Le blé dur rattrapé par des enjeux de souveraineté

Tout en demeurant largement excédentaire, la production française de blé dur se réduit d’année en année, fragilisant la filière et risquant de creuser le déficit commercial en semoule et pâtes alimentaires. Un Plan de souveraineté est sur la table.

Où et quand va s’arrêter la descente du blé dur français ? Après un plus haut à 500.000 ha en 2010, la sole s’est établie à 229.000ha en 2023, en retrait de -6,5% sur un an et de -13,7% sur 5 ans, un seuil qui n’avait pas été atteint depuis des décennies. Et selon les premières prévisions d’Agreste, les emblavements ont encore reculé de -8,6% à l’automne dernier, pour pointer à 210.000ha.

Une espèce exigeante et capricieuse

Les facteurs de vulnérabilité du blé dur sont connus : l’espèce est climatiquement capricieuse (comparativement au blé tendre) et offre un débouché unique (la semoule transformée ou pas en pâtes), aux exigences sanitaires et technologiques fortes (mitadinage, moucheture, indice de jaune...) que la sélection génétique et le plus scrupuleux des itinéraires techniques peinent à sécuriser, le tout sur fond de soutien à géométrie variable de la Pac (environ 61€/ha dans la programmation 2023-2027) et d’une production canadienne qui fait la pluie et le beau temps sur le marché, sans compter le grain de sel de géopolitique (guerre en Ukraine) pesant sur l’écart de prix entre blé dur et blé tendre.

Un plan souveraineté à 43 millions d’euros

Si la situation est sérieuse, elle n’est pas (encore) grave. En 2023, la production de blé dur s’est établie à 1,2Mt, outrepassant largement les besoins des quatre semouleries et six usines de pâtes présentes en France, estimés à 576.800t, selon le Syndicat des industriels fabricants de pâtes alimentaires de France (SIFPAF) et le Comité français de la semoulerie industrielle (CFSI), le solde étant exporté. Cependant, la trajectoire baissière est une réelle source d’inquiétude pour la filière, tant pour les courants d’affaires à l’export que pour les outils industriels présents sur le territoire.

Selon les syndicats précités, les importations de pâtes et de semoule représentaient respectivement 65% et 39% de la consommation en 2023. Une situation qui n’est pas sans rappeler celle des pommes de terre, que nous produisons allègrement, et des frites, que nous importons tout aussi allègrement.

Au Salon de l’agriculture, le ministère de l’Agriculture a signé la proposition de Plan de souveraineté blé dur porté par la filière et par lntercéréales, prévu sur une durée initiale de 5 ans, avec un montant de 43 M€, dont une part État susceptible d’y être consacrée estimée à 11 M€.

Les objectifs du Plan de souveraineté blé dur

→ enrayer le déclin constaté, développer les surfaces et les volumes produits, notamment par la recherche sur les questions génétiques et agronomiques

→ reconquérir des parts de marché pour les pâtes afin d'arriver à 45 % de parts de marché d’ici 2033 (soit 1 % / an sur 10 ans), par la valorisation de pâtes issues de filières durables et fabriquées en proximité des bassins de production

→ réduire l’empreinte carbone pour inscrire la filière sur le long terme : -20 % d’émission de GES d’ici à 2030 par rapport à 2015, en accord avec les travaux sur la feuille de route décarbonation

→ sécuriser une partie de la filière en instaurant des contrats entre les différents maillons (producteurs, collecte et industriels) et par la réflexion sur les différents mécanismes assurantiels