Plan eau : stocker plus, irriguer plus et mieux et repenser les assolements

Tels sont les grands axes du volet agricole du Plan eau dévoilé par le président de la République sur les berges du lac de Serre-Ponçon (Hautes-Alpes), annonces budgétaires à l’appui, tout en soulignant la primauté des sols sur le stockage de l’eau.

« Il faut être clair, l’eau est indispensable à l’agriculture, elle est donc indispensable à notre souveraineté alimentaire et nous allons avoir plus de surfaces irriguées dans les prochaines années, c’est une évidence ». C’est ce qu’a déclaré Emanuel Macron le 30 mars à Savines-le-Lac (Hautes-Alpes), au bord du lac de Serre-Ponçon, la plus grande réserve d’eau douce d’Europe de l’Ouest. Un lieu emblématique de « gestion intelligente, collective et responsable » de l’eau, a dit le Président, rendant hommage au passage aux « plus vieux habitants » de ce village, qui, il y a 60 ans, a glissé de quelques de dizaines de mètres, pour permettre l’édification du lac et du barrage, au service du « bien commun », au prix de « leur chair, de leurs paysages, de leur intimité ».

Des nouvelles retenues sous trois conditions

Emmanuel Macron ne s’est pas risqué à dire qu’un tel projet serait inimaginable en 2023 mais il s’est cependant très clairement prononcé pour la création de nouvelles infrastructures de stockage d’eau. Mais sous conditions. « Les nouvelles retenues devront d’abord être inscrites dans des projets de territoire concertés, notamment avec les collectivités territoriales et fondées sur des projections scientifiques », a dit le président. Elles devront par ailleurs « avoir plusieurs usages, avec clairement des services pour la biodiversité » mais aussi l’énergie, évoquant les panneaux solaires flottants.

 

"Il ne s’agit pas de privatiser l’eau ou de permettre à certains de se l’accaparer, la règle, c’est bien le partage entre les différents usages"

Enfin, les nouvelles retenues devront être « conditionnées à des changements de pratiques significatifs et individualisés, notamment des économies d’eau, la réduction de pesticides, et donc des schémas de transition agricole ». Sans les nommer expressément, Emmanuel Macron a cité en exemple les réserves de substitution des Deux-Sèvres, qui défraient la chronique. « C’est exactement dans cette logique que les agriculteurs de tout le bassin se sont engagés », a-t-il soutenu à leur endroit. « Il ne s’agit pas de privatiser l’eau ou de permettre à certains de se l’accaparer, la règle, c’est bien le partage entre les différents usages, avec les agriculteurs, avec les nouvelles générations d’agriculteurs qui s’installeront, avec parfois d’autres usages qui peuvent être touristiques ou encore pour les habitants de la commune ».

Irriguer plus... mais pas plus

Les futures retenues auront vocation à soutenir « l’installation des jeunes » et bien entendu à développer l’irrigation, concentrée aujourd’hui sur 6,8% de la SAU, mais là encore avec des garde-fous. « Là où on avait un modèle agricole qui concentrait l’irrigation sur une toute petite partie de nos surfaces agricoles utiles l’irrigation, tout faire pour réduire cette irrigation et étendre les surfaces irriguées, avec des solutions qui doivent être innovantes parce qu’au total on ne doit pas prélever plus (...) Notre souveraineté alimentaire n’est pas négociable et le plan eau pose un principe simple : on doit faire plus d’irrigation avec la même quantité d’eau ». Une enveloppe de 30 millions d’euros soutiendra l’investissement dans des systèmes d’irrigation économes, tel le goutte-à-goutte.

"La priorité est de maximiser la capacité de notre principal outil de stockage de l’eau nos sols"

Si le président de la République a défendu sans retenue les principes de retenues et de l’irrigation, il a néanmoins rappelé la primauté du sol dans le stockage de l’eau. « La priorité est de maximiser la capacité de notre principal outil de stockage de l’eau qui sont nos sols, a-t-il plaidé. Des sols en meilleure santé avec plus d’arbres, plus de haies, qui stockent mieux l’eau et qui favorisent la recharge des nappes, c’est ça le choix le plus cohérent, partout où on le peut ».

Adapter les territoires et les filières

Si l’irrigation est une évidence pour le chef de l’Etat, l’adaptation des territoires et des filières au changement climatique en est une autre. « On a des productions agricoles dans certains territoires qui vont sans doute migrer vers d’autres territoires qui ne les pratiquent pas aujourd’hui, et il va falloir réinventer des modèles agricoles dans d’autres territoires de notre République », a-t-il dit, tout en actant « le travail qui a été largement commencé et qui est au cœur des plans d’adaptation des filières et des territoires. C’est toujours très intimidant de penser de telles transformations mais il nous faut le faire ».

Comme il s’y était engagé à Terres de Jim en septembre dernier, la président de la République a indiqué que tout nouvel installé bénéficierait d’un diagnostic eau, sols et adaptation dans le cadre des aides à l’installation.

Pour réaliser les objectifs fixés, l’Etat va « dégager des moyens à la hauteur des ambitions ». Outre les 30 millions d’euros dédiés à l’irrigation de précision, un fonds de 30 millions d’euros pour l’hydraulique sera débloqué pour faciliter l’utilisation des ouvrages existants et améliorer l’infiltration dans les nappes phréatiques. Il va aussi desserrer l’étreinte sur les Agences de l’eau en les dotant de 500 millions d’euros supplémentaires chaque année et abolissant le plafond de de dépenses, ce qui leur permettra de co-financer, avec les collectivités, les projets d’adaptation au changement climatique. « C’est un vrai effort de la Nation, à la fois sur la sobriété des usages, la rénovation des réseaux, la réutilisation des eaux usées traitées », a conclu le président, évoquant certains autres aspects du Plan eau. Avec en premier lieu, l’objectif de réduire de 10% les prélèvements d’eau d’ici à 2030... pour tous les acteurs (particuliers, industriels, centrales électriques...) et donc les agriculteurs. Rappelons par ailleurs  que le gouvernement s'était engagé, en 2019, dans le cadre des Assises de l’eau, à diminuer les prélèvements de 10 % d'ici à 2025 et de 25 % d'ici à 2035.