Ils replantent des haies, sans rancune pour les anciens, mais pas sans lendemain

A Guémené-Penfao (Loire-Atlantique), les associés du Gaec (laitier) de Butte noire plantent des haies depuis plusieurs années, pour créer des brise-vents mais aussi pour refaçonner le paysage bocager. Sans rancune pour les ainés qui les avaient arrachées, avec la Chambre pour ne pas se planter et en associant des écoliers et élèves aux chantiers. Quand les jeunes poussent...

Planter des haies chaque début d’hiver, c’est presque « une tradition » au Gaec de Butte noire, une exploitation en production laitière biologique située à Guémené-Penfao (Loire-Atlantique). A la tête de 170 ha (dont 120 en prairies) et d’un troupeau d’une centaine de vaches, les trois associés du Gaec, Antoine Blandin, Bertrand Philippot et Jean-François Peronne, plantent en effet depuis plusieurs années des haies bocagères le long de leurs parcelles de pâtures.

Cette haie d’une dizaine d’années fournit déjà de nombreux services agroécologiques : brise-vent, réservoir de biodiversité, outil de lutte contre l’érosion… (©Catherine Perrot)
Cette haie d’une dizaine d’années fournit déjà de nombreux services agroécologiques : brise-vent, réservoir de biodiversité, outil de lutte contre l’érosion… (©Catherine Perrot)

A raison d’au moins 500 m chaque année, depuis 6 ans, ce sont ainsi plus de trois kilomètres de haies supplémentaires qui grandissent sur leurs terres et qui seront rejoints bientôt par d’autres. « Pour moi, planter des haies, c’est presque « instinctif », j’ai toujours eu cela en tête depuis mon installation », confie Antoine Blandin.

"Notre projet, c’est de reformer un bocage sur des parcelles dont les surfaces correspondent à nos rotations de cultures"

Si Antoine Blandin trouve « normal » de planter des haies, c’est que, selon lui, cela correspond à « l’identité du paysage » dont il est originaire : il a grandi dans ce village rural, entre Don et Vilaine, où il a pris la suite de la ferme de ses parents. Pas question pour lui de critiquer ce qui s’est fait « avant », notamment les remembrements avec arrachages des haies.

« C’est une génération qui a fait ce qu’elle avait à faire. On ne pouvait pas garder un bocage avec des parcelles de 50 ares. C’était du bon sens à l’époque et c’est encore du bon sens aujourd’hui : notre projet, c’est de reformer un bocage sur des parcelles dont les surfaces correspondent à nos rotations de culture. En plantant des haies, on ne travaille pas pour aujourd’hui, on travaille pour demain ! ».

Les vaches du Gaec de Butte noire devront attendre encore quelques années avant de bénéficier de l’effet brise-vent de cette haie, plantée début décembre dernier (©Catherine Perrot)
Les vaches du Gaec de Butte noire devront attendre encore quelques années avant de bénéficier de l’effet brise-vent de cette haie, plantée début décembre dernier (©Catherine Perrot)

Début décembre dernier, ce sont ainsi 800 m linéaires de haies bocagères qui ont été plantés sur les parcelles du Gaec de Butte noire. Comme l’exploitation s’étend sur deux communes, Guémené-Penfao et Plessé, les exploitants ont pu bénéficier de deux opérations collectives d’aides à la replantation de haies : une opération communale pour 300 m sur le territoire de Guémené et une opération « Lait racines de vos performances » promue par le WWF, pour 500 m sur la commune de Plessé.

Des aides financières et logistiques à la plantation

Les plantations de haies ont « la cote » depuis plusieurs années pour les services écologiques que rendent les arbres à la société, et les coûts des plantations peuvent être pris en charge par des partenaires, publics ou privés. Mais en réalité, ce ne sont pas tellement les aspects financiers qui motivent les exploitants : « Ce sont beaucoup plus les aspects logistiques des chantiers de plantation », confie Antoine Blandin.

