Climat : vive le Président

[Edito] La réduction des émissions de méthane, à l’effet de serre bien supérieur au dioxyde de carbone et à la durée de vie bien moindre, pourrait faire office d’extincteur pour contenir le réchauffement. Mais on peut compter sur la procrastination, largement à l’œuvre en matière de décarbonation, pour sauver les vaches... et le camembert.

On a eu très chaud. Selon le dernier rapport Giec publié le 9 août, il est encore possible de contenir le réchauffement climatique à +1,5°C d’ici à 2050, objectif inscrit dans l’Accord de Paris. Mais à la condition de réduire immédiatement et massivement nos émissions de gaz à effet de serre (GES) et d’atteindre impérativement la neutralité carbone d’ici à 2050. Attention : +1,5°C, c’est largement suffisant pour démultiplier les impacts sur les écosystèmes et sur les sociétés humaines, avec leur cortège d’évènements climatiques extrêmes, toujours plus fréquents et toujours plus sévères.

La probabilité de relever le défi est cependant faible. Nous en sommes déjà à +1°C par rapport à l’ère préindustrielle et, au rythme actuel, les +1,5°C nous sont annoncés par le Giec plutôt pour 2040 que pour 2050.

Le méthane, une forte composante agricole

La dynamique du dioxyde de carbone (CO2) n’y est pas étrangère. Sa durée de vie d’environ un siècle dans l’atmosphère lui confère une inertie qui n’a d’égale que notre passivité à ne pas inverser la tendance. Cette dynamique du carbone explique pour partie le caractère jugé irréversible de plusieurs phénomènes tels que l’acidification des océans, la fonte des calottes glaciaires ou encore la hausse du niveau de la mer.

Il en va un peu autrement pour le méthane (CH4), 28 fois plus impactant que le CO2 mais à la durée de vie 10 fois moindre. Réduire les émissions de CH4 produirait un effet relativement rapide sur l’atténuation du réchauffement, mais aussi sur la santé humaine, du fait de ses incidences sur la qualité de l’air.

C’est là où les bovins sont appelés à la rescousse, ou plutôt au sacrifice. La fermentation entérique et la gestion des effluents sont en effet responsables de 68% des émissions françaises de CH4, qui elles-mêmes pèsent pour 13% des émissions totales de GES.

18 millions de bovins, 67 millions de procrastinateurs

Il ne faut peut-être pas trop en demander trop aux bovins qui, au cours des trois décennies passées, ont déjà consenti un gros effort en subissant une réduction du cheptel de 15%, et qui se poursuit. N’oublions pas que les ruminants rendent quelques menus services alimentaires et économiques, et écologiques, si l’on songe au puits de carbone des prairies et à la fourniture d’éléments fertilisants. Sauf à passer du régime omnivore à celui d’herbivore, sans passer par la case vegan.

La réalité, en matière de lutte contre le réchauffement climatique, c’est que nous sommes grosso modo 67 millions de procrastinateurs, à commencer par le premier d’entre nous, le président de la République, dont le gouvernement est sommé par le Conseil d’État de revoir sa copie climatique d’ici au 31 mars 2022. Sur un sujet à la fois très éloigné et dérisoire – le contrôle technique des scooters, motos et quads – Emmanuel Macron vient d’en apporter une nouvelle preuve, totalement superfétatoire.

Chacun ses responsabilités et les vaches seront bien gardées. Et avec elles Sa Majesté notre camembert.