Maraîchers nantais pris pour cible : « On veut fermer ce chapitre très vite »

Des parcelles expérimentales des Maraîchers nantais ont été dégradées et leurs abris lacérés et tagués, dans le cadre d’une manifestation organisée notamment par le mouvement Les soulèvements de la terre. Après la tristesse, l’incompréhension, la colère, et le dépôt d’une plainte, les Maraîchers nantais veulent vite tourner la page de ce triste épisode et reprendre leurs expérimentations.

Dimanche 11 juin dernier, dans le cadre d’une manifestation organisée contre l’extension de carrières de sable et contre la disparition du « bocage paysan » en Loire-Atlantique, deux actions ont visé les Maraîchers nantais, organisation regroupant 190 entreprises maraîchères du département : la première a consisté à arracher une parcelle de muguet et à la remplacer par des semences paysannes de sarrasin. La seconde a ciblé des parcelles expérimentales sous abris, situées à proximité de la maison des Maraîchers nantais : des plants ont été arrachés, des bâches lacérées et des inscriptions « Que brûle l’agro-industrie » ont été taguées.

Menée par le mouvement Les soulèvements de la Terre et plusieurs autres associations militantes, la manifestation et les actions de dimanche ont rassemblé environ 1500 personnes. Ce rassemblement avait reçu le soutien du parti Europe Ecologie Les Verts dont plusieurs élus étaient présents. Suite à la condamnation (quasi unanime) des actes de vandalisme sur les parcelles maraîchères par les élus locaux et nationaux, dont Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, le parti vert a publié un communiqué précisant qu’il continuait de soutenir la manifestation, mais que ses élus s’étaient juste « mis de côté, en retrait » lors de la réalisation des actions.

Une année de travail expérimental

Du côté des Maraîchers nantais, la tristesse et l’incompréhension dominaient juste après les actions de dimanche, tant chez les élus, que chez les ingénieurs et techniciens qui ont vu leur travail d’expérimentation détruit. « Ils ont saccagé une année de travail », regrette ainsi Brigitte Pelletier, la directrice du CDDM (Comité départemental de développement maraîcher), l’organisme de conseil et d’appui technique des maraîchers qui emploie une douzaine de personnes.

Ce que les manifestants reprochent aux Maraîchers nantais (« en vrac » extrait du compte twitter des soulèvements de la terre) : « utiliser du sable, être un agrobusiness exportateur, faire du maraîchage industriel, accaparer la terre et l’eau, détruire le bocage et ses haies, empêcher les nouvelles installations en faisant exploser le prix du foncier, artificialiser les sols à grand renfort de bâches plastiques et de serres chauffées, transformer le sud-Loire  en une petite Andalousie ».

Les quelque 200 Maraîchers nantais ne se reconnaissent pas vraiment dans ce portrait qui semble bâti sur des préjugés et des exagérations. Sur le seul dernier argument de « Petite Andalousie », la Fédération rappelle que le maraîchage nantais occupe 4700 ha (dont quelques centaines d’ha de serres et grands abris plastiques), soit 1% des 435 000 ha de SAU de la Loire-Atlantique. L’Andalousie, ce sont 33 000 ha de serres… Et si, certes, le maraîchage tend à s’étendre au-delà de sa zone traditionnelle du pourtour nantais, repoussé par l’urbanisation, c’est parce qu’il y a de la demande pour des fruits et légumes produits en France.

Autosuffisance à reconquérir

La France est loin d’être autosuffisante en fruits et légumes (elle importe environ la moitié de sa consommation) et un plan de reconquête de la souveraineté alimentaire a même été lancé récemment. Même si les Maraîchers nantais paraissent de « gros producteurs », la région des Pays de la Loire n’est même pas autosuffisante en fruits et légumes : pour l’être, elle devrait augmenter « de 40% la surface dédiée à la production légumière et fruitière » (rapport du Giec régional).

Quant aux parcelles expérimentales qui ont été détruites, là encore, c’est un peu la stupeur : il s’agissait notamment d’une expérimentation « en sol vivant », un mode de culture que les maraîchers cherchent à s’approprier de plus en plus, dans la lignée de ce qui se pratique en grandes cultures ou en viticulture. « On avait l’habitude de réfléchir sur du court terme, désormais on apprend sur le plus long terme, on fait des rotations », décrit Régis Chevallier, le président des Maraîchers nantais.

Autre essai détruit : celui sur les plantes compagnes, qui permettent de remplacer tout ou partie des pesticides par des plantes repoussant ou attirant les ravageurs. « Ils ont tué notre biodiversité », regrette Brigitte Pelletier. 

Un travail sur l’efficience de l’eau

Heureusement, les militants n’ont pas touché aux équipements actuellement en place dans le cadre d’un partenariat avec l’IMT Atlantique autour de l’amélioration du stockage des eaux pluviales. Différents moyens de stockage, bassin nu, bassin couvert entièrement de modules plastiques, et bassin avec une couverture végétale, sont actuellement étudiés sur le plan de l’évaporation et de la qualité de l’eau, pour déterminer le système le plus efficient.

Cette thématique de l’eau, faisait d’ailleurs l’objet d’une visite de la Présidente de la Région des Pays de la Loire, Christelle Morançais, le mardi 13 juin dernier. Une visite programmée avant les saccages, dans le cadre du lancement d’un plan eau régional. Sur ce sujet, Régis Chevallier a rappelé la nécessité de pouvoir continuer à irriguer et d’avoir une visibilité sur le long terme. Mais il a souligné toutes les améliorations de pratiques déjà réalisées, et toutes celles à venir : goutte à goutte, micro-aspersion, sonde capacitives… Pour rappel, une culture sous abri consomme moins d’eau qu’une culture en plein champ (environ 3 fois moins pour la mâche).

Régis Chevallier, le président des Maraichers nantais, aux côtés de la présidente de la région Pays de la Loire, Christelle Morançais, qui était en visite chez les Maraîchers nantais le 12 juin, à l’occasion du lancement d’un plan eau régional. Elle a fermement condamné les saccages et demandé des sanctions pour que cela ne reproduise plus. (photo Catherine Perrot)

Sur la consommation d’eau, comme sur celle de sable, de pesticides, d’engrais, d’énergie, Régis Chevallier et ses collègues se disent conscients que des améliorations sont nécessaires pour aller vers la transition agro-climatique : « Il n’y a rien de tabou, tous les thèmes sont traités ». « Alors, on va continuer nos travaux, c’est trop important. On va vite reconstruire les serres, replanter les essais, avancer ». « Ils ne gagneront pas. Je veux fermer ce chapitre très vite ».