Importations : les clauses miroirs, un mirage ?

[Edito] La crise du covid a propulsé la notion de souveraineté alimentaire sur le devant de la scène. Depuis le discours du 12 mars 2020 d’Emmanuel Macron concédant que « déléguer notre alimentation [...] à d'autres est une folie », il n’est pas un jour ou presque sans que la souveraineté alimentaire n’alimente les débats agricoles. Au travers de la souveraineté, c’est surtout la notion d’autonomie et d’indépendance face aux importations qui est plus largement abordée.

Deux principaux secteurs sont concernés en France par cette volonté de limiter le recours aux importations : les protéines végétales et les fruits et légumes. Deux secteurs pour lesquels la reconquête du marché intérieur se heurte à la concurrence internationale ainsi qu’aux difficultés de production, accrus par le dérèglement climatique. En 2020, les importations de colza en France ont ainsi augmenté de 23%, atteignant un niveau record de 1,5 million de tonnes. Or, les surfaces de colza sont à nouveau en recul cette année, passant sous le million d’hectares. Un chiffre qui pourrait encore baisser en raison du retournement tardif de parcelles dans certaines zones fragiles.

De son côté, le déficit structurel de la filière fruits et légumes s’est encore accru en 2020. Pour la sixième année consécutive, le déficit des fruits frais s’est creusé et les épisodes de gel survenus cette année ne seront malheureusement pas de nature à inverser la tendance.

Clause toujours

Pour privilégier le marché intérieur, le conditionnement des importations à un respect des normes européennes est une attente forte de la profession. Le 18 février dernier, la Commission européenne a d’ailleurs publié une communication en ce sens, détaillant sa stratégie commerciale pour les années à venir : « Les importations doivent être conformes aux réglementations et normes de l’UE », est-il clairement écrit. C’est là tout l’enjeu des « clauses miroirs » réclamées par la profession agricole et par les associations environnementales.

Il existe déjà des outils en UE visant à interdire l’importation de denrées jugées dangereuses pour la santé ou l’environnement : la clause de sauvegarde interdisant l’importation de cerises traitées au diméthoate en est un exemple, et la France l’applique chaque année depuis 2016. L’Europe pourrait-elle aller plus loin en interdisant tout produit ne respectant pas ses normes de production ? Cette politique commerciale, si elle était mise en œuvre, aurait un réel impact sur notre agriculture.

Le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie affirme faire de ce sujet « [son] combat politique au niveau européen » et compte en faire « la priorité d’action au niveau de la présidence française de l’Union européenne à partir du 1er janvier 2022 ».

Convaincre les voisins

Reste que tous les Etats membres ne partagent pas la même préoccupation en matière de patriotisme agricole, comme en témoignent les forts clivages intra-européens sur l’accord commercial avec le Mercosur. L’application réelle de clauses miroirs au niveau européen semble encore un lointain mirage.

A défaut de Salon de l’agriculture cette année, un « grand rendez-vous de la souveraineté alimentaire » est organisé le 18 mai par le Conseil de l'agriculture française (FNSEA, JA, Chambres d’agriculture, coopération agricole, MSA…) et le Ceneca (organisateur du Salon de l'agriculture). Emmanuel Macron y est attendu pour esquisser sa vision et apporter des réponses à la profession. Les organisateurs n’attendent ni mirages ni effets d’annonce, mais une feuille de route et un cap clair pour les prochaines années.