L’étau se resserre autour des émissions d’ammoniac et de protoxyde d’azote

Un projet de décret fixe les objectifs annuels de réduction des émissions d’ammoniac et de protoxyde d’azote, avec une objectif final respectif de -13% et -15% en 2030. Mais le plan d’action prévu par la loi Climat et résilience se fait attendre tandis que l’instauration d’une future redevance, en cas de déviance, se rapproche.

La France s’est fixée des objectifs de réduction des émissions d’ammoniac (NH3) et de protoxyde d’azote (N2O) de respectivement 13% en 2030 par rapport à 2005, et de 15% en 2030 par rapport à 2015. Ces chiffres sont, pour le NH3, ceux de la directive relative aux plafonds nationaux d’émissions (NEC II) transposée en droit français, et, pour le N2O, ceux des budgets carbone prévus par le décret du 21 avril 2020 relatif aux budgets carbone nationaux et à la Stratégie nationale bas carbone (SNBC). Ces objectifs de réductions d’émissions figurent à l’article 268 de la loi Climat et résilience du 22 août 2021.

Particules fines et gaz et effet de serre

Un projet de décret, en consultation publique jusqu’au 22 décembre, fixe les objectifs annuels de réduction de ces deux gaz jusqu’à 2030. Pour l’année 2022, qui ouvre les compteurs, les émissions d’ammoniac devront être inférieures de 5,5% à celles de 2005 et celles de protoxyde d’azote inférieures de 7% à celles de 2015. La comptabilisation est confiée au CITEPA, le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique, en charge des calculs d’inventaires d’émissions de polluants. Selon les CITEPA, en 2021, les niveaux d’émissions de NH3 comme de N2O étaient de 7,9% inférieurs à leurs références respectives de 2005 et 2015, ce qui s’avère plutôt engageant. Entre 2020 et 2021, elles sont restées stables.

"En 2021, le secteur agricole était responsable de 92,8% des émissions nationales de NH3 et de 89% des émissions de N2O"

Selon le CITEPA, en 2021, le secteur agricole était responsable de 92,8% des émissions nationales de NH3 et de 89% des émissions de N2O. S’agissant de l’ammoniac, les plus importants postes d’émissions sont le fait des épandages d’engrais minéraux, à hauteur de 25,5%, devant les élevages bovins (23,5%), l’épandage des engrais organiques (18,9%), les déjections en pâture (15,7%), les élevages porcins (6,8%), les élevages de volailles (6,7%). A noter que l’ammoniac n’est pas un gaz à effet de serre (GES) mais un précurseur de particules fines, à l’origine de nombreuses pathologies (asthme, allergies, maladies respiratoires ou cardiovasculaires...).

S’agissant du protoxyde d’azote, qui lui, est un GES, les plus importants postes d’émissions sont le fait des épandages d’engrais minéraux, à hauteur de 29,3% du secteur agricole, devant les déjections en pâture (23,1%) et l’épandage des engrais organiques (9%) mais il faut aussi compter avec les 28,2% des émissions classées dans la catégorie « autres émissions des cultures » par le CITEPA.

Plan d’action et redevance si...

Pour aider les agriculteurs à atteindre les objectifs, la loi Climat et résilience a prévu la mise en place d’un plan d’action national, associant l’ensemble des parties prenantes. Mais le plan en question se fait encore attendre, alors que le compte à rebours a démarré depuis bientôt un an. La même loi Climat a aussi entériné l’instauration d’une redevance, dans le cas où les objectifs n’auraient pas été atteints deux années consécutives, soit potentiellement à compter de 2024, « tout en veillant à préserver la viabilité économique des filières agricoles concernées et à ne pas accroître d’éventuelles distorsions de concurrence avec les mesures en vigueur dans d’autres Etats membres de l’Union européenne », selon l’article 268 précité.

Ses modalités en termes de taux et d’assiette ne sont pas encore connues. Pour ce qui est des engrais organiques en particulier, il existe en revanche le Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA), reposant notamment sur la mise en œuvre d’un Plan matériels d’épandages moins émissifs (interdiction progressive des buses palettes, incorporation pots-épandage des effluents solides...), à horizon 2025. Mais a priori, ce sont bien les seuls engrais azotés qui supporteront la redevance.

Les leviers d’action

Le dernier rapport annuel du CITEPA, publié en juillet dernier, relève que « la profession agricole entreprend des efforts de réduction des émissions de NH3. Des progrès ont déjà été accomplis par le secteur, par exemple au niveau de l’alimentation animale avec l’ajustement des apports protéiques dans les rations, au niveau du bâtiment avec la mise en place de laveurs d’air, au niveau du stockage par la couverture de fosses et au niveau de l’épandage avec l’utilisation de matériels moins émissifs ». Le CITEPA estime néanmoins que les coûts associés au Plan matériels d’épandages moins émissifs peuvent être « importants ».

"La profession agricole entreprend des efforts de réduction des émissions de NH3"

S’agissant du N2O, les leviers de réduction résident dans la diminution de l’apport d’azote aux cultures, la diminution des excédents d’apports protéiques dans les rations animales et dans le développement de l’autonomie en protéines végétales. « L’optimisation de la fertilisation azotée en lien avec les préconisations d’apports adaptés aux besoins des cultures est déjà bien avancée et il est donc aujourd’hui difficile de prévoir une réduction forte de la fertilisation azotée dans les années futures, écrit le CITEPA. Le développement de sélections variétales adaptées à un bas niveau d'intrants ou encore l’amélioration des conditions du sol pour diminuer les émissions de N2O (pH, par exemple, effet du chaulage) sont des pistes en phase d’expérimentation actuellement ».