Pac 2023-2027 : les mauvais (et bons) points de la France, selon la Commission européenne

Après la finalisation, fin 2021, du Plan stratégique national (PSN), autrement dit de la Pac tricolore pour 2023-2027, la Commission européenne a adressé à chaque Etat membre sa lettre d’observations, que le site d'informations Contexte a rendue prématurément publique. Morceaux choisis sous forme d’abécédaire.

Adaptation au changement climatique

En matière d’adaptation des exploitations au changement climatique, la Commission demande à la France de mieux expliquer les choix proposés, de revoir le niveau de soutien à la hausse, en tenant compte des ambitions élevées inscrites dans la nouvelle loi européenne sur le climat.

Agriculture biologique

La Commission se félicite de l’ambition affichée du doublement des surfaces à l’horizon 2027 et l’augmentation significative du budget en faveur de l’aide à la conversion. Des précisions sont toutefois attendues sur la contribution effective du PSN à cette ambition et les possibilités d’atteinte de cet objectif. Mais elle pointe un risque de déconversion à compter de 2023, du fait de la suppression de l’aide au maintien (exceptée dans les DOM) et de la fin du relais assuré ces dernières années par les Régions et les Agences de l’eau. La Commission demande à la France de justifier en quoi le risque de déconversion est limité.

L’inclusion de l’AB dans l’écorégime, outre le fait qu’elle est beaucoup moins intéressante que l’ex-aide au maintien, pose aussi la question du chevauchement des financements dès lors que cette conversion (et maintien dans les DOM) est financée par les mesures de développement rural. Il est demandé à la France d’expliquer comment ce risque de double financement est écarté ou bien de modifier la structure de financement pour pouvoir l’éviter.

BCAE 6

Concernant la BCAE 6, conditionnalité relative à la couverture minimale des sols pendant les périodes les plus sensibles, la Commission rappelle à la France qu’elle s’applique dans toutes les zones où les sols peuvent rester nus et pas seulement aux cultures arables des zones vulnérables définies par la Directive nitrates.

BCAE 7

Concernant la BCAE 7 (rotation des cultures), la Commission constate que cette conditionnalité n’est pas assimilable à une mesure de diversification généralisée, choix opéré par la France. Le cas échéant, outre la formulation de prescriptions, la Commission demande à la France d’expliquer et de justifier la contribution de la diversification à l’objectif de la BCAE 7, consistant à réduire les fuites de nutriments. Il est aussi demandé à la France d’expliquer pourquoi certains cas spécifiques, tels que la monoculture de maïs, justifient une approche différente de la règle générale de diversification.

BCAE 8

Concernant la BCAE 8 (maintien de la biodiversité), il est demandé à la France d’apporter une indication sur les coefficients de conversion et de pondération utilisés pour le calcul de la surface en biodiversité. Pour les dérogations au maintien des particularités topographiques, un système d’autorisation et non de déclaration doit prévaloir.

BCAE 9

Concernant la BCAE 9 (interdiction de conversion et de labour des prairies permanentes sensibles en zone Natura 2000), il est demandé à la France de préciser les modalités de désignation des prairies permanentes qui présentent une richesse importante en biodiversité, afin de maximiser l’impact environnemental recherché. Concernant Natura 2000, la Commission est très préoccupée par la baisse de cofinancement et par la réduction du périmètre d’application des investissements.

Bien-être animal

La Commission note que la France n'envisage aucune mesure significative pour améliorer le bien-être animal notamment pour encourager l'élevage des porcs sans caudectomie et des systèmes d'élevage sans confinement pour les poules pondeuses, les veaux et les truies. De manière générale, la France devrait justifier, ou si nécessaire renforcer, la faible valeur des mesures visant à améliorer le bien-être animal, qui ne concernent en l’état que 4,12% de la production animale.

Biodiversité

Selon les données transmises en 2018, la France a l'une des plus faibles densités d'éléments paysagers de l'Union européenne. La Commission regrette le choix de la France de ne pas fixer de cible nationale concernant les éléments et surfaces favorables à la biodiversité et invite la France à reconsidérer ce choix. Elle demande le renforcement des mesures en faveur de la biodiversité.

