Loi Égalim 2 : un vrai “choc culturel” dans les relations commerciales

Réuni en assemblée générale à Pierrefort, le syndicat a décrypté les avancées jugées historiques de la loi Égalim 2. Une loi qui redonne la main aux producteurs dans la construction du prix.

“À qui tu donnes ton lait ?” “Qui ramasse tes bêtes ?” : deux expressions qui résument à elles seules la situation improbable mais pourtant toujours d’actualité des éleveurs, seuls chefs d’entreprise à ne pas deviser et encore moins facturer leur production. Mais l’ère des mineurs de la terre, sempiternelles variables d’ajustement de leur filière, est en passe d’être révolue avec la promulgation de la loi Égalim 2, loi au cœur des débats de l’assemblée générale de la FDSEA vendredi dernier à Pierrefort, animée par le président Joël Piganiol. Cette loi, dont les décrets ont été promulgués il y a quelques jours, rend obligatoires la contractualisation (avec les opérateurs privés comme coopératifs) et une construction des prix agricoles en marche avant avec une sanctuarisation des coûts de production.
Contractualisation : un vieux combat
Un véritable “choc culturel” selon Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine, et une opportunité inédite de reprendre la main sur le commerce et la valeur à condition que chacun s’approprie cette nouvelle donne, tourne le dos aux schémas du passé, “et à la désinformation des acheteurs en cours de ferme”. “La contractualisation est un vieux combat du syndicalisme pour donner des perspectives aux éleveurs et à ceux qui veulent le devenir”, a précisé Bruno Dufayet, tout en rassurant sur les modalités de ces contrats que les éleveurs vont pouvoir sceller avec plusieurs opérateurs : “Ce n’est pas l’usine à gaz que certains décrivent, c’est très très simple : on décale son pouvoir de négociation dans le temps, c’est-à-dire au moment de la naissance de l’animal et non plus quand il est prêt à vendre.” Forts des indicateurs de marché de la viande bovine désormais diffusés dans la presse agricole et de cette loi qualifiée d’historique, les éleveurs naisseurs vont ainsi pouvoir négocier un prix dans le cadre d’un engagement pluriannuel qui pourra prendre en compte l’évolution du coût de production dans le temps. “L’objectif, c’est d’aller chercher les 3,38 €, soit le coût de production actuel de nos broutards. Mais ils ne vont pas arriver tout seuls, il faut se remettre dans le sens du commerce”, plaide le responsable national.
Des filières en flux tirés
Si le contrat va également garantir des volumes aux opérateurs, charge à eux de répercuter la revalorisation du prix des animaux sur les engraisseurs italiens et à ces derniers de le faire sur les consommateurs transalpins. “Il faut arrêter de se poser la question sur l’export et de la situation des engraisseurs italiens qui valorisent aujourd’hui leurs JB (jeune bovin) à 5 €, on ne se pose pas la question des naisseurs qui vivent avec 8 000 € par an !”, enchaîne le président de la FNB. Comme lui, Yannick Fialip, président de la commission économique de la FNSEA, estime que le contexte est des plus favorables à la mise en œuvre des EGA : “On est passé dans une phase de flux tirés, en viande bovine notamment.” Flux tirés synonymes d’une offre qui ne suffit plus à couvrir les besoins. Au passage, Bruno Dufayet rappelle que depuis 2017,  500 000 vaches et 350 000 broutards ont déserté les pâturages français : “Au moins un gros opérateur privé a pris conscience des conséquences sur l’approvisionnement de ses abattoirs.” Devançant les réticences annoncées des marchands de bestiaux, il ajoute que le président du syndicat national des négociants français, qui traite plus d’un millier de têtes par semaine, “ne travaille qu’avec des contrats”.
À Mauriac, on n’a pas attendu Égalim 2 pour prouver les bénéfices de la contractualisation dans le cadre d’une relation gagnant-gagnant entre les éleveurs de l’Association La Viande au pays de Mauriac (AVPM) et l’Intermarché local. Un contrat qui régit un nombre et une qualité de génisses apportées selon une grille de prix assise sur les coûts de production des animaux (basés sur l’indice Ipampa). “Depuis 2004, il y a forcément eu des hauts et des bas mais on a toujours résolu les problèmes autour d’une table”, a fait valoir Vincent Roussel. “La contractualisation assainit les relations”, confirme Bruno Dufayet.
Zéro exemption
Les contrats, la filière laitière les pratique depuis 2011, a exposé Pierre Bonnet. Le président de l’Unell, qui réunit l’ensemble des organisations de producteurs livrant à Lactalis, voit dans la loi Égalim 2 et la sanctuarisation du prix des matières premières dans les négociations commerciales “une avancée assez phénoménale. Des lois aussi importantes, il n’y en a jamais eues !” Mais il prévient : une loi ne réussit que si elle s’applique à tous. “On ne doit donner aucune indulgence, aucune exception pour quelque motif que ce soit”, abonde Jean-Paul Peyral, président de la section laitière de la FDSEA.
Pour accompagner les éleveurs dans la contractualisation, la FNSEA planche sur des contrats type(1) qui pourront prochainement être explicités sur le terrain par le biais du réseau FDSEA. Par ailleurs, le préfet Castel a indiqué qu’une réunion était programmée le 19 novembre avec les acteurs de l’amont et l’aval pour une déclinaison locale d’Égalim 2. “Nous serons vigilants à ce que le travail soit fait...”, a prévenu le président de la FDSEA dans son discours, visant notamment la coopération.    

(1) Sans prix prédéfini, celui-ci relevant de la négociation entre producteur et acheteur.