L’allègement de la taxe sur le GNR dans le viseur de l’Ademe

En remettant en cause l’équité et l’effectivité du prix du carbone, les dérogations en usage sur l’ensemble des combustibles fossiles, et pas seulement le GNR, constituent un frein à la transition énergétique, selon l’Agence de la transition écologique. Celle-ci propose l’instauration contrats publics-privés de transition, négociés avec les fédérations professionnelles.

2 milliards d’euros : c’est le montant du remboursement de taxe intérieure sur la consommation de gazole non routier (GNR) des tracteurs, engins de chantier et autres bateaux de pêche consenti par l’Etat en 2018, selon l’Ademe. Il faut y ajouter 1,1 milliard d’euros au titre du transport routier de marchandises et 3,4 milliards d’euros de dépense fiscale accordée à l’aviation commerciale, soit un total de 6,5 milliards d’euros d’exonérations, alors que dans le même temps, les recettes de la fiscalité carbone s’élevaient à 8,2 milliards d’euros. « Face à la fiscalité de l’énergie et à sa composante carbone, le maintien de la compétitivité des entreprises françaises est traité aujourd’hui par des exonérations, taux réduits de taxe et remboursements partiels qui allègent le prix des combustibles, relève l’Ademe. Ces exonérations remettent en cause l’équité et l’effectivité du prix du carbone. Outre le fait qu’ils réduisent l’adhésion de la population à la fiscalité carbone, ces régimes dérogatoires ont été largement accordés aux entreprises, sans conditionnalités environnementales, notamment vis-à-vis de l’atteinte d’objectifs de réduction d’émissions ».

Ce constat est dressé dans un rapport technique intitulé « Analyse des conditions de reprise d’une valeur équitable du carbone » publié en juillet dernier, à la suite d’un travail collectif réunissant chercheurs, parties prenantes et administrations publiques. Le rapport prône une sortie progressive des régimes fiscaux dérogatoires, aux côtés de neuf autres propositions visant à établir un « contrat social » de transition énergétique, bordant les conditions d’une revalorisation du carbone compatible avec les objectifs climatiques de la France tout en étant « socialement équitable et économiquement efficace ».

Depuis 2014, une composante carbone, la Contribution climat-énergie (la fameuse taxe carbone) est intégrée au sein de la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), ainsi qu’au sein de la Taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) et la Taxe intérieure de consommation sur le charbon (TICC). Mais le mouvement des Gilets jaunes a engendré depuis 2018 le gel de sa trajectoire de hausse, à hauteur de 44,6 €/t, contre 7€/t lors de son instauration en 2014. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), adoptée en 2015, a fixé son montant à 100€/t en 2030. La valeur du carbone est en effet un élément clé pour accroître la rentabilité des investissements bas carbone à long terme.

Des contrats de transition publics-privés

L’Ademe recommande d’engager une sortie progressive des régimes fiscaux dérogatoires à la valeur du carbone pour l’ensemble des combustibles fossiles. La guerre en Ukraine et ses impacts sur le coût de l’énergie n’ont évidemment rien ôté au caractère inflammable de la taxe carbone. « Comme pour les ménages, l’évolution des régimes dérogatoires ne doit pas accroître la difficulté des entreprises et des branches qui sont vulnérables économiquement et qui ne disposent pas encore d’alternative à l’usage des énergies fossiles à court terme », indique le rapport, citant le secteur de l’agriculture et de la pêche. « Les négociations et les accords de branches entre l’État, les partenaires sociaux, les fédérations professionnelles devront parvenir à des compromis donnant lieu à la signature de contrats publics- privés de transition à moyen terme ».