« Le label Zéro résidu de pesticides s’installe dans les étals et dans l’esprit des consommateurs »

Lancé il y a bientôt trois ans par le Collectif Nouveaux Champs, le label Zéro résidu de pesticides (ZRP) est le porte-étendard d’une troisième voie entre agriculture bio et conventionnelle. Une ligne de crête ardue, tant au plan technique que pédagogique, mais dont les scores de vente et de notoriété ne cessent de progresser. Le point avec Gilles Bertrandias, président du Collectif et directeur général des Paysans de Rougeline.

Trois ans après le lancement du label, quelle est sa représentativité ?

Gilles Bertrandias : on flirte avec les 100 millions d’unités de vente commercialisées pour un chiffre d’affaires cumulé de 120 millions d’euros, en progression de 20% chaque année. Une soixantaine d’entreprises adhère au Collectif. Le label concerne 36 espèces, en fruits et légumes frais pour l’essentiel, fruits et légumes transformés, céréales et vin. Il cumule 155 références. Le ZRP est présent dans toutes les enseignes de la grande distribution, c’est pour nous une première grande satisfaction. La seconde satisfaction est le gain de notoriété du label ZRP en 2020 avec un « bond » de 13 points, soit 30% selon l’étude Kantar 2020, et la perception positive de la démarche sur son impact environnemental et santé.

Gilles Bertrandias, président du Collectif Nouveaux Champs et directeur général des Paysans de Rougeline.
Gilles Bertrandias, président du Collectif Nouveaux Champs et directeur général des Paysans de Rougeline.

Certaines enseignes sont-elles plus actives que d’autres ?

G.B. : les engagements sont nécessairement variables d’une enseigne à l’autre. Intermarché devance Carrefour et Auchan qui sont les trois enseignes sur le podium des ventes. Intermarché a placé le label ZRP au cœur de sa stratégie de transformation et de sa démarche de progrès. Je peux comprendre que sur certains produits, certaines enseignes privilégient des démarches engagées sur leurs marques de distributeur mais nous travaillons aussi sur des co-branding qui s’appuient sur des convergences autour de la promesse ZRP.

La promesse zéro résidu de pesticides est-elle claire pour les consommateurs ?

G.B. : le ZRP, ce n’est pas du bio, c’est très clair pour les consommateurs. Le label est perçu comme bon pour la santé et pour l’environnement, selon l’étude Kantar 2020. Il est déclencheur d’achat et encore plus en 2020 car l’origine France, garantie depuis toujours, est désormais matérialisée sur le logo avec une mention tricolore. Je ne dirais pas que tous les consommateurs saisissent la finesse de la promesse. C’est fonction de la culture de chacun sur le sujet. Nous devons accentuer notre travail de pédagogie. Pour nous, l’enjeu, c’est d’être totalement transparent et de donner toutes les clés de compréhension.

Le ZRP gêne-t-il l’agriculture biologique aux entournures ?

G.B. : entre le bio et le conventionnel, on essaie de trouver une voie en s’inspirant de ce qui se fait de bien dans les agricultures. L’enjeu de transformation agricole, qui est celui de l’agriculture française et du monde, dépasse les petites querelles. Félicitons-nous si le bio fait 10% et si le ZRP fait entre 5 % ou 10%. Cela signifiera que l’un et l’autre auront fait un sacré pas dans le sens du progrès, avec des méthodes qui peuvent être différentes mais avec aussi des recoupements.

Comment évolue le taux de labellisation des productions engagées en ZRP ?

G.B. : au cours des deux premières années, le taux de produits non conformes, pour souvent un seul résidu, se situait entre 25% et 30%. En 2020, on est tombé à 15%. Dans tous les cas nous ne laissons rien passer, notre plan de contrôle et de surveillance est couteux mais indispensable pour garantir notre promesse. C’est un progrès très significatif à mettre sur le compte de l’expérience des producteurs et des techniciens. Je pense que l’on a encore des marges de progression. Avoir l’ambition du raisonnement de la protection des cultures, c’est bien. Mettre le filet à l’absence de résidus reste un défi.

"La promesse zéro résidu est intenable sans un travail de fond sur l’ensemble des pratiques."

Qu’en est-il des IFT ?

G.B. : comme il n’existe pas des IFT de référence pour toutes les cultures, on se compare à nos références de conduite en mode conventionnel et raisonné. En 2020, sur les 30 espèces concernées, on a enregistré une baisse des IFT de 48%. Plus de 60% des parcelles ont des IFT inférieurs à 5. La réduction des pesticides est significative mais la promesse zéro résidu est intenable sans un travail de fond sur l’ensemble des pratiques.

Outre les résidus dans les denrées, le risque de transfert dans l’environnement vous préoccupe-t-il ?

G.B. : la préoccupation est là mais c’est davantage à travers les démarches HVE que l’on est capable d’agir à ce niveau. Il faut crédibiliser la certification HVE sur ce volet. ZRP et HVE, c’est dans les deux cas des engagements de résultat et des engagements de moyens pour obtenir ces résultats. 54% de nos producteurs sont HVE. Nous visons les 100%.

Ne craignez-vous pas, qu’un jour, une analyse trahisse la promesse et mette à bas toute la démarche ?

G.B. : dès que l’on est porteur d’un engagement, le risque zéro n’existe pas. Nous sommes des gestionnaires de risque, notre méthode est en effet basée sur des analyses de risques... Nous avons pour nous les moyens que l’on met en œuvre au niveau de la production et des contrôles, qui nous coûtent des millions d’euros en analyses. Un risque de contamination externe n’est cependant pas à exclure. C’est pour cette raison que l’on ne vend pas en vrac, ce qui nous coupe une partie du marché.

Quel est au final le bénéfice de la démarche pour les agriculteurs ?

G.B. : le label est très clairement créateur de valeur sur le marché, avec une offre ZRP qui est commercialisée entre 20 et 30% de plus qu’un produit conventionnel comparable. Mais un agriculteur n’engage pas forcément toute sa production en ZRP et toute sa production ZRP engagée n’est pas nécessairement valorisée en ZRP car on produit plus qu’on ne vend, afin d’être certain d’honorer nos engagements et nos contrats vis-à-vis de nos clients. L’un de nos enjeux, c’est d’augmenter nos volumes de vente pour mieux amortir les coûts. Nous sommes encore dans une forme d’investissement dans la démarche avec des producteurs volontaires dans cette transformation agricole. A ce jour, il est donc difficile d’avoir une réponse homogène sur la valeur nette gagnée par le producteur... A titre d’exemple, l’analyse fine pour un producteur de tomate montrait un gain net d’environ 10% pour l’ensemble de sa culture. Ce surplus ne change rien pour la chaine mais à nous producteurs, il nous change la vie. On se bat pour ces 10%.