Manger sain et à sa faim : à quel prix ?

[Edito] Malgré la baisse globale des prix des intrants, l’inflation demeure élevée sur les prix alimentaires en cette rentrée 2023. Pour de nombreux ménages, manger sain et à sa faim demeure une équation difficile à résoudre. Les recommandations nutritionnelles (plus de fruits et légumes, moins de viande) peinent à se concrétiser.

Le mois de septembre s’ouvre avec les 9e journées nationales du don agricole, créées par l’association Solaal en 2015. Glanages solidaires, collecte de dons, sensibilisation au don sur les salons agricoles : une quarantaine d’évènements est prévu partout en France pour répondre au besoin des associations d’aide alimentaire.

L’occasion de rappeler qu’en France, 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté et le nombre d’utilisateurs de l’aide alimentaire a plus que doublé entre 2009 et 2019 pour atteindre 5,5 millions de personnes. Ce chiffre a encore augmenté de 10% en 2020-2021 lors de la crise du covid, et de 6% au 1er semestre 2022, intégrant de nouveaux publics, comme les étudiants particulièrement touchés par les confinements successifs et privés de solidarité familiale.

En cette rentrée 2023, l’inflation des prix de l’alimentation, toujours très élevée, n’est pas de nature à arranger la situation. Les prix alimentaires ont bondi de 11,1% sur un an en août, une envolée moins rapide qu'en juillet (12,7%) mais toujours significative. Le gouvernement a annoncé l’ouverture anticipée des négociations commerciales entre industriels et distributeurs, dans l’objectif de voir les prix baisser rapidement.

Manger à sa faim, mais également manger sain, demeure difficile pour une grande partie de la population, obligée de renoncer à certains aliments, en particulier les fruits et légumes frais, au profit d’autres priorités comme le carburant.

Dans un dossier consacré à l’alimentation et aux inégalités, l’Inrae montre que les Français, quels que soient leurs revenus, consomment en moyenne des quantités équivalentes de produits gras, sucrés, salés, de viande et de poisson. Mais deux catégories de produits, primordiales en termes de santé, sortent du lot : les plus diplômés et les plus aisés consomment deux fois moins de boissons sucrées et deux fois plus de fruits et légumes que les personnes en situation de précarité alimentaire (près de 450 g/jour en moyenne de fruits et légumes pour les plus aisés contre 231 g/j pour les plus modestes).

Pas de déconsommation de viande

Augmenter la part de fruits et légumes tout en réduisant la part de viande : telles sont les recommandations du Programme national nutrition santé (PNNS), mis en place par l’Etat en 2001 afin d’informer et de réduire les inégalités sociales face à la nutrition. Or, force est de constater que ces recommandations peinent à produire leurs effets : pour la deuxième année consécutive, la consommation de viande par habitant augmente en France. Or une alimentation moins carnée (-20% environ) permet de réaliser 4 à 12% d’économies sur le budget alimentaire initial. Mais les représentations sociales liées à la viande demeurent ancrées et la transition vers des régimes plus riches en protéines végétales nécessite aussi une évolution des pratiques de cuisine.

Si les prix des matières premières alimentaires se sont envolés depuis 2021 sur fond de hausse des intrants, une tendance de plus long terme est aussi à prendre en compte : l’évolution vers des pratiques plus agroécologiques, qui doit permettre de répondre aux enjeux environnementaux, mais peut conduire à une hausse des coûts de production. Même si les prix agricoles ne constituent en moyenne qu’une faible part du prix final d’un produit, cette tendance doit être prise en compte par les politiques publiques afin de ne pas aggraver la précarité alimentaire.