Pac 2023-2027 : la France, mauvaise élève de l’UE ?

C’est en tout cas le point de vue de la plateforme Pour une autre Pac, qui a conçu un comparatif des Plans stratégiques nationaux (PSN) des États membres, et qui juge sévèrement les ambitions en matière de redistribution et de transition agroécologique. La Commission européenne corrobore en partie l’analyse et demande la révision de certains points du Plan stratégique national.

Qui fait mieux que la France du point de vue des ambitions sociales et environnementales inhérentes à la Politique agricole commune ? C’est à cette question que s’est attelée la plateforme Pour une autre Pac, rassemblant 45 organisations paysannes, environnementales et citoyennes. Son outil en ligne interactif repose sur l’analyse comparée des Plans stratégiques nationaux (à raison de 1000 et 3000 pages par PSN) de 12 pays dont l’envergure et le modèle agricole sont comparables au nôtre.

"Notre mauvais classement est dû au fait que la France s’est contentée d’appliquer a minima le règlement européen"

Résultats ? « Peu d’Etats membres font pire que la France, qui se situe très clairement dans le bas du panier, tranche Juliette Sainclair, chargée de dossiers politiques au sein de la plateforme. Ce mauvais classement est dû au fait que la France s’est contentée d’appliquer a minima le règlement européen ».

Ces minimas ressortent notamment dans certains des huit paramètres que la plateforme a décryptés, à savoir le plafonnement des aides (inexistant en France), le paiement redistributif (sans changement par rapport à 2014-2022), l’aide forfaitaire aux petites fermes (marginale), la convergence (inachevée à l’horizon 2027), le taux de transfert du 1er au 2ème pilier (seuil minimal de 7,5%), les aides à l’installation et l’agriculture biologique, les exigences de l’écorégime (avec la HVE au même rang que l’AB) le bien-être animal (absent de l’écorégime) ou encore le budget alloué au Maec et le mécanisme des écorégimes. « Sur de nombreux critères, la France est dépassée par les Pays-Bas, la Wallonie, la République Tchèque ou encore la Pologne, poursuit Juliette Sainclair. En ce qui concerne l’installation, sur la base de besoins générationnels équivalents, la France fait nettement moins bien que le Suède, l’Autriche, la Wallonie ou encore l’Allemagne ». Tous critères confondus, l’Allemagne ressort d’ailleurs comme l’un des meilleurs élèves de la classe, bien qu’ayant rendu sa copie avec retard, pour cause de télescopage avec les élections fédérales à l’automne dernier.

La Commission critique à l’égard du PSN français

Le comparateur de la plateforme Pour une autre Pac coïncide avec l’envoi, par la Commission européenne, des lettres d’observation concernant les PSN finalisés par chacun des Etats membres en décembre-janvier dernier. Dévoilée par le site d’information Contexte, la lettre concernant la France pointe certaines faiblesses dénoncées par la plateforme. Sont notamment dans le viseur la certification Haute valeur environnementale (HVE), considérée au même rang que l’AB dans l’une des voies d’accès au grade supérieur de l’écorégime (82 €/ha) ou encore la BCAE 7, relative à la rotation des cultures, la France ayant opté pour la diversification, avec en prime une demande de dérogation pour la monoculture du maïs, qui interroge la Commission.

"La Commission européenne ne veut pas donner un chèque en blanc à la France malgré ses engagements à réviser le cahier des charges de la HVE"

« Sur la BCAE 7, la France ne respecte pas le règlement européen, indique Mathieu Courgeau, paysan en Vendée et président de Pour une autre Pac. Concernant la HVE, la Commission européenne relève que son cahier des charges ne satisfait pas les exigences de la conditionnalité. Elle ne veut pas donner un chèque en blanc à la France malgré les engagements de celle-ci à réviser son cahier des charges ».

Pour la Commission, la HVE n’équivaut pas à la bio en terme d’ambition environnementale et demande en conséquence un paiement distinct au sein de l’écorégime. L’exécutif européen s’inquiète par ailleurs du manque de soutien à l’AB, synonyme d’un risque de déconversion à compter de 2023.

Un calendrier serré et percuté par la présidentielle

Les Etats membres de l’UE, qui ont reçu le 31 mars leur lettre d’observation, ont jusqu’au 30 avril pour notifier les aménagements escomptés, avant que la Commission ne rende publiques ses lettres d’observation. Chaque Etat devra remettre la version corrigée de son PSN d’ici au 31 mai, la Commission se donnant ensuite jusqu’à fin septembre pour les examiner et les valider.

Pour ce qui est de la France, ce calendrier est percuté de plein fouet par l’élection présidentielle qui, passé le second tour du 24 avril, débouchera sur la formation d’un nouveau gouvernement. Pas sûr que le Plan stratégique national soit érigé au rang de priorité nationale, sachant en prime qu’il avait fallu près de deux ans pour le finaliser.