Le lait bio en mode turbulence

La filière du lait biologique fait face à une crise de surproduction en France. L’offre de produits laitiers biologiques est bien supérieure à la demande, et il semblerait que la tendance à la hausse de la production se maintienne dans les années à venir.

Si, sur le plan environnemental, produire davantage de denrées en agriculture biologique est souhaitable, sur le plan purement économique, cela semble plus périlleux. On a là sans aucun doute un conflit entre la vision environnementale de l’agriculture biologique, et celle qui accorde une sorte de priorité aux résultats économiques des producteurs de biens alimentaires estampillés biologiques.

ECONOMIE AGRICOLE

La production biologique, autrefois considérée comme une niche, pouvait devenir la nouvelle norme, sans que les consommateurs soient encore tout à fait prêts à franchir le pas, ne serait-ce qu’en termes d’accès à des biens alimentaires dont le prix reste élevé comparativement aux biens dits conventionnels. Car la bio n’est accessible que par certaines catégories sociales dotées d’un pouvoir d’achat relativement plus élevé.

LE DÉVELOPPEMENT DE L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE D’HIER À AUJOURD’HUI

Il sera utile dans cette analyse de la crise que connaissent les producteurs de lait bio, de faire retour sur l’affirmation économique, sociale et institutionnelle de l’agriculture biologique. Utile dans la mesure où l’implantation de l’agriculture biologique est emblématique de nouveaux itinéraires techniques adoptés par certains agriculteurs, qui, ce faisant, ont à la fois initié des réponses aux limites du modèle agricole construit après la guerre, et aux premières attentes des consommateurs, lesquels prennent de plus en plus conscience de l’environnement dans leurs actes de consommation, et, plus généralement, qu’ils vivent dans une « société du risque ». L’agriculture biologique va par conséquent et progressivement être porteuse d’un espoir, celui de réconcilier la décision de produire avec la nature. D’une certaine manière, l’agriculture biologique, de par les attentes dont elle fait l’objet, et de par les réponses qu’elle est en mesure d’apporter, traduit la capacité de la société à réfléchir à ce qu’elle veut (des produits agricoles et alimentaires dont les conditions de production ne peuvent être dissociés de l’environnement, de la santé, du goût, des territoires…), et, surtout, sur ce qu’elle ne souhaite plus consommer. On rejoint ici la définition même de l’agriculture biologique, qui se trouve dans le Règlement (CE) 834/2007 de l’Union européenne : « agriculture qui allie les meilleures pratiques environnementales, un haut degré de biodiversité, la préservation des ressources naturelles ». L’agriculture biologique porte en elle la double idée de confiance et d’avenir. On sait que la France est considérée comme un Etat membre pionnier en matière de développement de l’agriculture biologique. C’est en effet à partir des années 1980 que plusieurs agronomes ont, au travers de travaux scientifiques, livré leurs premières interrogations sur les limites du modèle agricole qualifié d’intensif. Surmonter de telles limites a conduit certains de ces agronomes à montrer en quoi la contribution de l’agriculture biologique, pouvait présenter une sorte d’alternative.

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