“Les vaches seront bien gardées” : Léa Rigal reprend le licol en main

[Transmission] Il y a tout juste un an, à la fête des cloches et des sonnailles de Cheylade, Léa Rigal croise Jean-Claude Freyssinier ; une rencontre qui lui donnera confiance en son avenir.

Dans son atelier de Riom-ès-Montagnes, elle mesure, découpe, coud, patine... À 26 ans, Léa Rigal a repris le flambeau de la Maison du Cuir, créée par Jean-Claude Freyssinier, 38 ans plus tôt. “J’avais le même âge que Léa quand je me suis lancé. La boucle est bouclée”, confie avec émotion le sellier historique.
Originaire de Condat, Léa a grandi sur la ferme familiale de Montgreleix. Dès l’âge de 10 ans, elle bricole des harnais pour ses chèvres, qu’elle attelle à un vélo ou à une luge. “C’est là que tout a commencé”, sourit-elle. Également fascinée par les selles western au tannage végétal des chevaux de randonnée de ses parents, elle choisit de faire d’une passion naissante, son métier.

De multiples expériences

Mais avant son installation, son parcours est déjà très impressionnant. Au lycée Saint-Géraud d’Aurillac, elle s’oriente d’abord vers un bac STD2A en design et arts appliqués. Mais très vite, la jeune femme a soif de pratique. Elle enchaîne avec un bac pro métiers du cuir option maroquinerie, en alternance à Ydes, puis un BTS prototypiste à Cholet, où elle fait ses premières armes dans une entreprise du luxe. Une licence en création industrielle l’emmène jusqu’à l’atelier Meyer à Cognac pour la sellerie équestre, puis à Clermont-Ferrand pour du design de chaussures et de la sellerie automobile. “J’ai travaillé les matériaux les plus nobles, mais j’avais besoin de revenir à quelque chose de plus simple, plus utile, plus concret. Avec les animaux, et pour eux.”

Installée en couveuse d’entreprises à Clermont, elle commence à confectionner ses premiers licols. C’est alors qu’un certain Laurent Martin, créateur de l’Académie des bouviers au Puy-du-Fou, devient l’un de ses premiers clients. Elle sert aussi de nombreux éleveurs, notamment du Cantal. C’est d’ailleurs là, précisément à la fête des cloches et des sonnailles de Cheylade qu’un jour de mai, il y a tout juste un an jour pour jour, elle croise Jean-Claude Freyssinier, fondateur de la Maison du Cuir à Riom-ès-Montagnes. “Je lui ai demandé si on pouvait réellement vivre de ce métier. Il s’est un peu moqué de moi en rappelant que ça faisait 38 ans qu’il en vivait.”

Tournés vers l’avenir

Une semaine plus tard, à la Fête de l’estive à Allanche, les deux se recroisent. Jean-Claude, sentant la passion de la jeune artisane, lui confie vouloir transmettre son entreprise. Banco : au 1er janvier 2025, Léa devient patronne de la boutique. Hasard ou clin d’œil du destin : Jean-Claude avait 26 ans quand il s’est installé. Léa aussi.
Avec l’appui de la chambre de métiers du Cantal, le passage de relais prend la forme d’un tutorat au long cours. “On s’inspire mutuellement, on mélange nos techniques.” Les savoir-faire s’entrecroisent : ici un point sellier appris chez Hermès pour affiner une couture, là une patine italienne pour sublimer un cuir. Un bonheur partagé de travailler “des cuirs français, choisis pour leur qualité”.
Et les commandes affluent : licols sur-mesure pour vaches highland à la morphologie particulière, mais aussi harnachements pour chevaux de trait ou ânes des Pyrénées, sangles de vêlage, colliers pour angus, tout est pensé, mesuré, fabriqué avec précision.
Des pièces qui servent les troupeaux de Clermont-Ferrand à Laguiole, ou d’autres de beaucoup plus loin : Normandie, Ardennes, États-Unis, Québec… “On équipe même une vache pour un parcours complet du chemin de Stevenson, avec harnachement et sacoches.”
Jean-Claude Freyssinier ne cache pas sa fierté : “Avec une clientèle déjà établie, Léa démarre son entreprise avec un tour d’avance.” Elle confirme. Mais la tradition vivante est aujourd’hui connectée.
Le métier a changé depuis les temps où le bourrelier, “le garagiste du coin”, bourrait les colliers de paille. Avec Léa, l’ordinateur a fait son entrée dans l’atelier. En outre, sous son  impulsion, les manifestations extérieures vont tendre à se développer : montées des estives ce printemps, concours et comices à l’automne. “Et cette année, j’ai réservé un stand au Sommet de l’élevage”, annonce-t-elle.
La transmission est bien en marche. Jean-Claude se prépare à passer la main, en douceur. “Le jour où elle me proposera d’aller chercher des champignons.