L’élevage ovin, faire-valoir du photovoltaïsme au sol ?

[Tech-Ovin 2023] En Haute-Vienne, terre d’accueil de Tech-Ovin, la Confédération paysanne dénonce la frénésie de projets photovoltaïques, dont le caractère « individuel » irait contre la sauvegarde « collective » de la filière. La Coordination rurale, majoritaire dans le département, soutient les projets, à une réserve près. La FNO estime qu’il y a des garde-fous.

Avec pas loin d’une trentaine d’exposants dédiés, il serait fallacieux d’affirmer que l’édition 2023 de Tech-Ovin est la vitrine, tout en silicium, du photovoltaïsme à la mode agricole. Ça sent encore le mouton à Bellac (Haute-Vienne) et les champs de silicium ne sont que maquettes et posters au sein des stands concernés.

Julien Roujolle, co-porte-parole de la Conf’ 87 : « Les projets photovoltaïques n’ont un seul but : tirer un homme, une ferme, de la panade. Notre question, c’est : comment on sort l’élevage ovin de la misère, collectivement »
Julien Roujolle, co-porte-parole de la Conf’ 87 : « Les projets photovoltaïques n’ont un seul but : tirer un homme, une ferme, de la panade. Notre question, c’est : comment on sort l’élevage ovin de la misère, collectivement »

Mais du virtuel au réel, la frontière est ténue, selon la Confédération paysanne. « En Haute-Vienne, il y a énormément de projets, et qui sont de nature à déstabiliser la filière ovine, dénonce Julien Roujolle, co-porte-parole de la Conf’ 87. Ces projets n’ont qu'un seul but : tirer un homme, une ferme, de la panade. Notre question, c’est : comment on sort l’élevage ovin de la misère, collectivement ».

Ça sent encore le mouton à Bellac (Haute-Vienne) et les champs de silicium ne sont que maquettes et posters au sein des stands
Ça sent encore le mouton à Bellac (Haute-Vienne) et les champs de silicium ne sont que maquettes et posters au sein des stands

Du côté de la Coordination rurale, majoritaire dans le département, on ne fait pas la même analyse. « Aujourd’hui, un agriculteur qui s’installe n’est pas en capacité d’être financé sur le foncier, le cheptel, le matériel et les bâtiments, déclare Pierrick Gouteron, président de la CR 87. On est à 100% pour les panneaux en toiture de bâtiment. Concernant le photovoltaïsme au sol, par principe, on ne s’y oppose pas. Pourquoi le monde agricole ne profiterait-il pas de cette diversification ? Si ce n’est pas les agriculteurs, c’est d’autres opérateurs qui en profiteront. Et dans le département, on a aussi des projets collectifs associant plusieurs éleveurs sur des parcelles mitoyennes ».

Pierrick Gouteron, président de la CR 87 : « Si ce n’est pas les agriculteurs, c’est d’autres opérateurs qui profiteront de l’agrivoltaïsme »
Pierrick Gouteron, président de la CR 87 : « Si ce n’est pas les agriculteurs, c’est d’autres opérateurs qui profiteront de l’agrivoltaïsme »

La filière ovine est-elle en passe de devenir le faire-valoir du photovoltaïsme au sol ? La question peut se poser au vu du nombre d’opérateurs présents à Bellac. Pour la Conf’, c’est pire que du faire-valoir. « Avec le photovoltaïsme, la filière se tire une balle dans le pied, déclare Julien Roujolle. Si demain, on a 150 centrales photovoltaïques, c’est 150 personnes de moins qui auront envie de faire avancer les choses de manière collective et qui sont en prime susceptibles d’exercer une concurrence déloyale vis-à-vis des autres éleveurs ».

Du côté de la FNO, on n’élude pas le risque, mais on le relativise. « Cette frénésie, c’est un vrai risque, mais la FNO n’est pas complice de cela, affirme Claude Font, secrétaire général de la FNO. Nous avons élaboré une charte qui fait du photovoltaïsme un complément à l’activité agricole, et qui au passage, a fait office de filtre auprès des opérateurs solaires souhaitent exposer à Tech-Ovin, sans quoi on aurait eu le double d’exposants. Au sein de chaque département, il y a des garde-fous avec les CDPENAF [Commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers]. Les professionnels ont donc la main sur les projets ».

Claude Font, secrétaire général de la FNO : « La FNO a élaboré une charte qui fait du photovoltaïsme un complément à l’activité agricole »
Claude Font, secrétaire général de la FNO : « La FNO a élaboré une charte qui fait du photovoltaïsme un complément à l’activité agricole »

A propos des CDPENAF, la Conf’ se montre beaucoup plus circonspecte. « En Haute-Vienne, un projet retoqué en CDPENAF, amendé en Comité ERC [évitement, réduction, compensation], très majoritairement amendé en enquête publique a été au final signé par le préfet, souligne Julien Roujolle. Le problème, ce n’est pas de faire de l’énergie sur des terrain agricoles. Le problème, c’est : qui touche la manne, pourquoi ça avance à cette vitesse, pourquoi on impose aux collectivités territoriales de mettre en place un zonage dans le PLU avec des terres ouvertes au photovoltaïsme ».

La Coordination demande l’abaissement du seuil de passage en comité ERC, de 5 ha à 2 ha. « On voit beaucoup de projets à 4,80 ha qui échappent ainsi à la compensation », justifie Pierrick Gouteron. Eleveurs, opérateurs solaires, collectivités territoriales devraient être attentifs aux futurs décrets relatifs à la loi d’Accélération de la production d’énergies renouvelables.