La Cour des comptes fait la leçon au gouvernement sur la bio

Outre la faiblesse des soutiens financiers, l’instance alerte les pouvoirs publics sur le manque de communication relatif aux impacts bénéfiques de la bio et sur l’illisibilité des labels, égratignant au passage la HVE. Elle formule 12 recommandations pour atteindre l’objectif national de 18% en 2027 et de 25% au plan européen en 2030.

« Depuis 2010, les programmes d’action successifs n’ont pas permis d’atteindre les objectifs de 15% des terres agricoles en bio et de 20% de bio dans les cantines publiques en 2022 (...). Les aides de la Politique agricole commune que la France consacre à l’agriculture bio ne sont pas à la hauteur des objectifs qu’elle s’est fixés (...). En 2017, l’aide au maintien en agriculture bio a été supprimée, alors qu’elle rémunérait les services environnementaux de ces exploitations (...). Le soutien aux industries agroalimentaires bio et la recherche et développement en agriculture biologique sont insuffisants ». C’est un petit réquisitoire en bonne et due forme que vient de formuler la Cour des comptes dans un rapport publié le 30 juin.

"Le développement de l’agriculture biologique est le meilleur moyen de réussir la transition agro-environnementale"

Et si ses prérogatives sont celles de la (bonne) gestion des comptes publics, la Cour des comptes ne s’interdit pas de faire une petite leçon d’agroécologie au gouvernement, lui rappelant, après une revue détaillée de la littérature scientifique, « les bénéfices de l’agriculture bio notamment en termes de santé et d’environnement », observant que  « le développement de l’agriculture biologique est le meilleur moyen de réussir la transition agro-environnementale et d’entrainer les exploitations agricoles dites conventionnelles vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement ».

Le PSN pas dans les clous, le HVE éreintée

Selon l’Agence bio, l’AB a franchi le cap des 10% de SAU en 2021. Pour mémoire, le Programme Ambition Bio 2022, établi 2018, fixe à 15% le taux de SAU bio cette année. Le Plan stratégique national (PNS) fixe l’objectif à 18% en 2027. Et à ce propos, la Cour des comptes estime que « le décalage entre moyens et ambitions ne pourra pas se résorber dans la prochaine Pac à partir de 2023 si la France maintient le projet actuel de plan stratégique national ». Elle rejoint ainsi le Haut conseil sur le climat, qui vient de formuler un verdict similaire à propos cette fois de la transition climatique dévolue à l’agriculture, au plan des émissions de gaz à effet de serre et de la séquestration de carbone.

Au-delà des moyens, la Cour des comptes alerte les pouvoirs publics sur le « manque de communication relatif aux impacts bénéfiques du bio », et surtout sur « l’illisibilité des labels qui contribue à la baisse des achats d’aliments bio en 2021 face à la concurrence croissante de labels "verts" moins exigeants, comme la mention valorisante Haute valeur environnementale ». La juridiction juge la HVE  « peu exigeante en matière environnementale », tout en étant soutenue par le ministère de l’Agriculture au même niveau que l’agriculture bio.

La Cour des comptes ne se contente pas de faire la leçon. Elle fait aussi des recommandations, au nombre de 12, balisant trois orientations.

Orientation n°1 : éclairer les citoyens et les consommateurs sur l’impact environnemental et sanitaire de la

1. Rehausser fortement le niveau d’exigence du cahier des charges applicable à la certification environnementale, notamment pour la mention Haute valeur environnementale (HVE) et proportionner le niveau des aides en fonction des bénéfices environnementaux des divers labels et certifications

2. Établir un plan interministériel de communication grand public sur les bénéfices de l’agriculture biologique, en s’appuyant

sur des évaluations scientifiques de son impact sanitaire et environnemental

3. Valoriser tous les bénéfices de l’agriculture biologique dans la méthode de calcul du futur affichage environnemental sur les produits alimentaires

4. Corriger et enrichir l’appareil statistique public, de manière à mesurer l’atteinte des objectifs fixés en matière d’agriculture biologique et comparer les différents modes de production agricole

 5. Adopter un dispositif interminis- tériel de suivi permettant d’évaluer l’impact environnemental et de santé publique des mesures de la PAC mises en œuvre

Orientation n°2 : réorienter les soutiens publics à l’agriculture au profit de la filière bio

6. Pour la mise en œuvre de la future PAC, instaurer une rémunération pour services environnementaux de l’agriculture biologique dans le cadre de l’écorégime et renforcer les mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec)

7. Renforcer les moyens de la recherche et de l’innovation en agriculture biologique et en assurer la diffusion des résultats

8. Conforter le rôle de coordination de l’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab), en renforçant ses moyens, notamment par une mobilisation financière sensiblement accrue des interprofessions agricoles

9. Conforter et élargir les missions de l’Agence Bio, et lui donner les moyens financiers et humains correspondants par une mobilisation financière sensiblement accrue des interprofessions agricoles et par l’accroissement des subventions pour charges de service public

10. Appliquer rapidement à l’agriculture biologique la loi Egalim 2 et en particulier, inciter à la contractualisation entre producteurs, transformateurs et distributeurs

Orientation n°3 : favoriser la création de valeur au sein de la filière issue de l’agriculture biologique

11. Pérenniser le Fonds Avenir Bio à hauteur d’au moins 15 M€ par an et examiner la création, auprès de BPI France, d’un fonds d’investissement pour les industries agroalimentaires bio et d’un accélérateur au profit des PME agroalimentaires biologiques

12. Lancer, sous l’égide de France Stratégie, une mission prospective sur la contribution de l’agriculture biologique à l’autonomie agroalimentaire française et européenne, ainsi que sur les moyens de la renforcer