Perturbations du vortex polaire, signe d’une fin d’hiver froide ?

Début janvier, le vortex polaire s’est soudainement réchauffé, un phénomène aux conséquences souvent qualifiées de « très hivernales ». Quel est réellement l’impact de cette perturbation sur la météo ? Réponse avec Pierre Huat, météorologiste pour DTN, qui dresse le bilan du mois de janvier et les perspectives pour les jours à venir.

Malgré le temps plutôt doux de ces derniers jours, le mois de janvier 2021 reste - de justesse - considéré comme un mois plus froid que la moyenne, avec un déficit de 0,1°C. Une forte variabilité géographique a été observée au sein du pays : « C’est dans le sud et l’ouest du pays que le déficit est le plus marqué, avec par exemple des anomalies de -0,4°C à Marseille et Nice, -0,7°C à Toulouse, et -1,1°C à Limoges et Biarritz. Au contraire, dans le même temps, on observe des anomalies positives au nord avec +0,3°C à Paris, +0,7°C à Nancy et +0,8°C à Strasbourg », précise Pierre Huat, météorologiste pour DTN.

Concernant les précipitations, janvier 2021 a été pluvieux, et même parfois très pluvieux, expliquant d’ailleurs les inondations généralisées que connait actuellement le pays. « Seule deux stations de références sur les 20 utilisées ont connu un déficit de précipitations : Marseille (-2°%) et surtout Montpellier (-71%). Cela s’explique par le régime d’ouest que nous avons connu, qui favorise un temps plus sec et calme autour de la Grande Bleue (sauf la Corse) et particulièrement le Golfe du Lion », poursuit Pierre Huat.

Précipitations : un excédent de 51% en janvier

« Ailleurs, c’est justement ce régime d’ouest qui explique d’importants cumuls de pluie, avec un excédent moyen sur le pays de +51% ! Cet excédent est parfois très important dans certaines régions comme l’Alsace (+216%), la Corse (+120%), ou encore les Hauts de France (+89%) », indique le météorologiste.

Début janvier a aussi été le théâtre d’un phénomène météo lié au vortex polaire, dont la conséquence pourrait être l’arrivée d’une vague de froid sur l’Europe. Qu’est-ce que ce vortex polaire et quel est réellement son impact sur la météo ? « En automne et en début d’hiver, l’air se refroidit fortement au niveau des pôles, en liaison avec l’allongement des nuits polaires. Il se forme alors dans la stratosphère (couche se situant au-dessus de la troposphère, celle dans laquelle nous nous trouvons), une « bulle » concentrée d’air très froid (en dessous de -80°C) positionnée au niveau du pôle. Un courant de vent fort nommé Jet de la nuit polaire se forme alors et tourne d’Ouest en Est autour de cette bulle. Ce tourbillon porte le nom de vortex », explique Pierre Huat.

Or, il arrive chaque hiver que ce tourbillon soit déplacé ou éclaté sous l’effet de ce que l’on appelle un réchauffement soudain. C’est ce qui a été observé aux alentours du 5 janvier, les températures de la stratosphère ayant soudain augmenté de 50 à 60°C. Une telle hausse des températures du vortex, bien qu’importante, reste toutefois dans la norme pour ce type d’évènement. « Le Jet de la nuit polaire s'en trouve alors perturbé, voire complètement arrêté. Il peut même s’inverser et circuler d’Est en Ouest », poursuit le météorologiste.

Masses d'air froid vers le Sud

Ces perturbations du vortex polaire peuvent alors se propager sous plusieurs semaines jusque dans la troposphère, la couche qui nous concerne. « Le Jet Stream est alors perturbé, ce « vent » d’altitude qui limite air froid d’un côté et air plus doux de l’autre. S’il circule habituellement d’Ouest en Est, il va prendre une trajectoire beaucoup plus sinueuse durant la période suivant un réchauffement stratosphérique soudain, formant des ondulations entre pôle et latitudes moyennes, permettant alors aux masses d’air froid de s’écouler plus facilement vers le Sud, et à contrario aux masses d’air chaud de s’écouler plus facilement vers le Nord », explique Pierre Huat.

Selon le météorologiste, il n’est pour autant pas possible de savoir quelles zones seront concernées par des descentes d’air polaire, et quelles zones seront au contraire concernées par des remontées douces. « Nous savons seulement que le schéma habituel est remis en cause, et que la circulation atmosphérique est plus aléatoire (et par conséquence la prévision encore plus hasardeuse), propices aux forts écarts avec les températures moyennes… dans un sens comme dans l’autre ! »

« Pour le moment, les premiers jours de février s’annoncent globalement assez doux et humides, mais une période froide n’est pas exclue aux alentours de la mi-février. Cela correspondrait alors aux possibles effets du réchauffement stratosphérique durant le mois de janvier », conclut-il. A suivre…