PSN Pac 2023-2027 : la France renvoie la Commission dans ses 27

Dans sa réponse aux observations de la Commission européenne sur le Plan stratégique national (PSN), le ministre de l’Agriculture pointe les incohérences entre les politiques agricoles et commerciales de l’UE. Le ministère met aussi en avant les politiques nationales au service des transitions et loue un PSN divinatoire sur l’Ukraine.

« Cher Janusz », « Très respectueusement » : entre deux formules de politesse, le ministre de l’Agriculture n’en répond pas moins vertement au commissaire européen en charge de l’agriculture Janusz Wojciechowski. Le 31 mars dernier, la Commission européenne avait énoncé son « vert-dict » concernant les orientations de la France pour la Pac 2023-2027, consignées dans son Plan stratégique national (PSN), un document de près de 1000 pages co-construit pendant plus de deux ans avec les organisations agricoles, la société civile (débat imPACtons) et les Régions, autorités de gestion de certaines mesures du 2ème pilier de la Pac. Concernant la protection de l’environnement et l’action en faveur du climat, la Commission européenne considère que « le Plan ne permet d’accompagner que partiellement la transition écologique des secteurs agricole et forestier ».

La France en avance d’une mesure-miroir

Si le ministre de l’Agriculture s’engage à relever les points de non-conformité pointés par la Commission, il dénonce de la part de celle-ci « le comportement en opportunité », en contradiction avec le principe de subsidiarité inscrit dans la Pac 2023-2027. « Plus des trois quarts des observations invitent la France à apporter des justifications, précisions ou explications complémentaires des choix effectués ou à corriger des erreurs techniques. Elles ne sont donc pas de nature à remettre en cause les équilibres présentés dans le PSN », écrit Julien Denormandie, pour qui le problème est ailleurs. « Nous ne réussirons pas à protéger la santé publique, les préférences collectives de nos concitoyens et notre environnement, en imposant à nos producteurs des normes et obligations toujours plus strictes dans un laps de temps resserré, sans renforcer, en parallèle, nos attentes en matière de qualité des produits que nous importons ».

"L’Union européenne doit avancer plus rapidement sur la mise en œuvre de mesures miroirs et de la réciprocité, qui à bien des égards constitue un préalable"

Le ministre de l’Agriculture invite ainsi la Commission à réaliser « des avancées concrètes indispensables en matière de cohérence des politiques agricoles, alimentaires, de santé, environnementales avec les politiques commerciales », un besoin « impérieux pour ne pas mettre à mal les efforts qui seront faits par les agriculteurs européens avec la mise en œuvre de leur PSN respectif ».

Non content de contre-attaquer, le ministre de l’Agriculture fait même la leçon à la Commission, avec l’instauration par la France d’une mesure-miroir bannissant l’importation de viandes issus d’animaux de pays tiers et ayant reçu des antibiotiques de croissance, ce que l’UE n’a pas encore décrété en dépit d’un vote remontant à décembre 2018. « L’Union européenne doit également avancer plus rapidement sur la mise en œuvre de mesures miroirs et de la réciprocité, qui à bien des égards constitue un préalable », cingle le ministre. Dans le domaine du bien-être animal, Julien Denormandie invite aussi la Commission à prendre exemple sur la France s’agissant de l’arrêt de la castration à vif des porcelets (depuis le 1er janvier 2022) et de la fin du broyage des poussins mâles (d’ici au 31 décembre 2022).

Le PSN ne fait pas tout

Le ministre de l’Agriculture met aussi en avant les autres politiques publiques déployées par la France et répondant à certains enjeux portés par le Green deal européen. « Le PSN ne peut porter, à lui seul, l’entièreté de la stratégie de long-terme à déployer en matière de développement des systèmes agricoles et alimentaires durables, argumente le ministre. Comme cela est reconnu dans les observations, le PSN apporte une contribution nécessaire, mais il intervient en synergie avec d’autres leviers que nous avons d’ores et déjà mis en œuvre en France, et qui doivent être pris en compte ». Et le ministre de citer le Plan de relance (1,2 milliard d'euros pour l’agriculture), le Plan France 2030 (2,8 milliards d'euros), la réforme des outils de gestion des risques climatiques, la prorogation du crédit d’impôt accordé à l’agriculture biologique ou encore la 3ème révolution agricole.

Un PSN divinatoire sur l’Ukraine

Dans sa lettre au Commissaire européen, Julien Denormandie convoque aussi la guerre en Ukraine. « Dans ce nouveau contexte généré par le conflit en Ukraine, je considère en effet que les orientations prioritaires actées jusqu’ici dans le PSN français sont d’autant plus pertinentes », juge-t-il. Il cite le renforcement des mesures de gestion des risques, le développement de la production de légumineuses ou la mobilisation des instruments de soutien pour augmenter la génération des énergies renouvelables, notamment la production de biogaz.

Eu égard aux concertations requises avec les parties prenantes, dont les Régions, le ministre de l’Agriculture indique à Janusz Wojciechowski que le délai de trois semaines imparti pour répondre aux observations de la Commission ne pourra pas être tenu. « Très respectueusement ».