La douceur amère de l’envolée des prix du sucre

[Edito] Malgré les prix du sucre élevés, les surfaces de betteraves continuent de diminuer en France et repassent sous leur niveau d’avant-quota. La campagne 2023 sera cruciale pour la filière.

Après des années de crises consécutives à la fin des quotas sucriers, marquées par des prix bas, des fermetures d’usines et une baisse de la production européenne, il est arrivé ce qui devait arriver en vertu de la loi de l’offre et de la demande : les prix du sucre ont fini par remonter. Et pas qu’un peu ! En Europe, les cours du sucre n’ont cessé de grimper en flèche depuis plusieurs mois et ont atteint un record en février 2023 à plus de 800€/t. Et sur le marché mondial, les prix sont au plus haut depuis 11 ans, en raison non seulement des perspectives de production mitigées en Europe et aux Etats-Unis, mais aussi de la baisse de production dans des pays majeurs comme l'Inde, la Thaïlande, la Chine.

Cette envolée des prix a permis aux groupes sucriers français de proposer des prix payés au betteraviers nettement plus élevés que les années précédentes. La tonne de betteraves sera ainsi achetée 45 euros par Cristal Union en 2023, contre un peu plus de 40 euros en 2022, et moins de 30 euros en 2021. Une façon pour les industriels d’inciter les agriculteurs à continuer de produire. Mais cela suffira-t-il à limiter la désaffection pour cette culture ?

Malgré les prix élevés annoncés, malgré une moindre concurrence des autres cultures de printemps, comme le colza, dont les cours ont nettement diminué par rapport à l’an passé, les surfaces betteravières françaises poursuivent leur baisse.

Pour cette saison 2023, les surfaces de betteraves industrielles passeraient pour la première fois depuis la fin des quotas sous le seuil des 400.000 hectares. La sole betteravière française a perdu plus de 100.000 hectares depuis 2017. L’interdiction des semences traitées aux néonicotinoïdes entraine craintes et incertitudes pour la filière. Un nouvel épisode de jaunisse comme en 2020, où les rendements avaient chuté de 25% en moyenne, découragerait de nouveau un certain nombre de planteurs pour les années à venir.

Cette campagne sera donc cruciale pour une filière créatrice d’emplois, qui contribue positivement à la balance commerciale française, qui assure un rôle clé dans les rotations des cultures et qui offre des débouchés pour l’alimentation humaine (sucre), l’alimentation du bétail (pulpes), l’énergie (bioéthanol) et accessoirement les gels hydroalcooliques : un exemple de contribution aux enjeux de souveraineté alimentaire et énergétique du pays.