S’installer sans le risque économique avec une coopérative de portage

En Anjou, Thomas Vauthier prévoit d’officialiser son installation le 1er janvier 2024. Pour autant, il est déjà à pied d’œuvre avec son troupeau dans les prairies de Gennes-Val-de-Loire depuis plusieurs mois. Cette période préparatoire en amont de son installation, il a pu la réaliser grâce au soutien de la Ciap du Maine-et-Loire.

Bâton à la main et chaussures de marche aux pieds, Thomas Vauthier surveille les boiteries sur son troupeau de 75 brebis solognotes. Les animaux, achetés en Indre-et-Loire et sur l’Ile d’Oléron, sont récemment arrivés sur ses parcelles de Gennes-Val-de-Loire, au cœur de l’Anjou. En fait de parcelles, il ne s’agit pas vraiment des siennes. Ce sont des friches et espaces naturels mis à la disposition de son système pastoral et entretenus par ses brebis. Le troupeau n’est pas encore vraiment le sien non plus. Pas encore du moins… Le jeune éleveur a en effet choisi un parcours à l’installation atypique. Il s’est appuyé sur la Coopérative d’installation en agriculture paysanne (Ciap) du Maine-et-Loire. Cette structure, qui se décline dans chaque département des Pays de Loire, propose un système de portage aux candidats à l’installation. Concrètement, cela veut dire que l’activité agricole de son exploitation est supportée par la Ciap, que ce soit sur le plan juridique, administratif ou fiscal. La structure lui a également octroyé une avance de financement de 40.000 euros afin de lui permettre de démarrer son activité. La somme est destinée aux deux tiers à l’investissement et pour le restant à constituer une trésorerie. « À la fin de mon parcours, la Ciap m’adressera une facture par laquelle je pourrais racheter l’ensemble de l’activité », explique Thomas Vauthier.

Thomas Vauthier avec son troupeau sur une parcelle voisine de son exploitation (© TD)

Une commission couperet

Pour autant, la somme n’est pas accordée avec un blanc-seing. Le jeune homme a dû au préalable présenter son projet, assorti d’un budget de trésorerie et d’un plan de financement sur trois ans, à un comité d’engagement. Celui-ci décide de la validation ou non du portage par la Ciap. « Que le projet soit accepté ou pas, le comité adresse des points de vigilance au candidat. Pour ma part, ils ont pointé du doigt le trop peu de temps prévu pour la commercialisation », évoque-t-il.

L’objectif de ce dispositif est de permettre à des jeunes de s’installer, souvent en hors cadre familial, sans la pression financière. « Le portage peut se dérouler sur une période pouvant aller jusqu’à 3 ans. Pour ma part, il devrait durer moins d’un an. J’ai déjà eu plusieurs années pour mûrir mon projet au préalable. J’ai démarré le portage en juillet dernier et j’aimerais m’installer définitivement le 1er janvier 2024 », assure-t-il.

Un parcours à étape

Détenteur d’une licence d’histoire, le jeune vendéen s’est d’abord tourné vers une formation BPREA, option petits ruminants, pour entamer sa reconversion professionnelle. « C’était en 2018-2019 à la chambre d’agriculture de Loire-Atlantique. À l’époque, je m’intéressais plutôt à l’activité brebis laitière et à la transformation du fromage », se souvient-il. Après plusieurs expériences salariées sur ce type d’exploitation, le projet change. « J’aime beaucoup la traite, mais la transformation du fromage, enfermé dans un laboratoire, ce n’est pas mon truc », se rend-t-il compte. C’est alors qu’il découvre la Ciap et ses nombreuses opportunités. Parmi elles : le stage paysan créatif. Cette démarche consiste à réaliser des stages chez plusieurs exploitants référents de la Ciap afin de se familiariser avec un territoire et une activité. « Deux de mes référents sont installés en brebis allaitantes, en système pastoralisme. J’avais déjà découvert cette activité en woofing et le stage paysan créatif m’a confirmé que c’était exactement ce que je voulais faire », rapporte Thomas Vauthier.

A gauche, Erwan Guillou, lui aussi en système ovin pastoral, est le référent principal de Thomas Vauthier au sein de la Ciap. (© TD)

En plus de ces référents techniques, il réalise également des journées de stages chez des référents territoires. Ces personnes ressources lui ont permis de prendre contact avec les acteurs agricoles de la zone, indispensable à son installation. « Pour un profil comme le mien qui n’est ni du secteur géographique, ni issu du monde agricole, c’était une étape indispensable. Avec le recul, je me rends compte que je n’aurais pas pu m’installer sans le stage paysan créatif de la Ciap », assure le jeune agriculteur.

Lorsqu'il atteindra son rythme de croisière avec un troupeau comprenant entre 130 et 150 brebis, Thomas Vauthier prévoit la commercialisation d'une centaine d'agneaux en caissette auprès des particuliers et une trentaine via une coopérative. Il aimerait également commercialiser des animaux reproducteurs. Pour ce faire, il a commencé les démarches auprès de l'organisme Géode afin que son troupeau soit reconnu comme ayant les caractéristiques de la race Solognote. Son plan d'installation prévoit également qu'une part du chiffre d'affaire, se situant entre 15 et 20%, soit réalisée via la prestation de service d'entretien des vignobles avec son troupeau pendant l'hiver.

Le jeune éleveur a choisi la race Solognote pour sa rusticité et sa capacité à s’adapter aux fourrages présents sur les friches. (© TD)

Un système pastoral rare en Anjou

« Ce qui m’a attiré en Anjou, c’est l’abondance des friches », explique Thomas Vauthier. Le principe de son installation repose sur un niveau de charges le plus bas possible. « Mon système en pastoralisme repose sur le triptyque : un bon chien/un bon parc de tri/une bonne bétaillère », assure-t-il. Pour le reste, il s’est simplement équipé du matériel de débroussaillage et des filets et clôtures électriques pour réaliser ses parcs.

Au fil de l’année, ses brebis arpentent les prairies des bords de Loire du conservatoire des espaces naturels, les friches agricoles de sa commune, la forêt de Milly gérée par l’ONF ou encore les vignobles angevins dont le pâturage permet la gestion de l’enherbement durant l’hiver.