L’inflation va-t-elle dynamiter les signes de qualité et d’origine ?

Après les produits certifiés AB, les AOC, IGP et autre Label rouge pourraient faire les frais de la hausse des prix des produits alimentaires alors que les signes de qualité constituent un socle de notre politique agricole.

[Edito] « Cette hausse générale des prix, c’est un risque majeur pour les produits sous signe de qualité ». Ainsi s’exprimait, en février dernier, Christian Reclus, directeur général du groupe coopératif Arterris, basé en Occitanie, opérant sur les trois maillons de la chaine alimentaire (production, transformation, distribution) et metteur en marché de plusieurs marques sous signe de qualité. C’était à la veille du déclenchement de la guerre en Ukraine. Celle-ci a exacerbé la tendance inflationniste, avec la menace de ruptures d’approvisionnement. Mais pour le distributeur Michel-Édouard Leclerc, on n’a encore rien vu, prédisant un doublement de l’inflation sur les produits alimentaires au cours de l’été à venir.

Les signes avant-coureurs de la bio

C’est précisément l’été dernier que les premiers signaux inflationnistes sont apparus, avec des tensions sur l’approvisionnement en blé dur et les premières secousses sur le prix des pâtes alimentaires. L’arrêt de la croissance du marché des produits bio aura été un autre marqueur de l’année passée, l’AB peinant à élargir le spectre de consommateurs consentant à payer davantage pour un autre modèle d’agriculture. En 2022, les déboires de l’AB pourraient donc faire tache d’huile (dont on manque) sur les autres Signes d’identification de qualité et d’origine (SIQO) que sont les AOC, IGP, STG et autre Label rouge. Or les SIQO constituent un fondement historique (1905), inspirateur (l’AOP et l’AB européens) et toujours plus prégnant de notre modèle agricole, 27% des exploitations françaises produisant au moins un SIQO (hors AB) en 2020, contre 24% en 2010, selon les données du recensement.

D’un quinquennat l’autre

Il faut dire que les signes de qualité constituent une arme majeure de notre modèle économique agricole. Ils sont les faire-valoir de la compétitivité hors-prix sur laquelle la France mise largement (trop ?) pour gagner sinon préserver ses parts de marché en jouant sur d’autres leviers que le prix. Cette stratégie avait été réaffirmée dès l’entame du premier quinquennat d’Emmanuel Macron avec le discours de Rungis préfigurant le lancement des Etats généraux de l’alimentation, avec comme leitmotiv la « montée en gamme ».

Cinq ans et deux lois Egalim plus tard, l’alimentation s’est effectivement revalorisée mais en partie sous l’effet de phénomènes exogènes et pas isolément des autres autres biens de première nécessité. Et c'est bien là le problème. A telle enseigne que le chèque alimentaire inaugurera le second quinquennat au plan agricole, au service des plus démunis et accessoirement des SIQO, sans doute moins pour les dynamiser que pour éviter de voir l’inflation les dynamiter. Le chèque alimentaire relève d'une politique sociale et non d’une politique agricole.