Le Plan eau ou le défi de la percolation jusqu’à la ferme

[Edito] La sobriété à l’hectare, prônée par le Plan eau, risque de se heurter au barrage socio-économique inhérent à l’évolution des pratiques, à la transformation des assolements et des filières et à la quête d’efficience de l’irrigation.

Une baisse de 10% à 40% des débits moyens annuels des rivières, une réduction des débits d’étiage, une baisse du niveau moyen des nappes phréatiques due à la baisse de la recharge, une réduction significative du manteau neigeux et de la durée d’enneigement, des épisodes extrêmes, tels que les sècheresses et les inondations probablement plus fréquents et intenses, qui fragiliseront les sols par l’érosion et le ruissellement : tel est le futur hydrologique de la France sous l’effet du changement climatique, Un futur proche si l’on en juge les tempêtes et pluies diluviennes qui s’abattent sur le Nord de la France, tandis qu’à l’extrême Sud, les Pyrénées-Orientales s’enfoncent dans l’aridité.

L’eau, une autre exception agricole

Au-delà des précipitations, c'est la hausse de la température et l’assèchement des sols, résultant de la hausse de l'évapotranspiration, qui constitueront l’élément essentiel de l’évolution du cycle hydrologique au cours du 21ème siècle, selon l’étude Explore 2070, laquelle sera actualisée en 2024. Face à une contrainte hydrique qui va s’exacerber dans les années à venir, le gouvernement a lancé en mars dernier le Plan eau, un des chantiers de la Planification écologique. Objectif : réduire les prélèvements d’eau de 10% d’ici à 2030. L’effort de sobriété s’applique à l’ensemble des usages et donc à tous les usagers...  à une exception près, l’agriculture, qui bénéficie d’un régime de faveur, qui n’est pas sans rappeler celui, tout aussi légitime, qui lui est accordé dans un autre chantier de la Planification écologique qu’est la décarbonation.

« Le 0% agricole, ce n’est pas de l’immobilisme »

S’agissant de la ressource hydrique, l’agriculture ne sera pas collectivement assujettie à la réduction des prélèvements de 10% mais, individuellement, à une sobriété hydrique à l’hectare de 10%, moyennant une évolution des pratiques, des assolements et une quête d’efficience de l’irrigation. Cette sobriété sera mise à profit pour irriguer des cultures et/ou des territoires aujourd’hui en mode pluvial. « Le 0% agricole, ce n’est pas de l’immobilisme », a rappelé cette semaine le ministère de l’Agriculture, en marge d’une réunion de travail associant les directeurs des Agences de l’eau et les présidents des comités de bassin de l’ensemble du territoire, chargés de mettre en oeuvre le Plan. Et pourtant, en dépit des moyens financiers dégagés (+475 millions d'euros par an pour les Agences de l’eau, déplafonnement de leurs recettes et dépenses, 30 millions d'euros de fonds hydraulique...) et des leviers réglementaires activés (réutilisation des eaux usées traitées, construction garantie des réserves une fois les recours juridiques purgés...), sans oublier le « signal-prix », avec la hausse de la redevance irrigation (10 millions d'euros), rien ne garantit que le Plan eau soit calibré pour sortir de la vase notre modèle agricole, englué dans le court-termisme.