Les constructeurs d’agroéquipements entre le marteau et l’enclume

Les constructeurs voient leur chiffre d’affaires progresser sous l’effet de la hausse des matières premières et des composants. Mais les niveaux de prix atteints vont désormais faire office de repoussoir. Au point de désespérer un changement de cycle.

Drôle d’époque que celle qui voit des entreprises s’inquiéter de la progression à deux chiffres de leur chiffre d’affaires sur l’année passée ainsi que sur le premier semestre de l’année en cours. C’est pourtant ce qui transpire du point de conjoncture dressé par Axema, le syndicat des industriels de l’agroéquipement au mitan de 2022. En 2021, la filière a battu un record historique de ventes avec un marché dépassant les 7 milliards d’euros (selon des données encore provisoires), en hausse de 16% par rapport à 2021, tandis que le 1er trimestre 2022 affiche une hausse de 13%. Oui mais voilà : la croissance s’explique principalement voire exclusivement par l’inflation du prix des agroéquipements, souligne Axema dans sa note de conjoncture.

Le marché de l’agroéquipement s’installe au-dessus des 7 milliards d’euros annuels (Source : Axema)
Le marché de l’agroéquipement s’installe au-dessus des 7 milliards d’euros annuels (Source : Axema)

En ce qui concerne les volumes, la situation est contrastée selon les familles de produits : le premier trimestre a été bon dans le matériel de récolte, les tracteurs et la protection des cultures mais il a été mauvais pour les chargeurs télescopiques ou le matériel de fenaison.

"Pour certains matériels, les seuils psychologiques de prix ont été franchis"

En 2021, tous segments confondus, les ventes étaient orientées à la hausse. Le paysage économique a radicalement changé en un an, avec une hausse généralisée et conséquente du prix des matières premières et de l’énergie. « Au final, l’augmentation des prix, comprise entre 20% et 30% depuis le 1er janvier 2021, pose la question de l’acceptabilité de prix aussi élevés. Pour certains matériels, des seuils psychologiques de prix ont été franchis », devise Axema. Le révélateur des inquiétudes d’Axema vient notamment de FranceAgriMer, en charge du guichet du Plan de relance dévolu à la modernisation des agroéquipements et la réduction des intrants, doté de 205 millions d’euros. Le plan a connu un franc succès mais 40% du budget n’a pas encore été décaissé. Axema redoute des abandons d’investissement dus à l’augmentation des prix.

Les PME victimes du ciseau des prix

Et pourtant, les constructeurs affirment ne pas répercuter l’intégralité de la hausse de leurs coûts de production. « Parmi les PME, rares sont celles qui jouent la clause d’imprévision et modifient leurs prix de vente avant la livraison, alors que c’est une pratique à laquelle ils sont souvent confrontés via leurs fournisseurs, explique Axema. Ces entreprises subissent actuellement un effet ciseau sur leurs marges ».

Evolution des prix de l’acier, de l’inox et de l’aluminium depuis janvier 2019 (Source : Axema)
Evolution des prix de l’acier, de l’inox et de l’aluminium depuis janvier 2019 (Source : Axema)

A la hausse des prix des matières premières et des composants s’ajoute désormais celle des salaires, de l’ordre de 3,5% en France contre 8,2 réclamé par le syndicat IG Metall en Allemagne. Pour couronner le tout, Axema souligne que « les difficultés d’approvisionnement sont plus fortes que jamais ». Les délais de livraison ont été augmenté en moyenne de 11 semaines par rapport à la situation normale, et culminent entre 19 semaines et 30 semaines pour les tracteurs. « Entre réduction des marges et allongement des délais de livraison, la trésorerie des entreprises est mise à mal et fait craindre une vague de défaillance dans notre secteur », affirme Axema.

Le paradoxe, c’est que la filière anticipe une nouvelle hausse du chiffre d’affaires comprise entre +5% et +15% cette année. « Toutefois, nous nous attendons à un retournement de tendance sur un marché qui est traditionnellement cyclique », prédit le syndicat. Ouf.

Evolution du marché du neuf depuis 2010 (Source Axema)
Evolution du marché du neuf depuis 2010 (Source Axema)