieux prendre en compte les indicateurs de coûts de production, pour permettre d’indiquer le prix de la matière première agricole négociée au premier maillon dans les contrats et de le rendre non négociable ou encore pour afficher l’origine des produits permettront d’aller au bout des objectifs fixés par la loi Egalim, et de renforcer le revenu des agriculteurs », a déclaré dans un communiqué Julien Denormandie le 15 avril.

Transparence du prix = coûts de production ?

Alors que les concertations vont s’engager entre les différentes parties prenantes, en vue d’un examen à l’Assemblée nationale avant l’été, plusieurs organisations achoppent sur l’Article 2, qui consacre la transparence et le caractère non négociable du coût d’achat de la matière première agricole par l’industriel.

Pour la Confédération paysanne, s’agissant de la prise en compte des coûts de production, le compte n’y est pas. « Rien n'empêchera aux industriels d'imposer des prix bas à leurs fournisseurs paysans afin d'accroître leurs marges, explique-t-elle dans un communiqué. Dans la loi Egalim, au stade des négociations entre producteurs et acheteurs, la prise en compte des coûts de production reste au libre choix des parties, un point crucial sur lequel ne revient pas cette proposition de loi, refusant de voir en face et d’agir sur des rapports de force toujours autant déséquilibrés, en défaveur de celles et ceux qui produisent ».

Les industriels de l’agroalimentaire font une autre lecture de l’Article 2. Dans un communiqué commun, l’Ania, la Coopération agricole, la Feef et l’Ilec (*) estiment être les futures victimes expiatoires de la loi Egalim 2. « Sanctuariser les seules matières premières agricoles sans sanctuariser les coûts de transformation ne produira qu’un seul effet : l’affaiblissement du maillon industriel dans les négociations commerciales avec les distributeurs, dénoncent-elles. Ce n’est pas acceptable : c’est la vitalité de nos territoires et la diversité de nos produits et de nos marques qui est en jeu ».

La FNSEA tente la synthèse

La FNSEA et les JA se satisfont du projet de loi faisant écho à de nombreuses revendications des deux organisations, s’agissant de la consolidation législative sur la contractualisation, de la transparence et de la sécurisation du prix de la matière première agricole dans les négociations commerciales, de l’étiquetage de l’origine, de l’instauration d’un dispositif permettant de trancher les litiges et de l'encadrement de toutes les formes de braderies de produits alimentaires. « Cependant, afin que ces outils fonctionnent, le législateur ne pourra faire l’impasse sur le renforcement des indicateurs de coûts de production, malheureusement absents du texte, écrivent  dans un communiqué les deux organisations, qui volent aussi au secours des transformateurs. Nous serons attentifs à ce qu’il n’y ait aucune forme possible de contournement de la sécurisation de la part agricole du tarif du fournisseur. Il en va de la pérennité de chacun des maillons de notre chaîne d’approvisionnement alimentaire, dont la compétitivité est essentielle pour maintenir un tissu productif en France capable de répondre à l’enjeu de souveraineté alimentaire ».

(*) Association nationale des industries alimentaires (Ania), la Coopération agricole, la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF) et l’Institut de liaisons des entreprises de consommation (Ilec)