Jacqueline et Augustin : "Le yak, c’est la vache du futur"

Le couple élève en bio une cinquantaine de yaks dans le piémont pyrénéen, en plein air intégral car supportant du -20°C à du +40°C, en grande partie dans les sous-bois, le tout contribuant à rouvrir le milieu. Présents au Sommet de l’élevage, où la Mongolie est à l’honneur, Jacqueline, Augustin et leurs yaks pourraient faire des émules. Yak à...

Des Aubrac, des Salers, des Ferrandaises mais aussi des Charolaises (concours national oblige), des Limousines, des Blondes d’Aquitaine, des Gasconnes, des Parthenaises, bref des centaines de bovins bien de chez nous et au milieu deux yaks : Simone et Zlato. Ils ne viennent pas de Mongolie, une de leurs terres d’élection avec le Tibet, mais de Ariège, où Jacqueline et Augustin élèvent une cinquantaine de spécimens. Le couple d’éleveurs a fait le voyage à Cournon pour donner au Sommet de l’élevage un petit air de Mongolie, invitée d’honneur de la 31ème édition. Le pays est à l’initiative de la proposition validée par la FAO visant à déclarer 2026 année internationale du pastoralisme.

Toute ressemblance avec une Salers serait purement fortuite
Toute ressemblance avec une Salers serait purement fortuite

Entre les steppes mongoles et les paillasses auvergnates de cet été 2022, entre le yak et la Salers, il y a davantage de connivence qu’on le soupçonnerait au prime abord. « En 1852, le gouvernement français a introduit le yak en Europe sur des fermes d’essai dans le Cantal pour améliorer la rusticité des races locales », déclare Augustin de Bekker. L’éleveur se gardera d’affirmer qu’il y a quelques airs de ressemblance entre ses yaks et les Salers.

"Grâce au yak, on a reconquis 10% des sous-bois en surface en herbe en quelques années"

Toujours est-il qu’en matière de rusticité, le yak a (aussi) des arguments à faire valoir. Le yak étant génétiquement bardé pour supporter les amplitudes thermiques du désert de Gobi comprises entre -30°C et +40°C, autant dire que le troupeau s’accommode sans peine du climat pyrénéen. « Nous élevons nos animaux en plein air intégral, déclare Jacqueline Cremers. Le yak a la faculté de valoriser les sous-bois et de lutter contre les plantes invasives. Nous avons ainsi reconquis 10% des sous-bois en surface en herbe en l’espace de quelques années. Le yak, c’est la vache du futur ».

Au Sommet, les yaks ont suscité la curiosité de nombreux éleveurs
Au Sommet, les yaks ont suscité la curiosité de nombreux éleveurs

Sous réserve que la Pac et le PSN continuent de soutenir l’agriculture sujette aux handicaps naturels. Située à Seix (Ariège), à 1000 mètres d’altitude, l’exploitation (bio) totalise 85 ha dont 20 ha seulement en herbe. Malgré les sous-bois, la surface d’exploitation reste limitante pour satisfaire l’appétit du troupeau, d’autant plus que les éleveurs n’ont pas accès aux estives. « C’est une chasse bien gardée, ce que je comprends sans peine », indique Augustin. Du coup, les achats occasionnels de fourrage pénalisent la rentabilité de l’exploitation, qui compte aussi, en plein air et en bio, entre 20 et 50 cochons selon les saisons.

"Selon les morceaux, le prix de la viande de yak oscille entre 40 €/kg et 80€/kg"

Les éleveurs font abattre (à la ferme) environ six animaux chaque année, plutôt en période hivernale, d’un poids vif compris entre 600 et 700 kilos, qu’ils valorisent en vente directe sinon en circuit court, à un prix à faire pâlir n’importe quel éleveur, de Salers ou autres. « Selon les morceaux, le prix de la viande de yak oscille entre 40 €/kg et 80 €/kg », déclare Augustin. L’exploitation tire aussi une partie de ses ressources de la vente d’animaux vifs, l’élevage de yak commençant à essaimer à travers l’Europe.

La laine, ainsi que les cornes, sont d’autres sources potentielles de revenu
La laine, ainsi que les cornes, sont d’autres sources potentielles de revenu

La laine est aussi une source potentielle de subsides mais produite ici en trop faible quantité. Toujours est-il qu’à Cournon, Jacqueline, Augustin et leurs yaks ont fait sensation. « Beaucoup d’éleveurs se sont intéressés au yak et au système d’élevage qu’il lui est associé », se réjouit Jacqueline. L’éleveuse et son mari ont de leur côté plusieurs touches pour céder leur élevage à l’approche de la retraite.

"Il nous a fallu cinq ans pour décrocher l’autorisation d’importer six yaks"

En France, le nombre d’élevages se compte sur les doigts d’une main. « En réalité, c’est très difficile de connaître précisément les effectifs parce que le type racial du yak n’est pas répertorié en France, explique Augustin. Il l’est sous le numéro 48, dans la catégorie des autres vaches allaitantes étrangères ». Gageons que l’administration française fera avancer le dossier, forte de la signature, sous la yourte trônant devant l’entrée du Sommet, du mémorandum de coopération renouvelée par les ministres français et mongol de l’Agriculture. « Il nous a fallu cinq ans pour décrocher l’autorisation d’importer six yaks. La première expression que j’ai appris en français est la suivante : "c’est compliqué" », ironise l’éleveur. On ne l’a pas dit : Jacqueline et Augustin sont originaires des Pays-Bas. Le pays où la Holstein est de moins en moins en odeur de sainteté. Yak a.

Augustin, le yak et la yourte mongole
Augustin, le yak et la yourte mongole