L’élevage français face à ses défis

[Edito] Produire et consommer de la viande française tout en limitant les importations mais aussi la décapitalisation, sans compter la réduction des émissions de gaz à effet de serre : ce sont autant de défis que doivent relever les filières françaises d’élevage.

Contrairement aux idées reçues selon lesquelles les protéines végétales seraient en train de remplacer les protéines animales dans l’alimentation des Français, et malgré les incitations nutritionnelles à manger moins de viande, force est de constater qu’il n’y a pas de désaffection de nos concitoyens pour la viande. En témoignent les chiffres de la consommation de viande en France, qui ont augmenté en 2021 et 2022. La consommation moyenne par habitant s’établit désormais à 85,2 kilos équivalent-carcasse par habitant, contre 84,9 kilos en 2021.

Derrière ces chiffres globaux, trois tendances sont à noter : la forte hausse de la consommation de poulet, qui connaît un taux de croissance annuel moyen de 4% depuis 2012 ; la hausse des importations, qui représente, toutes viandes confondues, 33% de la consommation nationale, en hausse de 12% sur un an ; et la baisse des achats des ménages au profit de la restauration hors domicile. Pour la première fois, la consommation de poulet dépasse celle de viande bovine en France. Or, près de 50% de ce poulet est importé.

Plan de reconquête

Inciter les Français à manger de la viande française : c’est le grand défi de la filière, que le gouvernement a mis en avant dans son « plan de reconquête et de souveraineté de l’élevage », lancé la semaine dernière lors du Sommet de l’élevage en Auvergne. Outre des campagnes de communication, le ministère de l’Agriculture escompte « encourager » l’obligation d’affichage de l’origine des viandes dans la restauration hors domicile, et « faire une réalité » de l’obligation, pour la restauration collective, d’utiliser au moins 60% de produits de viande issus d’élevage durable ou sous signe officiel de qualité et d’origine (100% pour la restauration collective dépendant de l’Etat) : bio, indication géographique, labels rouges…

A propos de poulet et de Label Rouge, l’initiative annoncée par KFC cette semaine est tombée à point nommée : l’enseigne de fast-food, dont plus de la moitié de son approvisionnement en poulet se fait hors de France, a annoncé le lancement à titre d’essai d’une gamme Label Rouge, afin de « soutenir les éleveurs français » et de proposer aux consommateurs « des produits toujours plus qualitatifs et responsables », selon Isabelle Herman, directrice générale de KFC France.

Les atouts de l'élevage 

Outre la souveraineté alimentaire, le ministère fait face à un autre défi : celui de la décarbonation, alors que l’élevage contribue à 60% des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole. L’élevage bovin, en particulier, pèse pour la moitié des émissions. Le gouvernement fait donc face au défi de favoriser la viande « made in France », tout en réduisant son empreinte carbone, le tout en limitant la décapitalisation du cheptel bovin, qui s’est encore accélérée en 2022. Pour cela, le plan gouvernemental met l’accent sur les bénéfices du modèle d’élevage herbivore français, qui sont nombreux : entretien des paysages, maintien de la biodiversité des prairies, vitalité des territoires, stockage du carbone…

A ce propos, les éleveurs sont de plus en plus nombreux à s’engager dans des démarches de réduction des émissions de gaz à effet de serre, via la vente de crédits carbone, comme en témoigne le quatrième appel à projet lancé par l’association France Carbon Agri (FCAA). Les trois premiers appels à projet ont engagé 2400 éleveurs, pour un total de 1,4 million de tonnes d’équivalent CO2 évitées. Ce chiffre ne vous parle pas ? Il correspond par exemple aux émissions du trafic aérien intérieur métropolitain en France en 2021.