Biogaz

La Commission encourage la France à utiliser les possibilités offertes par le règlement 2021/2115 (Règlement relatif aux Plans Stratégiques - SPR) pour mobiliser les instruments de soutien permettant d’augmenter la production des énergies renouvelables, et en particulier du biogaz durable.

Ecorégime

La Commission est préoccupée par la conception globale de l’écorégime ainsi que par son faible niveau d’ambition environnementale et climatique. Elle demande à la France d’en réviser le contenu et les indicateurs associés. Les différentes voies d’accès étant caractérisées par des niveaux de durabilité et d’engagement différents, la Commission demande de revoir ces niveaux ou d’adapter les niveaux de paiement proposés. Concernant les prairies permanentes (voie des pratiques), la Commission demande à la France de considérer une diminution des pourcentages de conversion annuelle autorisée (par rapport aux 10% et 20% proposés).

Ecorégime et HVE

La Commission note avec préoccupation que la rémunération de niveau supérieur pour service environnemental est la même pour l’AB et la certification HVE alors que le cahier des charges de cette certification est beaucoup moins contraignant. Compte tenu du fait que le cahier des charges de la certification environnementale est en cours de révision, rendant impossible d’en évaluer les bénéfices environnementaux et climatiques, la Commission demande à la France, soit de reporter l’inclusion des options d’accès à l’écorégime, soit de suspendre ces options jusqu’à la mise en place du nouveau cahier des charges. La Commission relève aussi la complexité des voies d’accès HVE et CE2+.

Gaz à effet de serre

La Commission s’interroge sur la logique de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). La PSN propose un soutien important à l’élevage mais il ne fixe aucun résultat à atteindre pour la réduction des GES du secteur. L’objectif est faible pour la gestion durable des nutriments malgré le rôle clé joué par le bétail et la fertilisation pour les émissions. L’évolution des puits de carbone est actuellement à la baisse en France et la Commission rappelle sa recommandation d’accorder une plus grande priorité aux besoins en matière de stockage du carbone et en particulier de favoriser une gestion durable des forêts.

Gestion des risques climatiques

La Commission salue l’approche plurielle combinant prévention, développement de la protection et recours aux outils de gestion de risques. Pour aller plus loin dans ce domaine, elle invite ainsi la France à considérer la possibilité de cibler ou conditionner les interventions de gestion des risques à l'adoption de pratiques agricoles adaptatives afin d'éviter les effets contre-productifs.

ICHN

La France est invitée à préciser la contribution de l’ICHN aux objectifs et indicateurs environnementaux. La Commission estime que l’ICHN n’est pas plus favorable à la biodiversité que le régime du paiement de base.

Installation

La Commission note que le PSN renforce les moyens alloués au renouvellement des générations en agriculture. En même temps, elle estime que les interventions correspondantes ne répondent pas aux faiblesses ou attentes sociétales identifiées dans ce même PSN, telles que la stagnation des installations féminines ou encore la transition agro-écologique. Par conséquent, la Commission demande de renforcer le ciblage des groupes de bénéficiaires dans ces interventions pour promouvoir l’égalité des genres ou les modes de production soucieux de l’environnement comme l’AB.

MAEC

La part des financements dédiés aux mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) n’augmente que légèrement et la Commission demande à la France de reconsidérer ces moyens à la hausse. Elle déplore la faible ambition en matière de protection de l’eau (indicateur R.21 à 6% de la SAU), de gestion des nutriments (indicateur R.22 à 7,7% de la SAU) et d’utilisation durable de l’eau (R.23 à 1,1% de la SAU).

Redistribution des aides

La Commission invite la France à réévaluer à la hausse l’ambition d’une redistribution équitable et d’un ciblage plus efficace des aides au revenu, pour favoriser l’emploi et mieux correspondre à la structure moyenne des exploitations.