La FNSEA aborde 2023 en mode « positif »

Sans sous-estimer les défis alimentaire, énergétique et climatique, ou encore les coups de butoir de la grande distribution contre la loi Egalim, la FNSEA entend maintenir un « récit positif », avec dans son viseur l’enjeu « énorme » du renouvellement et la nécessité d’attirer des « bras, des cerveaux et des chefs d’entreprise ».

Tout en actant le fait que « la planète est en effervescence » sur de nombreux théâtres tels que l’Ukraine, l’Iran ou encore le Brésil, la FNSEA affiche néanmoins un positionnement « positif » à l’orée de la nouvelle année. Finie la dénonciation de l’agribashing donc. « Il y a des places à prendre en agriculture, il y a de belles exploitations agricoles à reprendre, des exploitations développées et d’autres à développer pour des profils d’agriculteurs différents », a déclaré sa présidente Christiane Lambert à l’occasion de sa conférence de presse de rentrée le 11 janvier.

"On veut ouvrir les portes et les fenêtres à tous les profils dès lors qu’il y a des compétences, des projets économiques construits et raisonnés, intégrés dans les filières et dans les territoires"

Il faut dire qu’une partie de l’agenda agricole 2023 devrait, sauf cataclysme climatique ou géopolitique, faire une large part à la problématique du renouvellement des générations, que le gouvernement a décidé d’embrasser avec un pacte et une loi d’orientation agricole finalisés d’ici à l’été. « Le visage de l’agriculture dans 20 ans se dessine aujourd’hui avec des décisions pour faciliter la transmission des exploitations, a dit Christiane Lambert. On veut ouvrir les portes et les fenêtres à tous les profils dès lors qu’il y a des compétences, des projets économiques construits et raisonnés, intégrés dans les filières et dans les territoires ».

Pour la FNSEA, il s’agit d’abord d’assurer la transmission des exploitations existantes pour maintenir les volumes de productions, les outils de transformation et préserver la souveraineté alimentaire. « Il n’est pas question de régresser en volume face à des produits entrants qui ne sont pas aussi qualitatifs, pas sanitairement irréprochables, pas bien-être animal ». S’agissant de la transmission-installation, la FNSEA fixera son propre cap dans le rapport d’orientation du prochain congrès (29-31 mars à Angers), dont le titre (provisoire) est : « Entreprendre en agriculture, notre projet, notre futur ».

"Le lundi, on nous dit qu’il faut installer des jeunes et qu’il faut pour cela de l’attractivité et du revenu, et en fin de semaine, on nous explique que l’alimentation est trop chère "

D’ici là, le syndicat va mener bataille sur le front de la rémunération, un élément clé de l’attractivité, avec notamment la ferme intention de préserver deux volets de la loi Egalim d’octobre 2018, à savoir le seuil de revente à perte et le plafonnement des promotions, dont l’expérimentation s’achève le 15 avril prochain, et que la grande distribution est prête à « trucider ». Non seulement le FNSEA se battra contre le « détricotage » de la loi Egalim 1 mais elle soutiendra en prime une proposition de loi du député Frédéric Descrozaille (LREM), à l’origine de la loi sur la gestion des risques climatiques, une sorte de loi Egalim 3 où les prix demandés par les industriels s’imposeraient au terme des négociations commerciales à défaut d’accord.

« Le lundi, on nous dit qu’il faut installer des jeunes et qu’il faut pour cela de l’attractivité et du revenu, et en fin de semaine, on nous explique que l’alimentation est trop chère », dénonce Christiane Lambert, pour qui les 2,5 à 3 millions de personnes en précarité alimentaire servent « d’alibi » aux distributeurs, la FNSEA n’ayant pas renoncé à son idée de chèque alimentaire pour rembarrer la grande distribution.

"La hausse des revenus agricoles deux années successives ne fait que ramener le niveau à celui de 1980"

Elle estime que si les deux années écoulées ont permis d’en finir avec la déflation des produits alimentaires, tout en relativisant l'impact de la hausse des prix. « L'inflation à deux chiffres ne porte jamais que sur 13% du budget des ménages tandis que la hausse des revenus agricoles deux années successives ne fait que ramener le niveau à celui de 1980, avec des disparités très différentes d’une production à l’autre ». La crise de la bio « interroge » aussi le syndicat qui estime qu’il faut donner des « garanties » aux producteurs. Elle invite aussi les agriculteurs à se pencher sur le dernier dispositif gouvernemental, à savoir le plafonnement des contrats signés au second semestre 2022, destiné à amortir les factures énergétiques.

Quant aux futurs retraités, ils devraient pouvoir miser sur une revalorisation de leur pension liée à la prise en compte des 25 meilleures années, contre un calcul basé sur l’intégralité de leur carrière aujourd’hui, sous réserve que le Sénat entérine fin janvier le vote acquis à l’Assemblée nationale. Entre 250 et 300 euros par mois sont en jeu, selon le syndicat, pleinement satisfait.

L’an 1 des Paiements pour services environnementaux

Sur le front économique toujours, la FNSEA se félicite des avancées enregistrées en matière de Paiements pour services environnementaux (PSE), avec les crédits carbone et les crédit biodiversité, promus respectivement par France carbone agri association (FCAA) et Epiterre, deux entités associant différentes OPA. En ce qui concerne le carbone, un troisième appel à projet a conquis 1800 agriculteurs et l’engagement financier d’Air France (pour ses vols intérieurs) et des deux centrales à charbon encore actives en France à compenser leurs émissions avec des crédits « made in France ». Après l’élevage et les grandes cultures, la vigne devrait bénéficier de sa méthode labellisée bas carbone (LBC) d’ici à la fin de l’année. Côté biodiversité, c’est une cinquantaine d’agriculteurs qui devraient profiter d’une retombée comprise entre 2000 et 4000 euros de PSE conclus avec des entreprises comme Kering, Orange ou encore Nestlé.

« Ne pas rejouer le match du Varenne »

A la manœuvre depuis bien longtemps sur gestion des risques climatiques, la FNSEA loue l’entrée en vigueur du nouveau dispositif dans des délais particulièrement contraints, notamment sous l’effet de la séquence électorale du printemps 2022, tout en regrettant le report de l’instauration du guichet unique et du pool d’assurance, sur lequel repose en partie la viabilité du système. « Nous lançons un appel à la souscription du système assurantiel complété par la solidarité nationale », a déclaré Jérôme Despey, secrétaire général.

Concernant un autre volet du Varenne de l’eau, portant sur la création de ressources en eau, la FNSEA s’est félicitée du fait que le ministère de l’Agriculture ait acté le fait que « l’on ne rejouerait pas le match ». Face au procès en immobilisme, le FNSEA vante au contraire les facultés d’adaptation des agriculteurs, avec comme signe tangible la prééminence données aux cultures d’hiver dans les assolements en cours, moins sensibles au sec que le maïs ou encore les orges de printemps.