Nouveaux fourrages (4/4) : « La betterave fourragère, un retour gagnant »

Éleveur laitier à Chermisey (Vosges), Christophe Andrieux a réintroduit la betterave fourragère dans son assolement, non sans bénéfices quantitatifs et qualitatifs, auxquels s’ajoute la résilience climatique. Également entrepreneur de travaux agricoles, l’éleveur assure l’arrachage d’une centaine d’hectares au service d’une quinzaine d’éleveurs des Vosges et de la Meuse.

« Quelques décennies en arrière, la betterave fourragère, il y en avait un peu partout en Lorraine, souligne Lionel Vivenot, technicien laitier à l’Union laitière de la Meuse. Puis le maïs est arrivé et la productivité de la culture, associée à la mécanisation, a fait péricliter la betterave, qui à l’époque était très peu mécanisée dans notre région ». La mécanisation, c’est justement l’une des cordes de Christophe Andrieux, à la fois éleveur de vaches laitières et entrepreneur de travaux agricoles. En 2019, lorsque la réflexion autour de la réintroduction de la betterave fourragère a été lancée par la coopérative laitière, l’éleveur a manifesté son double intérêt d’éleveur et d’entrepreneur. « J’ai investi dans une première automotrice d’occasion que je suis allée chercher dans le Puy-de-Dôme, où la production de betterave sucrière s’arrêtait, explique Christophe Andrieux. J’en ai acheté une seconde par la suite ».

Éleveurs et entrepreneurs, Christophe et Kévin Andrieux sont très investis dans l’ensilage d’herbe et de maïs
Éleveurs et entrepreneurs, Christophe et Kévin Andrieux sont très investis dans l’ensilage d’herbe et de maïs

L’AOP Brie de Meaux élément déclencheur

En 2019, l’éleveur-entrepreneur intègre le groupe de réflexion que vient de constituer la coopérative laitière autour de la betterave. « L’idée de départ est émise par l’un de nos adhérents, qui produit du lait destiné à la fabrication de l’AOP Brie de Meaux, explique Lionel Vivenot. Le cahier des charges impose 20 ares de pâture par vache pendant 150 jours sinon l’apport quotidien de 2 kilos de matière sèche de betterave ou de pulpe de betterave. Sans pâture possible, l’éleveur achetait son contingent à l’extérieur et s’est posé la question d’autoproduire la betterave ». Dès le départ, un peu moins d’une dizaine d’éleveurs intègre le groupe de réflexion avant de réaliser les premières implantations, à raison d’une moyenne de 4 ha par élevage.

"L’avantage de la betterave, c’est que vous pouvez miser sur 1 à 1,2 UFL par kilo de matière sèche en toutes conditions"

La coopérative et ses conseillers assurent le suivi technique, non sans s’appuyer sur l’un de ses adhérents qui n’a jamais lâché l’espèce. Les résultats agronomiques et zootechniques s’avèrent probants. « Au plan quantitatif, la fourchette des rendements oscille entre 30 t/ha et 100 t/ha de produit brut, soit exactement l’amplitude observée par l’éleveur en question, relate le technicien. Mais quand la betterave produit 20 t/ha, soit environ 5 t/ha de matière sèche, le maïs ensilage produit lui aussi 5 t/ha de matière sèche mais le plus souvent sans les épis et donc sans la valeur alimentaire. L’avantage de la betterave, c’est que vous pouvez miser sur 1 à 1,2 UFL par kilo de matière sèche en toutes conditions, quel que soit le rendement ».

Avec de l’herbe à profusion cette année, le Gaec de l’Elan valorise sa boudineuse
Avec de l’herbe à profusion cette année, le Gaec de l’Elan valorise sa boudineuse

Pour sa part, Christophe Andrieux note des effets bénéfiques sur la santé de son troupeau, pas forcément quantifiables. Mais des bénéfices plus palpables se font jour. « D’après des essais menés en collaboration avec le semencier KWS, la distribution de betterave induit une valorisation supplémentaire de 30 euros pour 1000 litres », indique-t-il.

La betterave fourragère permet de valoriser les pluies de fin d’été et offre une certaine souplesse de récolte sur une plage de deux mois
La betterave fourragère permet de valoriser les pluies de fin d’été et offre une certaine souplesse de récolte sur une plage de deux mois

Intégrée dans le cycle cultural et le cycle de l’eau

Au plan agronomique, les éleveurs sélectionnent les parcelles si possible indemnes de cailloux et sans dévers de façon à faciliter la récolte. Celle-ci a le double avantage d’advenir après celle du maïs et de pouvoir s’étaler jusqu’au début du mois de décembre. « Au plan climatique, la betterave est très intéressante car la culture valorise les orages qui peuvent survenir au mois d’août et les pluies d’automne, explique Lionel Vivenot. En revanche, la conservation ne peut guère dépasser le mois d’avril. Pour tenter d’élargir la plage, nous allons mener des essais d’ensilage réalisés à compter du mois d’avril ».

Au niveau de la distribution, les betteraves sont intégrées dans les mélangeuses ou distribuées à l’auge, moyennant un hachage préalable. « Tant qu’il reste un morceau de betterave à l’auge, les vaches peuvent être dissuadées d’aller se faire traire dans les élevages robotisés », constate Lionel Vivenot. Christophe Andrieux confirme : « la betterave, les vaches en sont folles ».

L’appétence de la betterave est telle que les vaches peuvent bouger le robot tant qu’il en reste un morceau à l’auge
L’appétence de la betterave est telle que les vaches peuvent bouger le robot tant qu’il en reste un morceau à l’auge