En effet, dans le cadre de ces deux opérations, les plantations sont financées par les partenaires et l’organisation globale et la logistique du chantier sont assurées par la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire, qui dispose d’un service de 16 conseillers spécialisés, tous rompus à cet exercice. « Nous assurons la commande des végétaux, des tuteurs, du paillage et nous travaillons avec des écoles primaires (avec l’association Des enfants et des arbres), ainsi que des lycées et écoles d’agriculture, comme celles de Briacé et de Derval, pour organiser les plantations, décrit Jean-Charles Vicet, consultant en haies bocagères et agroforesterie au sein de l’organisme consulaire. Le contrat avec les éleveurs, c’est qu’ils soient présents le jour de la plantation pour expliquer aux élèves leur métier, planter avec eux et leur faire visiter la ferme. Pour les jeunes, c’est une journée entière de cours de sciences naturelles ».

Le conseiller de la Chambre d’agriculture accompagne aussi les exploitants dans le choix des sites d’implantation et des essences d’arbres. « Nous déterminons les emplacements des haies en fonction des besoins des agriculteurs, en tenant compte des longueurs de champs, des clôtures, de la taille des paddoks, des circulations des animaux et des engins. A la Chambre d’agriculture, notre première entrée est toujours agricole ». Au Gaec de Butte noire, la priorité des éleveurs est de protéger les animaux des vents dominants. « C’est pourquoi, pour l’instant, on priorise les linéaires ouest des parcelles, décrit Antoine. Ici, on a du vent toute l’année, en témoignent toute la ligne d’éoliennes que l’on aperçoit depuis la butte ! Mais il est possible que dans les années à venir, on s’oriente aussi vers des haies pour faire de l’ombrage aux animaux ».

Adapter les essences aux besoins et à l’évolution climatique

Le choix des essences dépend aussi des besoins des agriculteurs : effet brise-vent, ombrage, réservoir d’auxiliaires pour les cultures, mais aussi lutte contre l’érosion ou encore capacité des arbres à remobiliser du phosphore. La sélection des essences dépend aussi, bien sûr, de la nature des sols, et de l’évolution climatique : « Aujourd’hui, on constate qu’avec le chêne pédonculé, les taux de reprise de végétation après plantation sont bas, décrit Jean-Charles Vicet, c’est pourtant l’espèce qui constitue 80 % du bocage local. Les châtaigniers souffrent également de pathogènes qui se renforcent avec le changement climatique, il va disparaitre progressivement de notre territoire. C’est sans doute l’humidité de l’air et l’augmentation des températures moyennes qui sont en cause pour ces espèces. On s’oriente donc vers d’autres chênes, comme le sessile, le chevelu, voire, dans les secteurs hyper séchants de la région, le chêne pubescent ou le chêne-liège… ».

Aux côtés des chênes, d’autres espèces peuvent constituer les haies : noisetiers, charmes, érables champêtres, merisiers, alisier torminal, néflier « L’objectif, c’est de ne pas mettre tous les hauts-jets côte à côte, ni de faire un tracé trop régulier, trop répétitif, comme on l’a fait autrefois. On cherche à avoir des espèces qui ne se concurrencent pas trop et différentes strates dans la haie. Il s’agit, en quelque sorte, de copier la nature ».

Entretien et exploitation

La nature ne devra pas cependant être seule à la manœuvre pour la constitution de la haie : les agriculteurs auront un peu d’entretien à réaliser pour assurer la croissance des arbres. « Au début, ce sera surtout du débroussaillage, pour limiter la concurrence. Mais il ne faut pas trop débroussailler non plus, car cela crée des accès aux chevreuils qui sont de plus en plus nombreux, poursuit Jean-Charles Vicet. Là aussi, nous avons fait évoluer nos conseils : la haie ne doit pas être « trop propre », il faut laisser un peu de ronces ».

Et après 15 ans ou 20 ans de pousse, « il ne faut pas non plus s’interdire d’exploiter la haie » ajoute le conseiller. Au contraire, des arbres coupés repartent plus vite ensuite ». De nombreuses entreprises spécialisées sont en effet équipées de déchiqueteuses, qui permettent de produire du bois déchiqueté ou raméal fragmenté. Ceux-ci sont ensuite utilisables en combustibles, paillage, amendements pour le sol ou même en litière pour les animaux.