La betterave fourragère se pousse du collet

Productive, compétitive et résiliente, la betterave fourragère a des arguments pour se faire une (petite) place dans les assolements et se substituer aux concentrés. Quoi que mineure, l’espère bénéficie d’une offre variétale majeure, avec en prime le procédé d’activation des semences, sécurisant l’implantation.

Culminant à plus de 800.000 ha dans les années 1950, la betterave fourragère a depuis longtemps disparu des radars. A tel point que l’espèce est devenue totalement invisible dans les statistiques agricoles. Mais elle est bien vivante, comme en témoignent les ventes de semences certifiées. Selon l’Association pour le développement de la betterave fourragère monogerme (ADBFM), elles ont bondi de 41% entre 2016 et 2021. Avec 36.328 doses de 50.000 graines vendues en 2021 et à raison de deux doses/ha, la surface approximative se situerait aux alentours de 18.000 ha.

3 hectares suffisent

Selon l’ADBFM, les éleveurs adeptes de la betterave fourragère en cultivent entre 3 et 3,5 ha. « C’est suffisant pour assurer l’autonomie de la plupart des troupeaux, déclare Alexandre Carré, chargé de communication à Semae et animateur technique pour la section betterave et chicorée. La betterave fourragère fait office de concentré, complétant les rations à base d’herbe ou de maïs ensilage, en se substituant au maïs grain et aux céréales. La betterave fourragère fournit l’UF la moins chère rendue à l’auge ». A l’heure où le prix de l’aliment connaît une inflation vertigineuse, la betterave fourragère a une carte à jouer. Elle est notamment bienvenue au sein des AOC fromagères proscrivant les fourrages fermentés.

Assurance germinative et climatique

La betterave fourragère n’est pas seulement compétitive, elle est aussi armée pour s’accommoder des soubresauts climatiques. « L’espèce est relativement tolérante aux épisodes de sécheresse et de forte chaleur, poursuit Alexandre Carré. Dans de telles conditions, quand le mais ou l’herbe vont voir leur potentiel irrémédiablement entamé jusqu’à la récolte, la betterave va faire le dos rond et concentrer la matière sèche. Cette propriété explique en partie la réintégration de l’espèce dans les assolements ».

Malgré sa confidentialité, les semenciers n’ont pas désinvesti dans la recherche, comme en témoigne la mise en œuvre du procédé d’activation des semences, bien connu en betteraves sucrières, et en en voie de généralisation en fourragères. « L’activation des semences permet d’accroître la vitesse de germination et d’obtenir une meilleure homogénéité de la levée, explique Alexandre Carré. Elle peut être mise à profit pour semer plus tôt et viser un rendement supérieur. Elle permet aussi de réduire les attaques de ravageurs et de faciliter le désherbage ».

En 2021, trois doses sur quatre étaient commercialisées avec cette forme d’assurance germinative, engendrant un surcoût d’environ 30 €/ha. En 2022, les semences activées seront privilégiées dans le réseau d’essais où pas moins de 24 variétés sont référencées.

La distribution est entièrement mécanisable mais les variétés comptant moins de 16% de matière sèche peuvent être distribuées entières et même pâturées
La distribution est entièrement mécanisable mais les variétés comptant moins de 16% de matière sèche peuvent être distribuées entières et même pâturées

Le hiatus de l’arrachage

A plan géographique, la betterave fourragère n’a aucun interdit, y compris dans les zones de montagnes. Seule la présence de cailloux peut s’avérer dissuasive. Le facteur limitant réside dans la mécanisation, l’investissement dans une arracheuse étant rédhibitoire. La culture doit donc son salut à l’investissement en Cuma ou au recours à l’entreprise, des options plus facilement accessibles dans les bassins historiques mais pas exclusivement, l’ADBFM citant le cas d’un Cuma aveyronnaise totalement novice en la matière.

La distribution est entièrement mécanisable. Les variétés comptant moins de 16% de matière sèche peuvent être distribuées entières et même pâturées. L’offre de variétés est en effet segmentée en trois classes, les plus de 18% devant être distribuées en morceaux, un choix aussi recommandé pour les 16-18%.