Label bas carbone : des couverts végétaux à toutes les sauces

[Reportage] Par la biomasse qu’ils génèrent, les couverts végétaux représentent un levier intéressant de stockage du carbone dans le sol. À ce titre, ils sont comptabilisés dans la méthode grandes cultures du Label Bas Carbone. Dans le cadre de son engagement prochain dans la démarche, Grégory Chauvin veut maximiser le rôle de ses intercultures en passant l’étape du couvert végétal permanent.

Depuis 20 ans, l’exploitation de Grégory Chauvin, à Louresse-Rochemenier dans le Maine-et-Loire, est en agriculture de conservation de sol (ACS). « À l’époque, quand mon père a arrêté la charrue, c’était plutôt le terme non-labour qui était utilisé », sourit-il. Lui-même a repris l’exploitation en 2020. Rapidement, il s’intéresse au Label Bas Carbone qui permettrait de valoriser économiquement les pratiques en usage sur l’exploitation, et notamment l’implantation massive de couverts végétaux. « Comme je faisais partie d’un groupe local sur l’ACS, j’ai été contacté par la Chambre d’agriculture pour entrer dans la démarche du Label bas carbone. J’ai donné mon accord dans l’idée de dépoussiérer le sujet. Jusque-là, tout le monde en parlait, mais j’avais du mal à voir concrètement de quoi il s’agissait », se souvient Grégory Chauvin. Il réalise donc un diagnostic pré-projet avec un conseiller de la Chambre sur les leviers de réduction des gaz à effet de serre, notamment sur l’utilisation d’engrais minéraux et de carburant fossile, mais aussi sur la capacité de stockage du carbone dans le sol par ses pratiques. « C’est très intéressant comme approche sur le système cultural de l’exploitation et pour se remettre en question soi-même. Par contre, sur l’aspect économique, cela représente un petit plus mais ce n’est pas intéressant de changer de pratique uniquement pour ça », reconnaît-il.

Le levier des couverts végétaux

Pour réduire ses émissions de CO2, Grégory Chauvin s’appuie notamment sur le levier des couverts végétaux. En les implantant massivement entre ses cultures, il restitue de la biomasse au sol et permet ainsi de stocker du carbone. À l’échelle nationale, la méthode grandes cultures du label bas carbone chiffre à 126 kg de carbone par hectare et par an (kgC/ha/an) le stockage permis par l’implantation de couverts végétaux, soit 462 kgeqCO2/ha/an. Plus précisément, la pratique qui consiste à intégrer les couverts végétaux dans le sol représente un stockage de 174 kgC/ha/an. « L’idée est vraiment d’en intégrer un maximum. La rotation peut être pensée dans ce sens. Un blé suivi d’un maïs avec une interculture, peut devenir une rotation avec deux blés successifs et deux maïs successifs. Il est ainsi possible d’implanter un couvert d’été entre les deux blés, un couvert long entre le blé et le maïs et une féverole entre les deux maïs », illustre Alexandre Hatet, conseiller de la Chambre d’agriculture des Pays de la Loire.

Chez Grégory Chauvin, les couverts végétaux sont implantés le lendemain de la moisson. « Je sème un mélange de moutarde, avoine et pois fourrager », décrit-il. Le couvert est broyé une première fois en septembre avant que l’exploitant ne réimplante un second mélange de féverole, phacélie, avoine et pois fourrager. Le couvert est ensuite détruit une semaine avant le semis du maïs ou du tournesol. « Cette année, j’ai même semé du maïs dans 1m50 de féverole que j’ai roulé le lendemain. J’ai obtenu de bons résultats sur cette parcelle grâce à la pluie qui est tombée deux jours plus tard », rapporte le céréalier.

Dans cette parcelle, Grégory Chauvin a tenté d'implanter son couvert long en août plutôt qu'en septembre. Le développement a été impacté par le manque d'eau au démarrage (crédits photo : TD)

Le défi du couvert permanent

Pour Grégory Chauvin, l’étape suivante est le couvert permanent. « J’ai implanté deux parcelles de colza il y a deux ans avec de la luzerne. Elle a été broyée trois fois dans l’été avec les repousses de colza. J’ai réussi à la maintenir dans le blé dur qui a suivi, en la calmant assez pour qu’elle ne dépasse jamais la culture », décrit l’agriculteur. Pour maintenir une couverture suffisante jusqu’au semis de maïs au printemps, il a réalisé cette année un sur-semis de moutarde, avoine et phacélie dans la luzerne. « Je suis parti sur une dose de 5 kg/an de luzerne, mais avec le recul je pense que ce n’est pas assez. J’ai essayé cette année avec 10 kg/ha, toujours associé à du colza », précise-t-il. À terme, l’exploitant envisage d’implanter 50% de son exploitation avec un couvert permanent.

De son point de vue de conseiller, Alexandre Hatet confirme que le semis direct dans un couvert permanent représente la meilleure méthode pour maximiser la production de biomasse et donc le stockage de carbone dans le sol. Toutefois il met en garde : « Le couvert permanent demande de la technicité car il y a deux cultures à désherber. Les programmes de désherbages classiques ne fonctionnent plus. Pour se lancer, il faut un sol qui fonctionne bien et surtout la capacité de s’adapter en fonction des années ». Avant d’atteindre cette étape, le conseiller incite à réaliser des systèmes culturaux plus simples. « Il est possible de commencer par un colza associé à une légumineuse et s’en servir comme couvert jusqu’à la culture suivante », assure-t-il.

Le couvert de luzerne se fait plus discret en hiver dans le colza (crédits photo : TD)

France Carbon Agri mutualise les labellisations et valorise les projets

En France, plusieurs mandataires portent les projets de labélisation carbone des agriculteurs. Avec ses 13 actionnaires issus de l’écosystème agricole, France Carbon Agri est l’un d’eux. La structure travaille avec des Chambres d’agriculture et des fédérations syndicales départementales qui sont les développeurs de projet au contact direct des agriculteurs. Via un premier appel à projet déposé à labellisation en octobre dernier, France Carbon Agri a accompagné 94 exploitations agricoles sur la méthode grandes cultures. Un second appel à projet notifié en août pourrait concerner près de 140 exploitations pour 22000 hectares.