Projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire : les réactions des parties prenantes

Présenté le 3 avril au Conseil des ministres avant l'entame des débats à l’Assemblée nationale le 13 mai, le « projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture » ne fait pas l’unanimité, loin s’en faut, suscitant également des réserves de la part des syndicats majoritaires.

JA attend un « choc d’attractivité »

« Nous attachons une grande importance à cette loi et souhaitons qu'elle soit adoptée avec ambition, afin de poser les bases d’une politique du renouvellement des générations renouvelée pour les années à venir », a réagi JA, qui attend un « choc d’attractivité ». Le syndicat se satisfait de la création de France Services Agriculture, le guichet unique dédié à l’installation-transmission, « passage obligatoire » et nécessaire pour capter les Non issus du milieu agricole. Jeunes Agriculteurs considère le diagnostic modulaire comme le moyen « de poser les bases saines de la négociation entre cédants et repreneurs et d’adapter les exploitations de demain à la réalité du changement climatique, et ainsi envisager restructuration et diversification en lien avec les opportunités de filières et de territoire ».

Le syndicat relativise cependant la portée de la loi qui, « malgré des avancées considérables en matière de politique à l’installation, reste améliorable sur bien des aspects ». JA attend par ailleurs l’ouverture d’un « chantier » dédié au foncier, distinct de la loi d’orientation. « Si nous ne pouvons pas parler de renouvellement des générations en agriculture sans parler d’accès au foncier, nous ne pouvons pas non plus prendre le risque de ne l’aborder que partiellement ».

Pour la FNSEA, « du bien, du moins bien et des manques »

« Dans ce texte y a des choses qui nous vont bien, des choses qui sont à préciser, et puis des choses qui manquent » a réagi Arnaud Rousseau le 4 avril sur LCI. Dans la case « bien », il y a l’inscription de la souveraineté à l’article 1. « La souveraineté, c’est continuer à produire en France une alimentation de qualité pour nourrir les Français avec ce qui se fait de mieux sur la planète », a précisé le président de le FNSEA. Au moment où on importe près d’un tiers de notre alimentation, ça a du sens ». Sur les importations justement, le syndicat attend des parlementaires qu’ils amendent le texte pour « pour s’assurer que l’on n’est pas dans une compétition qui n’est pas loyale ». Si le compte y est pour l’installation-transmission, la FNSEA déplore « un trou béant », sur le revenu et la compétitivité, sur Egalim, sur les moyens de productions, citant l’eau et les produits phytosanitaires, pas de trace non plus du « pas d’interdiction sans solution » et « rien sur le foncier ».

Pour la CR, une « plan de liquidation » de l’agriculture

La Coordination rurale « s’oppose fortement à cette LOA, en l’état, qui propose de graver dans le marbre le plan de liquidation de notre agriculture ». Le syndicat dénonce pêle-mêle une gabegie de moyens financiers (France Services Agriculture, diagnostic modulaire) et humains (recours à des experts, besoins de formation) et considère que la loi « livre les terres agricoles à la spéculation foncière en ouvrant la voie à l’investissement capitaliste dans des foncières ». Le syndicat déplore en revanche une grosse lacune, à savoir « la soutenabilité économique de l’agriculture, le point essentiel du juste revenu et du prix de vente économiquement viable ». En outre, « la LOA soumet l’objectif de souveraineté agricole au dogme de la transition énergétique », selon la CR.

Pour la Conf’, « un plan social »

Pour la Confédération paysanne, le projet de loi « ressemble davantage à un plan social qu’à un programme de renouvellement des générations », accusant le gouvernement d’utiliser « les vieilles recettes du passé qui, au nom de la compétitivité, favorisent l’agrandissement, l’endettement, la spécialisation des fermes, ceci au profit de quelques-uns et au détriment du plus grand nombre ». La Conf’ dénonce un vide sur le revenu et sur la répartition du foncier, « deux leviers majeurs pour installer massivement » et des « régressions », citant notamment « l’affaiblissement du droit pénal de l’environnement, l’accélération de la destruction des haies, la facilitation des projets de mégabassines, d’élevages industriels et de fermes usines aquacoles ». Pour la Conf’, le texte « loupe totalement ses prétendus objectifs et ne doit pas être voté en l’état ».

Pour la Fnab, ne pas faire l’impasse sur la bio

La Fnab attend du futur service public France Services Agriculture « un pluralisme sincère à tout niveau » et apte à proposer aux candidats à l’installation l’accompagnement « d’un réseau 100% bio ». La Fnab demande en outre à ce que la loi priorise systématiquement les projets d’installations en bio lors de l’attribution des autorisations d’exploiter des terres en fermage, et a fortiori pour celles déjà conduites en bio. En ce qui concerne le volet formation, la Fnab réclame un module obligatoire équivalent à 3 heures par semaine sur l’agriculture biologique dans le référentiel de formation de l’enseignement agricole, en lieu et place d’un enseignement « laissé à la discrétion des établissements » et qui « ne permet pas d’acquérir les connaissances nécessaires pour s’installer en bio ».

« Une réforme timide » pour les Civam, Fadear, Reneta, Sol

C’est ainsi que les organisations paysannes et citoyennes expertes de l’accompagnement à l’installation-transmission agricoles (dont les Civam, Fadear, Reneta, Sol...) qualifient le volet installation-transmission du projet de loi. « Les mesures annoncées ne permettent pas de garantir que les modalités d’organisation et de fonctionnement du futur parcours assureront le pluralisme dans le pilotage et l’animation des futurs dispositifs d’accompagnement ». Ces associations estiment par ailleurs que le projet de loi passe « à côté du sujet » en faisant l’impasse d’une réforme foncière, au profit du seul portage et des GFAI soulevant des « préoccupations ». Elles déplorent aussi l’absence de reconnaissance dans la loi des tests d’activités agricoles, « confrontés à de nombreux obstacles alors qu’ils ont fait leur preuves », l’inscription du droit à l’essai étant jugée « timide ». La transition écologique et climatique est jugée « fantomatique » et les contours des futurs diagnostics préalables à l’installation « flous ».

Pour Terre de liens, le « comble du désespoir »

Pour le mouvement Terre de liens, qui comme la Fadear et consorts, relève que « 14.000 fermes ont disparu en France depuis le lancement officiel du processus il y a 18 mois, 18 mois que l’on veut croire à la volonté du gouvernement de faire la part-belle à la diversité des modèles agricoles pour réussir le renouvellement des générations et la transition écologique de notre agriculture ». Las, le projet de loi actuel « dit tout le contraire ». Le mouvement est critique à l’égard du guichet unique France Services Agriculture (FSA), qui « met de côté toute une partie de l’écosystème de l’accompagnement agroécologique et pourrait rebuter des candidats qui ne souhaitent pas se tourner vers les Chambres d’agriculture », alors qu’il conditionnera l’accès « à une liste d’aides publiques » à l’installation. Terre de Liens n’est pas plus amène à l’égard de l’inscription de la souveraineté alimentaire dans la loi, « à rebours de la définition de droit international » et qui « se préoccupe plus de la balance exportatrice agricole de la France que de l'alimentation des Français ou du revenu des agriculteurs jetés en pâture à la concurrence internationale sur l’autel du libre-échange ». Quant au Groupement foncier agricole d’investissement (GFAI), « seule mesure sur l’accès aux terres, il favorise l’investissement de non-agriculteurs dans les terres sans aucune garantie que ces dernières ne servent à l’installation, ni à nourrir les Français, ni même qu’elles ne soient dédiées à des pratiques environnementales ».